La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 29 juin 2012

Qu’importe que ce soit un sabre, un goupillon ou un parapluie qui vous gouverne ! – C’est toujours un bâton.


Stéphane Guégan, Théophile Gautier, Paris, Gallimard, 2011.

J’ai été amenée à lire l’énorme biographie que Stéphane Guégan consacre à ce cher Théophile Gautier.
C’est une biographie pleine d’informations qui retrace toute la vie de Théophile (ainsi que l’appelle l’auteur). Pour assurer son rythme de vie, l'écrivain doit fournir copie à tous les journaux du temps et tout est matière à des articles. Guégan le qualifie de « forçat de la colonne ». Il lui arrive d’ailleurs de mentionner dans sa correspondance « l’honorable recueil cuisse de nymphe émue qu’est La Revue des Deux Mondes ». Il préfère La Presse de Girardin, plus romantique. Il publie des feuilletons, des nouvelles, des romans, des livrets pour des ballets, de la critique théâtrale, littéraire et artistique, récits de voyage… Grand voyageur, à la fois en quête d’impressions et envoyé spécial de plusieurs journaux, il utilise les moyens modernes de transport pour parcourir l’Europe et l’Orient. Il ne manque pas d’ailleurs de réfléchir à notre perception du paysage modifiée par la vitesse (comme fera plus tard un certain Marcel). Aller en Grande-Bretagne ou en Allemagne pour visiter une exposition, assister à une corrida en Espagne, couvrir l’inauguration du canal de Suez et découvrir Cordoue, la Turquie, la Grèce, l’Italie, l’Algérie… 
Autour de lui gravite une foule : Hugo le plus grand, Flaubert, Balzac, Baudelaire, les propriétaires de journaux, les actrices, chanteuses et danseuses, les feuilletonistes… on s’y perd un peu quelquefois, dans ce monde qui tient le monde des lettres. Les femmes y sont nombreuses et importantes : Delphine Gay, George Sand, Sarah Bernardt, Marie Dorval, les sœurs Grisi, Rachel…
L’auteur retrace le contexte politique instable du XIXe siècle, mesurant les aléas de la libéralité en matière de presse et les contingences matérielles.

Théophile Gautier par
Chasseriau, Paris, Institut,
image RMN.

C’est un ouvrage plein de profusion, qui n’est pas aisé à lire et dans lequel on se perd un peu. Mais j’ai appris énormément de choses et j’ai particulièrement apprécié la description de la première d’Hernani comme un match où l’on vient à l’avance garder les places, en attendant on boit, on mange (et autre) et puis quand est lancé le coup d’envoi, on siffle.
D’innombrables citations de correspondance nous donnent accès au maître. Ici, à propos de Pompéi et des traces des corps conservés :
« La rondeur d’une gorge a traversé les siècles lorsque tant d’empires disparus n’ont pas laissé de trace ! Ce cachet de beauté, posé par hasard sur la scorie d’un volcan, ne s’est pas effacé. »

On se lance dans la lecture/ relecture de Gautier ?

jeudi 28 juin 2012

Nous serons tous plus tranquilles quand le train aura démarré avec vous dedans.


Eduardo Mendoza, Bataille de chats, traduit de l’espagnol par François Maspero, 1e éd. 2010, Paris, Seuil, 2012.*

Un livre un peu embrouillé avec impression mitigée.
Nous sommes en 1936. Anthony Whitelands, anglais et spécialiste hors pair de la peinture espagnole du siècle d’or, pas très brillant à part cela, est en mission discrète à Madrid. Une riche famille aristocratique souhaite se défaire de quelques pièces de sa collection de peinture afin de pouvoir réunir les capitaux nécessaires à une fuite à l’étranger – vu la tournure de l’actualité politique espagnole. Elle a besoin d’un expert honnête – Anthony, notre héros.
Mais à peine débarqué à Madrid, la situation se complique. Un vol de papiers, une rencontre avec une prostituée, un charmant membre de la Phalange, des marquises tout aussi charmantes, l’Ambassade de Grande-Bretagne, la Sûreté d’État et un Vélasquez  inconnu constituent le quotidien du séjour de l’Anglais. Ainsi que des bolcheviques, meetings fascistes et j’en oublie.
Au départ, j’étais assez sceptique sur ce roman. D’abord parce que le personnage principal ne m’a pas vraiment intéressée. Ensuite parce que l’écriture n’est pas sensationnelle, loin de là, elle est plate. Mais finalement je me suis plutôt prise au jeu. Il faut reconnaître que j’ai un goût certain pour les romans à l’intrigue embrouillée (Pynchon, Bosco, Hammett, DeLillo, Kaddour peuvent en témoigner) même si le roman est faiblard. Mendoza n’entre jamais dans la réalité d’un roman d’espionnage. Les scènes de révélations sont des farces et l’essentiel n’est pas de comprendre qui est dans quel camp. Mais le livre repose sur une ironie tragique : on a la certitude que la fin littéraire sera joyeuse (difficile de s’inquiéter pour Anthony) mais que la fin historique sera terrible – car on est à quelques jours du déclenchement de la guerre civile et on assiste aux hésitations de quelques-uns des acteurs de l’événement. On les voit faire des erreurs terribles, en toute impuissance. Finalement j’ai dévoré la fin pour savoir ce qu’il advenait du Vélasquez, sans espérer non plus de surprise.
Un livre sympathique avec un bon point : le désordre et la peur du Madrid d’avant la guerre sont très bien rendus.

