Herta Müller, Le Renard était déjà le chasseur, publication originale 1992, traduit de l’allemand par Claire de Oliveira, édité en France au Seuil.
En Roumanie, à la fin de la période de Ceauşescu, nous suivons un groupe d’amis, en particulier Adina, enseignante.
La fourmi transporte une mouche morte. La fourmi ne voit pas le chemin, elle retourne la mouche et revient sur ses pas. La mouche est trois fois plus grande que la fourmi. Adina rentre le coude, elle ne veut pas barrer le chemin à la mouche. Un morceau de goudron brille près du genou d’Adina, il cuit au soleil. Elle le tapote du bout du doigt, un fil de goudron s’étire à l’intérieur de sa main, se fige en l’air et se brise.
C’est le début.
C’est un monde qui est décrit en phrases brèves, apparemment sans lien entre elles, et en paragraphes courts, à la sécheresse étrange et poétique, mais laissant planer un vague climat de menace. Ici les ombres des peupliers tracent des ombres fines comme des poignards.
Quand on reste longtemps au café, la peur se pose et attend. Et quand on revient le lendemain, elle est déjà posée à l’endroit où l’on s’assied. Elle est un puceron dans la tête, elle ne se promène pas. Quand on reste trop longtemps assis, elle fait la morte.
Si l’on accepte de s’accrocher un peu, à ce premier chapitre où les deux amis, Adina et Clara, mangent des graines de tournesol au soleil, nous basculons ensuite lentement dans le monde corrompu de la dictature roumaine. Des musiciens sont arrêtés et frappés. Une blague dangereuse circule. Un officier de la securitate s’introduit sans se cacher dans un logement. Son but ? Seulement faire savoir à la jeune femme qu’elle est surveillée. Pendant ce temps, un jeune homme effectue son service militaire près du Danube, là où des coups de feu résonnent parfois, la nuit.
C’est aussi le récit de l’expérience de la faim, de la suspicion permanente, celui de la surveillance constante et des amitiés et des liens qui se délitent.
C’est un livre très fort, à l’écriture déstabilisante.
Geer Van Velde, Entre la sérénité et l'inquiétude, 1964 Fondation Maeght |
Quand les jurons sont rompus, ils n’ont jamais existé.
C'est une relecture, alors il y a un premier billet.
Müller sur le blog :
La Convocation - 2nd billet : une femme se rend à une « convocation ». J’avais écrit : les objets semblent mieux hantés, hantés par les pensées des humains qui les manipulent, ce qui donne une sourde atmosphère fantastique à un quotidien qui se révèle en réalité surtout instable et incertain.
La Bascule du souffle - 2nd billet : le récit de l’emprisonnement d’un jeune homme de langue allemande de Roumanie, le récit de la faim.
L'Homme est un grand faisan sur terre : les efforts d’un meunier pour obtenir l’autorisation de quitter le pays. Un livre très court. Vous pouvez commencer par lui.
Quatrième et dernière participation aux Feuilles allemandes, le mois germanophone organisé par Et si on bouquinait. Je suis restée aux valeurs sûres cette année ! N’empêche qu’il y a deux auteurs d’Autriche-Hongrie, une de RDA et une de Roumanie – l’Allemagne d'aujourd'hui attendra son tour. Deux femmes, dont une prix Nobel :
Franz Kafka, Un jeûneur et autres nouvelles
Joseph Roth, Perlefter, histoire d’un bourgeois
Christa Wolf, Trame d'enfance
je n'ai pas lu celui là mais je regarde un souvenir très fort de l'auteure
RépondreSupprimerOui ses textes ne ressemblent à nul autre.
SupprimerJ'ai lu deux romans de Herta Müller mais je ne connaissais pas celui-ci. Comme tu le dis si bien, son écriture est plutôt déstabilisante.
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