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mercredi 27 juillet 2022

Poirot leva une main vertueuse en s’efforçant de prendre l’air modeste.

 Agatha Christie, Le Flux et le reflux, parution originale 1948, traduit de l’anglais par Élise Champon.

 

Après la lecture de plusieurs romans moyens de Christie, je suis contente de vous parler de celui-ci. Tout se passe dans un petit village anglais (avec un pub) juste à la fin de la Seconde guerre. Le riche oncle Gordon a eu la malencontreuse idée d’être tué dans un bombardement alors qu’il venait de se remarier et qu’il n’avait pas rédigé son testament. La famille est furax et la jeune veuve est candide. Et Poirot trouve cette histoire bien intéressante.

Alors, pourquoi cette histoire me semble particulièrement réussie ? D’abord, le contexte est utilisé. C’est la fin de la guerre, la démobilisation, le chômage, la hausse des impôts, le ressentiment de ceux qui sont partis se battre ou de ceux qui sont restés à l’arrière, les rationnements qui n’ont pas cessé et tout cela nourrit de façon intéressante le roman. Ensuite, plusieurs personnages sont correctement travaillés : pas tout d’un blanc, sans révélation fracassante à leur sujet, mais plutôt vivant dans une lumière trouble, à facettes contrastées. Cela crée de la complexité et de multiples possibilités pour l’intrigue. C’est sans doute pourquoi plusieurs scènes sont très réussies (Poirot et la vieille dame, Poirot et le café final).


Voilà ce qui ne va pas, pensa-t-elle brusquement. Sans arrêt, depuis mon retour, j’ai cette sensation. Ce sont les cicatrices de la guerre. Partout, il n’y a que hargne et mécontentement. Dans les trains, dans les autobus, dans les boutiques, parmi les employés, et même parmi les fermiers. Et j’imagine que c’est pire encore dans les mines et les usines. Oui, de la hargne. Mais ici, il y a quelque chose en plus. Ici, c’est particulier. C’est délibéré !


Sickert, Lecture, 1940 Corsham court collection
Bémol : la solution est un peu trop socialement acceptable et puis surtout il faut arracher les 2 dernières pages qui gâchent tout ! On y voit un jeune homme qui reconnaît un meurtre, mais qui est tout juste réprimandé parce qu’il ne l’a pas fait exprès et une jeune femme qui découvre que l’étranglement est une preuve d’amour 😱🤬. Bref, il vaut mieux s’arrêter sur la dernière réplique du méchant assassin qui est très bien, elle. Il est très bien l’assassin (ça contribue beaucoup à la réussite des romans policiers).

Un Christie « bon pour le TGV ».

 

Il dévisageait Poirot d’un air admiratif mêlé d’incrédulité. Il n’aurait pas été humain de résister à la tentation de faire un peu d’esbroufe. Avec une pensée pour un brillant prédécesseur, Poirot déclara d’un ton solennel :

- J’ai mes méthodes, Mr Cloade.

 

Une romancière.



6 commentaires:

  1. Je l'ai forcément lu, sans trop de souvenir, si tu dis qu'il est bien ça peut donner une relecture... Se glisse bien dans un sac, en train (pas forcément TGV)

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    1. Je pense qu'on peut étendre la recommandation aux TER.

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  2. Comme Keisha je pense bien que je l'ai lu ayant enfilé une année l'oeuvre complète d'Agatha mais je n'en garde aucun souvenir ça donne envie d'y retourner un peu

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    1. Pour le coup, c'était un des rares que je n'avais pas encore lu.

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  3. Mais j'ai l'impression. que je ne l'ai pas lu, celui-là... C'est toujours bien de relire un Poirot, de toute façon

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    1. Il n’est peut-être pas très connu.

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