Madrid, Gran Vía, image Wikipedia. 
Il fit une pause pour dominer son émotion, comme si la mention du danger qui planait sur ses êtres chers lui coupait la respiration. Mais il avait beau lancer des regards furtifs apparemment chargés de peur, on voyait bien qu’il trouvait un certain plaisir à cette mise en scène.

Merci à Colette pour le prêt de ce roman !

* Los gatos, les chats, c’est le surnom des Madrilènes.

mardi 26 juin 2012

Le reste était de la compétence sculpturale de Phidias.


Takis Théodoropoulos, Le Roman de Xénophon, traduit du grec par Michel Grodent, 1e éd. 2004, Paris, Sabine Wespieser, 2005.

J’avais repéré le nom de Théodoropoulos parmi les écrivains grecs contemporains et quand j’ai vu ce titre sur les étagères d’une amie, j’ai vite tendu le bras.
Le titre dit tout : Théodoropoulos fait le roman, érudit et ironique, affectueux et moqueur de Xénophon ou plutôt de celui qui nous est connu sous ce nom (car il s’agissait sans doute d’un pseudonyme littéraire). Pour cela il retrace sans complaisance l’Athènes de la fin du Ve siècle : le cercle philosophique autour de Socrate, la rivalité entre Platon et Xénophon, la fin de la démocratie. Xénophon est un aristocrate, a été l’un des commandants armés de la tyrannie des Trente, il s’exile d’Athènes et choisit le camp de Cyrus le Grand… Avec son armée de mercenaires, il est contraint de traverser la Mésopotamie à pied, un exploit sans nom, qui le place parmi l’histoire de la guerre. Et c’est un écrivain.
Ce roman nous rend vivante une période ancienne et étrangère, complexe par bien des aspects. L’architecture du Parthénon, les marbres de Phidias et de Praxitèle font des apparitions comme des curiosités. Son passé millénaire n’écrase pas encore la Grèce. Socrate est un homme insaisissable, non conformiste, dont les amis s’approprient la mémoire et l’image. Platon n’est pas vraiment à l’honneur mais Xénophon lui-même semble hésiter entre gloire militaire, complot politique, goût pour les tyrans, soutien de Sparte, Athénien éternel, discoureur.
Théodoropoulos se déploie entre les auteurs grecs avec familiarité comme d’autres slalomeraient parmi les souvenirs d’une famille pour écrire une saga. Il montre les grandeurs et les hypocrisies, le génie et la parcelle inconnue de chaque individu. Il est savant sans être pédant, taquine son héros avec affection.

On dit que Diodora, la mère de Xénophon, avant de le mettre au monde, n’avait pas eu l’un de ces rêves qui renseignent les femmes enceintes sur la personnalité exceptionnelle du fruit de leurs entrailles. Elle ne rêva point qu’elle avait engendré un lion, ni que le soleil brillait entre ses cuisses. Elle se borna à faire son devoir. Sur le point d’accoucher, elle avait déposé sur l’autel d’Artémis, dans l’Acropole, l’image au moyen de laquelle elle obligerait la déesse à l’aider à procréer le mâle bien proportionné qu’elle lui consacrerait, cela allait de soi.


lundi 25 juin 2012

Flash infos

Sur France Culture, une série de documentaires à réécouter :
Zelda Fitzgerald indispensable pour le challenge Fitzgerald et les enfants du jazz d'Asphodèle
Curzio Malaparte pour peaufiner votre Viaggio
Georges Bataille
Julien Gracq
À écouter sur la plage, en voiture, en faisant la valise...

