La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 29 juin 2016

C’était un homme d’une austère et grande noblesse, un Hyppocrate doublé d’un Caton.

Joaquim Maria Machado de Assis, L’Aliéniste, traduit du brésilien par Maryvonne Lapouge-Pettorelli, parution originale 1881, édité en France chez Métailié.

Une fable sur la folie.

Nous sommes dans une petite ville du Brésil à la fin du XIXe siècle. C’est le début de la médecine psychiatrique. Le héros, le docteur Simon Bacamarte, a étudié au Portugal et décide d’implanter à Itaguaï un asile, car il n’est pas concevable qu’une ville soit dépourvue de déments et qu’elle ne les soigne pas. Donc le docteur ouvre un magnifique et bel asile et y met une personne, puis une, dix, cinquante et un peu tout le monde, suscitant la révolte des habitants. Comment cela va-t-il évoluer ?
C’est une fable très ironique sur la folie, qui est la chose du monde la mieux partagée, mais aussi sur la normalité et surtout sur le pouvoir. Qui décide dans cette ville ? La science n’est-elle pas un pouvoir légitime, à côté du roi et de l’Église ? Que deviennent les lâches, ceux qui se contredisent, les hypocrites, les imbéciles, les menteurs ? Ils ont certainement un problème de connexion interne… Tout en étant bien brésilienne par tous ses aspects, l’histoire n’est pas sans rappeler des épisodes dictatoriaux historiques, comme celui de la Terreur française, où un mot, un bijou, une habitude suffisent à vous faire disparaître. On n’est également pas si loin du Rhinocéros d’Eugène Ionesco, notamment cette atmosphère digne de l'absurde.
W. Zacharias II, La Maison de J. Maurits van Nassau-Siegen, 17e siècle, Drese, Kunstslammlungen, RMN.

Et comme l’apothicaire s’étonnait de pareille promiscuité, l’aliéniste lui dit que tout cela était du pareil au même, jusqu’à conclure d’un air entendu :
- Sont féroces, monsieur Soares, les grotesques qui se prennent au sérieux.
- Plaisant, très plaisant, s’exclama Crispim Soares en levant les bras au ciel.

Le long billet de Brumes sur ce roman bon pour le défi Amérique du Sud d’Eimelle