Marcel Pagnol, Les Pestiférés, 1962.
C’est un petit groupe d’habitants qui vit dans ce qui est alors – au début du XVIIIe siècle – à l’extérieur de Marseille, un noyau villageois, comme on dit, composé du médecin, du notaire, du boulanger, etc. Un soir, au début de l’été, le médecin réunit tout le monde : il semble que la peste soit en ville. On raconte des histoires épouvantables, de cadavres dans les rues, de galériens les ramassant sur une charrette, etc.
Notre petite société s’organise pour tout à la fois s’isoler du reste du monde, réunir des vivres pour tenir le coup, et faire croire aux voisins qu’ils sont tous morts, pour ne pas être embêtés. Jusqu’au jour où une nouvelle inquiétante les oblige à prendre une décision radicale…
Les textes de fiction mettant en scène la peste de 1720 ne sont pas si nombreux. Pagnol donne un point de vue périphérique, puisque, de tous les personnages, seul le médecin a réellement vu la peste. À cet égard, ce Maître Pancrace apparaît comme ces figures de sachant et de meneur d’hommes, héritier des personnages de Jules Verne. Les événements les plus atroces ne sont ici que des rumeurs et semblent à peine croyables ou crédibles. Le récit de l’épouvantable pandémie prend l’allure d’un récit de confinement, avec ses stocks de nourriture, ses adultères, son ennui, voire celui d’une farce grotesque – où l’on se déguise en cadavres pour faire peur aux soldats.
J’ai bien aimé la peinture de cette société en miniature, qui n’est pas sans faire penser à une crèche, même si seuls les hommes et la bonne du médecin ont un nom, les autres n’étant que « les femmes et les enfants ». C’est dommage parce que Pagnol a un vrai talent pour inventer des noms propres et croquer une figure en quelques mots.
C’est une longue nouvelle, un petit roman, à l’origine récit rapporté faisant partie du Temps des amours, mais devenu indépendant.
C’est un texte laissé inachevé par la mort de l’auteur. En l’état actuel des choses, la fin semble ouverte à l’espoir. Toutefois, Nicolas Pagnol (petit-fils de) a dirigé la publication d’une adaptation en bande dessinée (de Samuel Wambre, Serge Scotto et Éric Stoffel), dans laquelle la fin reprend celle que l’auteur avait raconté à ses proches avant de mourir. Elle est beaucoup plus sombre.
À côté de ces notables, il y avait quelques petits commerçants, comme Romuald le boucher, gros et rouge comme il convient, mais presque stupide quand il n’avait pas un couteau à la main ; Arsène, le mercier-regrattier, qui était tout petit, et Félicien, le boulanger, dont les brioches cloutées d’amandes rôties étaient fameuses jusqu’au Vieux-Port. Malgré ses trente-cinq ans, il plaisait encore aux femmes, parce qu’il avait la peau très blanche – peut-être à cause de la farine – et la poitrine velue de poils dorés. Il y avait aussi Pampette, le poissonnier ; Ribard, le menuisier boiteux ; Calixte, qui travaillait à l’arsenal des galères.
Photo prise à 15 min de chez moi. |
Une lecture commune autour de Pagnol organisée par Et si on bouquinait.
Et si on bouquinait a lu Jean de Florette.
J'ai commis un fort long article sur la peste de 1720, avec archives et peintures. Notez qu'il est abondamment question du Vinaigre des Quatre Voleurs dans le roman. Et mardi, un livre d'archives et de chroniques contemporaines des événements (Frédéric Jacquin, Marseille, malade de la peste).