samedi 23 juin 2012

Humeur féline du samedi-manche



Après un week-end en Haute-Provence chez des amis, d’où je suis revenue chargée de fromages de chèvre, de romarin et de thym, je me suis installée chez d’autres amis pour garder les chats. Quand ils partent en vacances, ils m’embauchent comme nounou. J’ai donc passé la semaine en compagnie de Fips et Roudoudou, ce qui était fort agréable. Je n’ai pas d’animaux mais je prends plaisir à prendre le temps de les regarder jouer, se poursuivre, faire les pitres… J’ai pu bouquiner en même temps, je leur ai joué de la clarinette, je crois que c’était une prolongation de mes vacances…

Une mouche a été martyrisée pour ces photos.

vendredi 22 juin 2012

La Grèce


J’ai vu le film Zorba le Grec réalisé par Michael Cacoyannis en 1964 avec Anthony Quinn. Alors ?
D’abord, évidemment au premier abord, le film semble peu grec. Il est en noir et blanc et au départ c’est troublant même si le réalisateur en tire des effets esthétiques intéressants. Et la langue est l’américain, ce qui est plus perturbant.
Je garde une impression plus sombre que pour le livre. En effet le roman de Kazantzakis est assez long et laisse liberté à Zorba de parler, de se raconter, ce qui donne une tonalité joyeuse et énergique à l’ensemble. Dans le film, ces moments de conversation sont moins nombreux (car plus statiques) et les épisodes narratifs (et dramatiques) sont bien traités. Le film est donc d’une tonalité plus dure et sombre sur la nature humaine, en dépit de la danse finale.
En ce qui concerne le traitement des personnages, Anthony Quinn incarne très bien ce fou de Zorba, riant et dansant, expressif en diable.  Alan Bates n’est pas mal dans le rôle du narrateur, même si le personnage du film a encore moins d'épaisseur que celui du livre. Je trouve que Lila Kedrova dans le rôle de Madame Hortense est charmante, je ne sais pas si cela correspond vraiment au livre mais elle m’a plu, avec ses minauderies.


Le noir et blanc met en valeur les habitants de la Crête, leurs silhouettes noires et fermées ont quelque chose de menaçant. Parmi eux la veuve (Irène Papas) est magnifique. La dureté de cette communauté villageoise – telle qu’elle apparaît dans Le Christ recrucifié – est très bien rendue, c’est un monde de violence primitive.
La danse de Zorba apparaît une première fois comme une folie furieuse puis ensuite comme un mouvement de joie et d’amitié, chantant la beauté de la vie malgré sa cruauté.
Sur ce très beau film, l’avis de Miriam. Et sa note historique sur le personnage de la Bouboulina.


mercredi 20 juin 2012

Par ses yeux d’or, j’ai bien envie de dormir.


Honoré de Balzac, La Fille aux yeux d’or, dernier récit de l’Histoire des treize, 1835 (lu dans l’édition Folio qui n’est pas très bien imprimée).

Un court récit dont certains aspects m’ont un peu échappé : j’ai pris l’Histoire des treize à rebours. Manifestement les 2 autres récits ne sont pas nécessaires à la compréhension mais éclairent le comportement du héros, de Marsay. Et Balzac ne s’étend pas sur le retournement final, au lecteur subtil de comprendre le rôle de la marquise dans l’histoire. C’est étonnant d’ailleurs cette discrétion de sa part, voilà qui doit nous titiller…
Le héros est Henri de Marsay, jeune homme doué de toutes les vertus et d’origine mystérieuse, un peu fat à mon goût. Il croise au Jardin des Tuileries une jeune fille magnifique, sensuelle et secrète, aux yeux d’or, mais sous l’autorité d’une duègne. Il n’aura de cesse que de vaincre tous les obstacles pour se l’approprier.
Le récit baigne dans une atmosphère mystérieuse et exotique, à la fois orientale et espagnole, sensuelle et dangereuse. L’aventure plonge de Marsay dans un ailleurs indéfini mais qui semble incompatible avec un hôtel particulier parisien. Le roman frôle le fantastique, par son décor et ses personnages, ce qui en fait une lecture très agréable.

Dans le doux voyage que deux êtres entreprennent à travers les belles contrées de l’amour, ce moment est comme une lande à traverser, une lande sans bruyères, alternativement humide et chaude, pleine de sables ardents, coupée par des marais, et qui mènent aux riants bocages vêtus de roses où se déploient l’amour et son cortège de plaisirs sur des tapis de fine verdure.

