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lundi 2 juin 2025

Il y a dans la grandeur et la fierté de cette ville un silence indéniable.

 

Robert Walser, Retour dans la neige, recueil de nouvelles parues dans la presse entre 1899 et 1920, traduit de l'allemand par Folnaz Houchidar, édité en Suisse par Zoé en 2023.

Les premières nouvelles se tiennent en ville et racontent la vie d'un jeune homme de lettres. Il y a aussi de nombreuses observations sur la vie des gens en ville (le tramway, les gares, les trains) et c'est sûrement ce que j'ai préféré. La seconde partie du recueil met en scène la campagne montagnarde suisse, villages et champs. Le narrateur y est sous le charme de la nature et de ce qu'il décrit comme une vie simple et naturelle – j'ai beaucoup moins apprécié, car j'ai trouvé cette peinture moins concrète et davantage coupée de la réalité.

Bien des yeux brillent d'une nostalgie secrète, bien des lèvres se serrent, bien des âmes tremblent, mais tous veulent être convenables, tous veulent aller le chemin de la raison, tous peuvent et veulent se préserver.

Le narrateur prend le parti de l'observation humaine, du ton amical, sans illusion, mais sans jugement, avec un intérêt sincère pour les autres.
Il y a une belle célébration des paysages suisses (qui hélas me paraît un peu fade). Je ne sais pas pourquoi, à la lecture, je me dis que ces villes ou villages qui sont décrits ne peuvent qu'être suisses ou allemands à la rigueur (si propres, si ordonnées, si... pas comme chez moi).

Certaines rues du cœur de la vieille ville sont étrangement abandonnées ; une cathédrale dans sa vénérable splendeur ou une morne caserne ou un vieux château accentuent encore cette impression de silence et de solitude. Dans l'ambiance bourgeoise et la pâle lumière des brasseries, quelques convives du soir sont assis à des tables et lisent le journal ; le garçon de café est là, désoeuvré, le torchon sous le bras.
C'est le début d'Une rue de grande ville, la première nouvelle.

Denis, Les Balayeurs ou La Neige en février, 1889 pastel, Orsay


La campagne était verte et à travers cette verte campagne, la bonne rivière dont l'eau brillait si joliment coulait, insouciante, sereine et paisible. Les verts étaient de nuances si diverses qu'ils semblaient chanter une mélodie ; à d'autres endroits, ils paraissaient avoir le sourire d'une belle.

Un vapeur sortit sur le lac ; ses lumières scintillaient à merveille dans l'eau lisse et gris argent du lac qui portait ce beau bateau comme s'il éprouvait de la joie à cette apparition féerique. La nuit tomba peu après, et avec elle l'aimable invitation à se lever du banc sous les arbres, à s'éloigner de la rive et à prendre le chemin du retour.

Walser est un grand auteur suisse, auteur de quelques romans, dont Institut Benjamenta et les Enfants Tanner, mais surtout de plusieurs centaines de nouvelles. Je le découvre avec ce recueil et j'ai plutôt envie de continuer, soit dans le cadre du mois « Suisse alémanique » proposé par Cléanthe pour ses escapades européennes, soit dans le cadre des Bonnes nouvelles de Je lis, je blogue, soit les deux. Aujourd'hui, il s'agit d'une lecture commune pour saluer les Éditions Zoé.




16 commentaires:

  1. Il me semble bien avoir échoué à lire "Les Enfants Tanner" il y a quelques années, souvenirs flous. La Suisse doit être un beau pays, sans doute l'imagine-t-on trop propre, trop parfait...

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    1. Ma propre perception de la Suisse m'amuse, mais il faut dire que Marseille en est situé à des kilomètres, et pas seulement sur le plan géographique.
      Bon, tu n'es pas très encourageante pour la lecture.

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  2. Tiens oui, un auteur qui coche pas mal de cases pour des challenges, et depuis le temps que je pense le lire (lui et d'autres) . Tant pis pour tes bémols, on verra!

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    1. Oui, t'as vu, j'essaie de motiver les troupes !

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  3. J'avais bien aimé Les enfants Tanner, dont je garde le vague souvenir d'un narrateur un peu étrange.. mais si je relis l'auteur, ce ne sera pas avec ce recueil, même s'il t'a donné envie de poursuivre sa découverte.

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    1. Déjà deux retours contrastés des enfants Tanner. Je pense rester sur les nouvelles pour ma prochaine tentative, car il y en a tout un nid à la librairie.

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  4. Tu n'as pas tout apprécié dans ce livre mais cela ne t'as pas refroidie au point de ne plus lire Walser, si je comprends bien ?

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    1. Tu as tout compris ! Je tenterai certainement un autre recueil de nouvelles.

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  5. Tiens, c'est amusant, je suis justement en train de lire un autre recueil de Robert Walser en prévision de l'étape Suisse alémanique du challenge. J'ai lu le recueil dont tu parles il y a quelques années, et j'avais beaucoup aimé.
    https://www.danslabibliothequedecleanthe.fr/2019/11/12/robert-walser-retour-dans-la-neige/

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    1. En effet, tu es beaucoup plus enthousiaste. Ceci dit, je note que tous les extraits que tu as sélectionnés concernent la ville ou le village... les textes t'ont sans doute fait plus d'effet.

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  6. j'aime beaucoup le tableau de Denis, peintre que je n'aime pas d'habitude

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    1. Je dirais que sa peinture est contrastée, mais si tu as l'occasion d'aller au musée de Saint-Germain-en-Laye, ça vaut le coup, au moins pour mieux le connaître.

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  7. C'est un auteur suisse que j'aimerais découvrir un jour, et ce sera sûrement avec des nouvelles. Reste à trouver le bon recueil. Ca pourrait aussi être pour les Feuilles allemandes (en réalité germanophones) chez Et si on bouquinait un peu.

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    1. Tout à fait, c'est un bon candidat au mois de novembre.

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  8. Je l'ai acheté en début d'année et je pensais justement le lire pour les "Bonnes nouvelles", mais le temps m'a manqué. Outre Les enfants Tanner, j'ai lu "La promenade" du même auteur que j'ai beaucoup aimé. C'est un auteur majeur de Suisse et je me réjouis de relire des billets sur son oeuvre (je note néanmoins ton bémol sur la nature suisse), en novembre dans le cadre des Escapades et des Feuilles allemandes !

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    1. Je ne sais pas quand je ferai ma deuxième tentative. Patience, patience.

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