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mardi 13 août 2024

Vers les landes, où la linotte trillait son chant.

 


Emily Brontë, Cahiers de poèmes, traduit de l’anglais par Claire Malroux édité chez José Corti.


Cahier EJB, n°2, 1838.

 

Pour un instant, pour un instant,

La foule bruyante est écartée ;

Je peux chanter, je peux sourire – 

Pour un instant j’ai congé !

 

Où iras-tu, mon cœur harassé ?

Plus d’un pays à cette heure t’invite ;

Et des lieux proches, ou plus lointains

Ô front las, t’offrent le repos.

 

Il est un coin parmi d’âpres collines

Où l’hiver hurle, et la cinglante pluie

Mais si la lugubre tempête glace

Une lumière est là pour réchauffer

 

La maison est vieille, nus les arbres

Et sans lune ploie la voûte brumeuse

Mais est-il rien sur terre d’aussi cher

Pour l’exilé que l’âtre du foyer ?

 

L’oiseau silencieux perché sur la pierre,

La mousse humide gouttant sur le mur,

L’allée du jardin envahie d’herbes

Je les aime tous – oh de quel amour !

 

Est-ce là que j’irai ? ou chercherai-je

D’autres latitudes, un autre ciel

Où la langue est musique familière

Et parle en accents chers au souvenir ?

 

Oui, comme je rêvais, la pièce nue,

Le feu vacillant se sont évanouis

Et du fond de la maussade pénombre

Je suis passée à un jour lumineux,

 

Une petite sente verte et perdue

Débouchant sur un vaste herbage ;

Au loin, bleuâtre, irréelle, une chaîne

De monts déployée alentour – 

 

Une terre si calme, un ciel si clair,

Un air si doux, si tendre, si ouaté

Et, pour accroître encore la féerie,

Des moutons sauvages broutant partout – 

 

Ce paysage – je le connaissais bien

Je connaissais tous les sentiers à la ronde

Qui sinuant sur chacun des reliefs

Marquent les pistes des daims vagabonds

 

Si j’avais pu rester là rien qu’une heure

Cela m’eût payée de jours de labeur

Mais le réel a eu raison du rêve ;

J’entends qu’on tire mes verrous – 

 

Alors que je m’absorbais, l’œil ravi,

Dans un si profond, si précieux délice

Mon heure de repos avait fui

Me rendant à l’épuisant souci – 




Je passe une partie de mes vacances à quelques kilomètres du presbytère des Brontë, même si je ne compte pas y aller. L'occasion de vous mettre ce poème si puissant.


1 commentaire:

N’hésitez pas à me raconter vos galères de commentaire (enfin, si vous réussissez à les poster !).