Cinquième participation* au challenge Balzac, Lecture commune approximative organisée par Marie. Sur ce roman l'avis de Mazel.


* Nooon ! J'avais oublié l'album de Catherine Meurisse ! C'est donc ma 6e participation, j'ai donc atteint l'objectif fixé, le niveau Lucien de Rubempré ! Youhou ! challenge accompli !
Ceci dit, il me reste quelques romans de Balzac à lire pour atteindre... l'intégrale. Ouaip.

lundi 18 juin 2012

Pardieu, cette nuit était grosse. Voyons de quoi elle va encore accoucher !


Nikos Kazantzakis, Le Christ recrucifié, paru en 1948, traduit du grec par Pierre Amandry, Paris, Plon, 1977.

Après Alexis Zorba, j’ai lu Le Christ recrucifié, plus fort et plus dur.
Le récit prend place à Lycovrissi, petit village d’Anatolie, peuplé essentiellement de Grecs chrétiens, sous l’autorité turque. Deux événements se produisent presque simultanément qui vont tout bouleverser.
Selon une coutume ancienne, des villageois sont chargés de faire revivre la Passion du Christ pendant la prochaine Semaine Sainte. Choisis par les notables, ils ont un an pour s’imprégner de leur rôle. Manolios, le jeune berger choisi pour être le Christ vascille : doit-il se marier, ne doit-il pas maintenant donner l’exemple ? Le colporteur choisi pour être un des apôtres peut-il continuer à tricher un peu sur les poids ? Et Panayotis choisi pour sa barbe rousse peut-il ne pas devenir mauvais maintenant qu’il est le « Judas » du village ?
Presque après, des Grecs chassés de leur village par des Turcs arrivent mourant de faim au village et demandent à être accueillis.
Il faut partager les terres, les récoltes. Il faut aussi partager le pouvoir et le pope Grigoris ne peut supporter la venue d’un second pope, sorte de Moïse à la tête de va-nus-pieds, qui pourrait lui aussi diriger les âmes. D’autant que Manolios et ses compagnons se mêlent de donner l’exemple de la charité, faisant la leçon aux notables.
Tout va peu à peu se dérégler. Chaque action engagée pour aider les réfugiés désagrège un peu plus le village en mettant à nu les oppositions au sein de la communauté. Le très riche ne veut pas partager, les villageois les plus généreux sont montrés du doigt par les autres, le pope Grigoris est peu à peu gagné par la seule haine.

Jaume Cascalls, Tête de Christ, 1352,
Barcelone, Musée national d'art catalan,
image M&M.
Le roman met en scène toute une communauté de commerçants, l’instituteur, le riche seigneur, les familles, les bergers, le seigneur turc qui règle tout par le fouet… Comme le titre l’indique, ce roman a une vraie dimension allégorique et symbolique… il s’agit de rejouer la Passion du Christ. Mais l’accent est aussi mis sur les émotions et passions, parfois contradictoires, de chaque personnage. Manolios, troublé par les sens et son goût pour les actions éclatantes, la difficulté pour Michélis de choisir entre son clan et son besoin spirituel qui l’entraîne à tout sacrifier, le pope qui n’est pas simplement un riche égoïste et hypocrite mais un homme avide de puissance, au point de pouvoir être un homme d’action, le riche Patriarchéas et ses regrets devant son fils, l’affection que voue Yannakos à son petit âne. Ce ne sont pas des marionnettes au service d’une histoire symbolique mais de véritables personnages.

La nature a également une place importante. Sont toujours évoqués la température, l’éclat de la lumière, la croissance des plantes… on est dans un village paysan et cette culture imprègne le récit. Un peu comme dans les romans de Giono où la nature est vivante, porteuse d’un souffle divin – sans panthéisme ici.

Les trois amis baissèrent aussi la tête, saisis d’effroi. Un frisson les secoua. Ils venaient de prendre conscience du fait que Dieu rôde autour de nous, comme un lion à l’affût ; de temps en temps, on sent son haleine, on entend son rugissement, on voit dans l’obscurité briller ses yeux…

Un tout petit bémol : on sait tout de suite que cela va finir en catastrophe même si l’on ignore de quelle façon, même si on a pris soin de ne pas lire la désastreuse 4e de couverture. J’apprécie quand il y a un peu plus de liberté.
C’est un roman prenant, dur et âpre, plein de violence primitive et aussi de sérénité paradoxalement. Rien de sucré ici.

