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mardi 10 juin 2025

Plus personne ne se souvenait d'eux.

 

Jean Rolin, Tous passaient sans effroi, 2025, P.O.L.


Le passage des Pyrénées.
L'auteur, donc, se penche sur le trajet des Pyrénées par lequel des milliers de personnes ont fui durant la Seconde guerre mondiale, fuir Vichy et les nazis, puis se débrouiller de l'Espagne franquiste et de ses nombreux camps, avant de rejoindre une autre vie. Certains sont très célèbres, comme Walter Benjamin qui s'est suicidé, mais beaucoup sont anonymes. Certains étaient passés par Marseille et avaient bénéficié de l'aide de Varian Fry et d'autres pas. Certains ont tracé la voie comme Lisa Fittko, qui a sauvé tant de gens.

Juste avant d'atteindre la tombe de l'abbé Stella, sur laquelle les caractères dorés dont son nom était composé sont en train de s'effacer, j'aperçois dans l'herbe une mue de serpent et je me penche pour l'observer.

Le livre entrecroise avec légèreté le récit de Rolin, essayant avec difficulté de marcher sur ses chemins, malgré ses difficultés physiques, la description de ce coin de pays-là en 2025 (chemin de randonnée Walter Benjamin, cérémonies commémoratives, cincle plongeur dans le ruisseau, moutons envahissants) et l'évocation des événements survenus pendant la guerre. Récit d'aviateurs britanniques et de Français cherchant à rejoindre Londres qui se sont aventurés dans la montagne. Ceux qui ont réussi à passer et ceux qui y sont restés, avec le procès trouble d'un passeur qui fut assassin.
On croise Jean-Pierre Melville et beaucoup d'autres personnes citées dans les livres que j'ai déjà lus.

Le ton est empreint d'une légère ironie, qui n'empêche pas le sérieux et le respect.


Avant même la mi-octobre, le nombre de mes tentatives de franchissement des Pyrénées, déjà, s'élevait à quatre : ou à trois et demie si l'on m'accorde que la première n'en était pas une à proprement parler.
C'est le début.

Le mont Canigou quand tu es dans le train pour Madrid.


« No antifaascism without feminism », enjoint l'un de ces graffitis, un autre, mais peut-être de la même main, rappelant que si c'est le chemin de Walter Benjamin – « It's the path of Walter Benjamin », – c'est à Lisa Fittko qu'il doit d'exister – « But Lisa Fittko made it possible » et invitant à ne pas oublier l'histoire particulière de celle-ci : « Tell her story, not only history ».

Dès le 2 octobre, à peine une semaine après la découverte des ossements et sa divulgation dans la presse, alors que les gendarmes désespèrent de découvrir l'identité de la victime, tant de personnes, françaises et étrangères, ayant emprunté sous l'Occupation cet itinéraire d'évasion via le port de Siguer, dès le 2 octobre un certain Germain Rincent, député de l'Aube, écrit aux enquêteurs pour leur suggérer un lien possible entre les restes humains découverts sur le pic du Bouc et la disparition huit ans auparavant, dans ce même secteur des Pyrénées ariégeoises, de son ami Jacques Grumbach.

C'est la première fois que je lis un livre de Jean Rolin. J'avoue que je m'embrouille facilement la tête devant la montagne de titres publiés par les deux frères, Jean et Olivier, et que j'ai préféré en rester à l'écart jusqu'à présent.

Il sera à nouveau question de ce sujet inépuisable jeudi.



8 commentaires:

  1. Je mélange les deux, jusqu'ici une prédilection pour Jean, mais une lecture d'Olivier, à venir, me fait basculer...
    J'ai repéré ton titre, emprunté, sinon je l'aurais déjà lu! "Le ton est empreint d'une légère ironie, qui n'empêche pas le sérieux et le respect." voilà tu as tout compris! Parfois dans ses livres il parle de trucs a priori loin de mes centres d'intérêt, mais ... j'aime!

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    1. Je me doutais bien que tu connaissais les deux, je débute. Je verrai si je continue.

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  2. Tu as raison : c'est un sujet inépuisable. J'ai lu trois livres pour écrire mon texte sur Varian Fry et en lisant j'avais envie d'explorer toujours plus de pistes. Pourquoi pas ces chemins pyrénéens...

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    1. Entre les témoignages de chacun, qui fourmillent d'anecdotes et de noms de personnes, qui nous renvoient vers d'autres récits, etc. C'est sans fin. (à deux doigts de lire le texte de Fittko).

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  3. J'aime bien l'idée du livre. La marche et l'évocation d'évènements dans les lieux traversés.

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    1. Oui en plus, lui n'est pas un marcheur chevronné, le moins qu'on puisse dire, donc il ne part pas vraiment sur les traces de, il fait ce qu'il peut et décrit surtout les gens qu'il rencontre. C'est plutôt pas mal.

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  4. J'aime beaucoup ce type de récits "promenade littéraire". Le dernier que j'ai lu, d'Olivier Rolin, par contre, adopte aussi cette forme, mais pas du tout sur le même sujet. Il part sur les traces de deux personnages des Misérables. C'est pas mal du tout ... ( Jusqu'à ce que mort d'ensuive)

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    1. Je me souviens avoir lu ton billet. Il m'a tenté en effet.

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