Miguel Haler, Moi, Joseph l’Alsacien soldat français de la
Grande guerre, 2014, éditions Ginkgo.
Il ne s’agit pas d’un roman, mais
du témoignage que Joseph a laissé dans des carnets, retravaillé par son
petit-fils.
Cette famille d’Alsaciens s’est
installée dans les environs de Belfort après la défaite de 1870 pour rester
dans le giron de la République. Le jeune homme est donc particulièrement
sensible au patriotisme, sans être d’un nationalisme échevelé. Ses carnets nous
racontent son engagement, la formation dans la caserne, la découverte du feu,
la mort des camarades les uns après les autres. On trouve dans ce témoignage
des détails de la vie concrète au front : les armes, les rats qui dévorent
les cadavres, l’importance du tabac, les amitiés de la guerre… Les signes qui
annoncent une prochaine offensive ne trompent : l’état-majeur fait entrer
des cercueils tout neufs, les régiments africains – la chair à canon – sont
arrivés de la veille. Les soldats sont courageux et se battent pour défendre un
territoire occupé, mais dénoncent l’incurie et l’incompétence des donneurs
d’ordre : les pantalons rouges, les casque qui mettent des semaines à
arriver, les armes trop lentes et à la portée trop courte, les fusils à lunette
dont l’armée ne se dote qu’en 1915, l’absence de stratégie réelle. Les vies ne
coûtent pas cher et sont gâchées en pure perte.
![]() |
EL Gillot, Poste de secours, Champagne 1916, Musée de l'Armée, RMN |
Quant à moi, je devais me faire à cette réalité. J’avais bien compris que sur terre nous n’étions que de passage, mais dans ces conditions, avec la guerre, je trouvais que pour certains, le passage devenait vraiment rapide.
Ce livre est donc vraiment très
intéressant en donnant le tableau complet de la vie au front et des combats
effarants qui ont duré quatre ans. C’est un récit vivant et sensible, le
lecteur se sent proche du narrateur. Après guerre, Joseph n’ira pas s’installer
en Alsace, ce petit bout de pays aura coûté bien trop cher.
Petit bémol : des
répétitions et un vocabulaire quelque peu stéréotypé. Je ne sais pas s’il faut l’attribuer
au grand-père ou au petit-fils qui a réécrit le texte en l’affaiblissant (je
soupçonne la seconde hypothèse). Cela ne m’a pas empêché de le dévorer en une
après-midi. Ces témoignages presque bruts sont toujours frappants et émouvants,
criants de vérité.
Il était si brave, mais il
trichait toujours aux cartes, fait Rotule, abasourdi en évoquant ce souvenir si
futile mais pourtant si présent.
Merci aux éditions Ginkgo pour
cette lecture.
L’avis de Keisha.
J'ai eu aussi quelques bémols sur l'écriture (ou la réécriture) mais une fois dedans c'est passionnant et ça sonne vrai!
RépondreSupprimerOui, nous sommes bien d'accord.
Supprimer