Pendant une semaine, la Passion du Christ et sa glorieuse Résurrection avaient jeté leur lustre sur tout le village, remplissant chaque maison de gâteaux pascals, et d’œufs rouges. Elles avaient rayonné sur les jardins et les avaient couverts de fleurs. Leur éclat s’était fait sentir jusque sur les rudes caboches des paysans ; l’ivresse en avait chassé pour quelques jours les froids calculs de l’intérêt. Pendant une semaine, la vie, ayant rejeté le joug de ses misères, s’était faite plus légère. Mais ce jour-là, comme une bête de somme qui secoue pesamment la tête en renâclant, elle s’attelait de nouveau à la tâche quotidienne.

Encore un grand merci à Sylvie !

Le pari hellène




samedi 16 juin 2012

Les humeurs du samedi-manche 17 : Retour de Vendée

la plage à marée haute - M&M
 Vous avez remarqué ? je suis revenue de vacances…
Moustachu et moi-même avons traversé la France pour atteindre les côtes vendéennes. Nous nous sommes régalés de ces éléments étrangers à la Méditerranée : les marées hautes et les marées basses, le crachin et la pluie, marcher dans le sable humide, chercher les bêtes dans les rochers, le bruit de l'océan et des vagues.

les rochers à marée basse - M&M
Une petite excursion nous a menés à Nantes, où nous avons visité le château des ducs de Bretagne et je vous recommande vivement ce musée historique extrêmement bien conçu : Anne de Bretagne, l’aménagement de la ville et du fleuve au fil des siècles, la traite négrière, les conserveries… Très, très intéressant.

des moules à petits LU ! M&M
Et puis, nous sommes passés par l'île de Noirmoutier, où il a fait beau et où j'ai pu mitrailler à loisir. Pour y aller, nous avons emprunté le passage du Gois, vous savez, cette route que la marée haute recouvre deux fois par jour. Les pêcheurs de palourdes prennent possession des bas-côtés à marée basse.

Passage du Gois - M&M
Et… nous avons enfin pu rencontrer l’amie Asphodèle qui vit dans un coin de Vendée. On a passé des heures ensemble à bavarder sans interruption, à admirer le jardin, à échanger navettes contre troussepinette… c’était une très belle journée, à renouveler !
Cette semaine, retrouvailles avec Marseille et le soleil, le blog et vous, c’est bien aussi.
Noirmoutier - M&M

jeudi 14 juin 2012

Une femme qui tient lorsqu’un homme lâche ne saurait être que haïssable.


Claude Pujade-Renaud, La Nuit la neige, Arles, Actes Sud, 1996.

Un roman qui s’inscrit dans la lignée du Désert de la grâce. L’auteur porte son intérêt sur la même période historique (l’Europe de la fin du règne de Louis XIV à la Régence) et fait encore une fois les paroles de femmes s’entrecroiser au fil des années.

Au début du roman, la princesse des Ursins, camerara mayor de la cour d’Espagne, femme politique et aventurière tout à la fois, est en exil à Gênes. Elle revient sur son éviction, une nuit d’hiver en Castille, chassée du pays par la nouvelle reine…
C’est que nous sommes en une période complexe. Philippe V est sur le trône d’Espagne, un roi français, petit-fils de Louis XIV. Il reçoit en 1701 comme 1e épouse Marie-Louise-Gabrielle de Savoie, amenée à Madrid à 13 ans par la princesse des Ursins qui a reçu comme consigne de veiller à la paix entre la France et l’Espagne et qui aura la haute main sur toutes les affaires espagnoles. Philippe V est un roi mélancolique, à la raison vacillante, rongé par la culpabilité catholique. Pendant des années, la princesse espionne et gouverne, s’occupe des naissances et du couple royal, essaie en vain de s’attaquer à l’Inquisition. Puis la reine meurt ; après la période de deuil obligatoire, il faut à nouveau fournir une épouse au roi. C’est une époque où les filles sont amenées, transportées, échangées, comme du bétail, au gré des alliances et des politiques, faisant leur devoir de reine. Arrive alors la seconde épouse, Élisabeth Farnèse, qui destitue la princesse des Ursins. Et le roman commence…

Madrid, monastère de Las Descalzas Reales, image M&M.

