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lundi 29 juillet 2024

« L’attouchement » de l’homme ne peut tromper la femme.

 


Natalie Zemon Davis, Le Retour de Martin Guerre, paru en 1982.

Au XVIe siècle, dans un village, un homme quitte sa famille et revient des années plus tard, accueilli par les siens, ses sœurs et son épouse. Sauf qu’il s’agit d’un imposteur, puisque le véritable Martin Guerre revient trois ans plus tard. Le faux sera pendu.

Ce fait divers a suscité une grande curiosité dès son temps. Cet intérêt n’a pas diminué depuis, puisque qu’il y a des romans (un d’Alexandre Dumas père) et des films (que je n’ai pas vus).

Alors retour à l’histoire.


On pouvait sonder la mémoire de l’inculpé, encore qu’on pouvait toujours lui avoir soufflé sa leçon ; demander à des témoins de le reconnaître en comptant sur leur discernement et sur leur sincérité. On pouvait examiner les signes distinctifs sur son visage et sur son corps, encore fallait-il pour que cette épreuve ait quelque signification que les témoins aient gardé un souvenir précis de la personne. On pouvait voir s’il ressemblait aux autres membres de la famille.


Zemon Davis dispose de peu d’archives sur nos héros, mais elle s’appuie sur ce qu’il est possible de reconstituer de la vie des paysans de la région à l’époque (mode de vie, relations familiales, religion, place des femmes, etc.) et sur diverses études historiques. Elle écrit ce qu’elle sait et ce qu’elle suppose : le vrai et le faux Martin se connaissaient-ils antérieurement ? étaient-ils complices ? le faux Martin a-t-il été aidé ? Et quel est le rôle de l’épouse ? Le procès la peint officiellement comme une pauvre petite paysanne qui a été abusée par l’imposteur, mais personne ne semble dupe. Elle a bien cherché à avoir un mari, et surtout un mari qui lui convenait mieux. La version officielle est sans doute plus rassurante et permet de réaffirmer l’importance de la famille.

L’ouvrage se lit très facilement et intéressera même celles et ceux qui ne sont pas habitués aux ouvrages des universitaires.

N’oublions pas que l’on parle d’une époque évidemment sans photographie, mais également sans miroir. Les paysans n’avaient guère l’occasion de savoir à quoi ils ressemblaient. Et en l’absence de tout notre système de papiers et d’indicateurs biométriques, il est seulement possible de se fier (ou non) à la mémoire des témoins.

 

Il est vrai qu’il n’offrait pas tout à fait la même apparence qu’au départ et sans doute ne tenait-il pas exactement le langage de l’ancien Martin Guerre. Mais les Guerre n’avaient pas de portraits auxquels le confronter et il était naturel qu’un homme changeât en vieillissant et que la vie de soldat transformât un paysan. Aussi, quels que fussent leurs doutes sur son identité, les habitants d’Artigat les gardèrent pour eux ou même les étouffèrent pour un temps et permirent au nouveau Martin d’entrer dans la peau de son personnage.

 

Buste de femme, 1532, calcaire, Lyon BA


 


 


 

12 commentaires:

  1. Pour le faux Martin, sans miroir, pas facile de savoir si'l ressemble au vrai... quelle fascinante histoire...

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    1. Sans miroir, sans photo, se fier à la mémoire et au bon-vouloir... Oui cette histoire semble impossible à inventer.

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  2. Je me souviens très bien du film avec Gérard Depardieu et Nathalie Baye. C'est fou que cette affaire ait marqué les esprits au point de traverser les siècles ! Je sais que le juge qui a instruit le procès en a publié un compte rendu et que Dumas en a fait un roman... ceci explique sans doute cela.

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    1. Le jugement a donné lieu à plusieurs publications et Montaigne en a parlé, ceci expliquant en partie son écho. Mais le sujet est aussi assez sensationnel pour retenir l'attention.

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  3. En effet, quelle histoire! (vraie) L'épouse était-elle au courant? En tout cas, à l'époque (toujours mes recherches familiales) on se remariait vite, alors ici si l'épouse a (re)trouvé un mari, qui peut lui en vouloir? Cela m'a l'air bien intéressant, comme livre.

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    1. Mes citations sont assez claires pour répondre à ta question, mais ce qui est intéressant, c'est sa stratégie de défense, qui n'a dû tromper personne, mais qui était bien pratique.

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    2. Et puis on ne se remarie pas tant que son mari n'est pas mort, bien sûr qu'elle était en faute. Tu devrais lire le livre.

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  4. Ici elle ne s'est pas remariée puisque c'était supposé être son mari. Je devrais lire le livre. (recherches familiales : on a en général la liste des déclarants du décès, on ne rigole pas! Après, l'âge, le nom du conjoint, et même les noms des parents, c'est parfois à géométrie variable, mais ça fait le charme des recherches)

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  5. Je me souviens du film j'ignorais les livres!

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    1. C'est pourtant un classique de l'histoire.

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  6. J'ai lu aussi pas mal autour de cette histoire. Dans le film que j'ai beaucoup aimé avec Nathalie Baye, elle est vraiment amoureuse de lui et réciproquement.

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    1. Le film a l'air d'être assez fidèle aux recherches des historiens.

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