Les voix s’entrecroisent, celle de la princesse des Ursins et de sa camériste, de la seconde reine d’Espagne, venue d’Italie, de sa fille, échangée contre une princesse française, des nourrices… Un seul homme, un roturier devenu cardinal, dans cet univers de femmes. Monologues et souvenirs, elles sont lucides sur leur sort et leur époque.
Le décor : les souvenirs d’Italie parsèment le roman mais c’est le sombre palais de l'Escorial avec son Pourrissoir qui est omniprésent. Et la neige. Le carrosse qui emporte la princesse des Ursins hors d’Espagne roule dans la neige et semble ne jamais devoir s’arrêter. Il entraîne avec lui toutes les voitures trimballant les futures reines qui quittent leur pays natal et traversent les Pyrénées.
J’ai beaucoup aimé ce roman, très brillant dans sa construction, très documenté sur le plan historique. Pujade-Renaud a comme toujours une langue sensible qui donne toute sa place à des femmes intelligentes, actives dans un monde d’hommes, habiles en politique, taisant leurs sentiments, résistant à la solitude.

Certes, je m’en souviens de ce pas de Roncevaux. De ce passage. La date m’est restée : 9 décembre 1714. Dans ma chaise à porteurs, je serre les dents. Nous nous sommes mis en branle un peu tard et bientôt la nuit tombe. Juste la lueur vague de la neige, je devine que nous pénétrons dans une vallée très étroite. Elle se referme sur moi tel un étau. Le froid également. À intervalles réguliers sont plantées des torches résineuses. Superbes ces flambeaux sur ce blanc scintillant. Mais ils ne me réchauffent guère. À leur pied la neige fond et m’évoque la cire des cierges lorsqu’elle devient liquide autour de la mèche.

Merci Sylvie pour ce prêt. Il y a aussi un billet sur Celles qui savaient. Lire aussi l'avis d'EmiLie et de Keisha.


mardi 12 juin 2012

Les préjugés étaient comme des échardes dans les mains et les certitudes s’accompagnaient d’un hérissement de l’estomac.

Leonardo Padura, Adios Hemingway, traduit de l’espagnol (Cuba) par René Solis, 1e parution au Brésil en 2001, Paris, Métailié, 2005.

Un petit livre qui a attiré ma curiosité car il mêle Cuba et Hemingway. C’était une lecture agréable, prenante, même si je ne suis pas certaine qu’il en reste grand chose dans quelque temps.
Le récit se place vers la fin des années 90, à Cuba. À la Finca Vigía, la maison d’Hemingway, devenu un musée mort depuis longtemps, un ouragan a déraciné un arbre et déterré un cadavre et les deux balles qui l’ont tué. La police confie l’enquête au Conde, flic à la retraite, un peu écrivain, ex admirateur de l’américain. Il se plonge dans la vie d’Hemingay, rencontre les derniers survivants de cette époque… et boit du rhum.
En parallèle, on suit quelques heures de la vie d’Hemingway, âgé, alcoolique. Le roman évoque sa vie violente, son goût pour les armes, la chasse et la tauromachie, la vie guerrière sous toutes ses formes. Ça n’en fait pas un portrait très sympathique mais troublant, humain, empreint de pathétique et de puissance.

Bar Hemingway à Turku (Finlande)
image M&M.
Le roman de Padura est court, se penche plus sur Hemingway (très envie de relire ses livres maintenant) que sur Cuba, à l’exception du rhum et des combats de coq. C’était une parenthèse agréable dans le temps. Ah… et la petite culotte d’Ava Gardner fait une superbe apparition.

Je n’ai pas trouvé qui avait tué le mort, ni qui diable cela peut être. Mais j’ai découvert une chose triste, personnelle et définitive, j’ai découvert qui je voudrais qui soit l’assassin.
-       Mais cela, Conde, toute la Havane le sait… Ce qui est incroyable, c’est qu’il t’ait autant plu à une époque.
-       J’aimais sa façon d’écrire.
-       À d’autres, mais pas à moi. Tu aimais aussi le bonhomme.

Nouvelle participation au challenge les 12 d’Ys d’Yspaddaden pour la catégorie auteurs latino-américains". Et d'ailleurs l'avis d'Yspaddaden sur ce livre.


samedi 2 juin 2012

Les humeurs du samedi-manche. 16



Les marseillais au chômage partent aussi en vacances… oui je sais, la vie est injuste. Mais Moustachu et moi-même avons pris la route vers l’Ouest sans trop d’internet mais avec plein de livres. Marcel, les Vikings et les Grecs sont du voyage… (la photo montre les stocks pour deux personnes) je vous raconterai ! Tenez bien la maison en mon absence.
Prochain billet le 12 juin.