La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 13 décembre 2025

Dans les rues d'un village provençal abandonné

 

Ongles est un village des Alpes-de-Haute-Provence, immédiatement à côté de Banon, perché à 613 mètres d'altitude, sur un rocher comme une île au-dessus des champs (et d'ailleurs on parle du « Rocher d'Ongles »). En 1962 ce sont 25 familles harkis qui sont installées à Ongles (mais ensuite, la plupart partent vers Cannes). Un petit musée installé dans le château rappelle ce moment.

Mais aujourd'hui nous marchons dans les rues d'un village abandonné.

En effet, le cœur original du village correspond au hameau de Vière, qui est situé sur une petite butte à l'écart de l'actuel village.

À Vière, les traces d'occupation sont très anciennes, avec un petit oppidum. Pendant la pax romana les habitants s'installent dans la plaine à proximité, mais ils ne tardent pas ensuite à remonter se mettre à l'abri dans les hauteurs. Au 12e siècle, on trouve à Vière un château et une église, des maisons, un rempart. Au 13e siècle, le village s'agrandit, l'église est réaménagée et l'enceinte est reconstruite. C'était une petite citadelle, avec un rempart, des tours et trois portes.

Les guerres diverses de la période moderne entraînent la destruction du château. À partir du 17e siècle, la population se déplace sur les flancs de la butte et se rapproche de la plaine, de l'eau, des champs, des commerces et de la route. Le vieux bourg devient peu à peu une carrière de pierres, d'autant que les murs facilitent l'aménagement de terrasses pour cultiver les oliviers.

Les nouveaux habitats composent les actuels hameaux d'Ongles.

En 1765, le secteur de Vière abrite encore 12 maisons. L'église est définitivement abandonnée en 1840 (et réinstallée dans le château d'Ongles). En 1860 il restait seulement 4 habitants à Vière qui est déserté à la fin du siècle.

Les restes de l'église Saint-Barthélemy.

Le cimetière.

Aujourd'hui le site est classé et accessible librement. On peut à tout moment marcher dans les rues pavées de calade. Les lieux sont entretenus et les vestiges sont stabilisés et préservés.


Les voisins sont sympathiques.

Cette visite m'a rappelé la lecture d'un roman de Maria Borrély, Le dernier feu, où un village situé en hauteur est abandonné parce que tout le monde veut se rapprocher de la rivière et de ses champs fertiles (un roman que vous devriez lire).

Reprise des billets touristiques début janvier.



jeudi 11 décembre 2025

Lha gyalo ! Les dieux ont trimphé !

 

Alexandra David-Néel, Voyage d'une Parisienne à Lhassa, publication originale 1927, lu dans l'édition Plon.

Tout n'est pas dans le titre, encore qu'il laisse entendre quelque chose du tempérament de l'autrice, véritable personnage en soi.

Donc en 1924, alors que le Tibet est interdit aux étrangers*, notre héroïne décide de rejoindre Lhassa, la capitale, incognito, et à pied. Elle n'est pas seule, elle est accompagnée du jeune lama Aphur Yongden, son fils adoptif, essentiel à la réussite du projet. Aucune escorte, aucun guide, aucune carte, rien d'occidental (pas d'appareil photo, pas de quoi prendre des notes, aucun élément de confort), ils sont déguisés en pèlerins mendiants, pauvre lama accompagné de sa vieille mère (56 ans en réalité). Crasse sur la peau, faux cheveux en poils de yak, bonnet dissimulant le visage (bon, elle n'avait pas les yeux gris clair) et discussions uniquement en langue locale, de peur d'être surpris.

Tournant le dos à la sublime demeure des divinités qu'ils étaient venus de si loin pour les révérer, leur attention se concentrait uniquement sur leur repas.

Le livre raconte cette épopée grandiose, faite de petits pas sur des chemins dans la montagne et les hauts plateaux, d'abord la nuit de peur d'être vus, puis de jour, comme tout pèlerin miteux. Ils mendient leur nourriture et partagent la vie des Tibétains les plus simples, ceux qui dorment avec les bêtes, mangent ce qu'on leur donne, etc.

Le Tibet est alors à moitié indépendant, à moitié sous la coupe britannique, théocratie religieuse étonnante où la modernité est tout juste présente sous la forme de fusils vendus aux soldats des dirigeants. L'extrême majorité des habitants n'est jamais partie à l'étranger et n'a jamais vu d'Occidentaux, la diversité ethnique du pays permettant alors facilement de faire croire que les deux intrus proviennent d'une région particulièrement reculée.

Ce jour-là, j'avais mendié en chantonnant des formules pieuses de porte en porte, suivant la coutume des pèlerins nécessiteux. Une brave femme nous fit entrer chez elle, Yongden et moi, pour nous donner à manger. Le repas se composait de lait caillé et de tsampa. L'usage veut que le lait d'abord, la tsampa ensuite, soient versés dans l'écuelle de bois que tout Thibétain pauvre porte toujours avec lui, et le mélange se fait alors avec les doigts.

Ici David-Néel met de côté tout son savoir érudit sur le bouddhisme et sur les langues, se plongeant au plus près du quotidien des paysans et des autres pèlerins. Elle raconte leurs coutumes pas vraiment dans l'orthodoxie bouddhique (et j'avais mal mesuré l'immense diversité de cette religion avant ma lecture), celles qui animent la vie ordinaire et les paysages extraordinaires du Tibet. Elle est ainsi la témoin de la religiosité tibétaine sous toutes ses formes, savante ou populaire, qui habite le paysage à chaque étape comme autant de signes de la présence humaine, un paysage à nul autre pareil.

Consciente de son exploit, elle met volontiers l'accent sur les péripéties, le désir d'aventures, la curiosité. Par peur d'être repérés et arrêtés, nos deux voyageurs choisissent les trajets les plus longs ou les plus déserts, s'exposant à mourir de faim ou à être en proie aux brigands. Ils passent par les régions les plus reculées.

Je note que David-Néel voit une panthère des neiges et n'en fait pas tout un laïus.

Tibet, Le dieu tutélaire Hevajra et sa parèdre Nairatmya, 16e siècle, laiton, Guimet


Découvrir une cachette n'était pas chose facile, nous nous trouvions sur le versant roide d'une sorte de redan n'offrant pas un pouce de terrain plat ; tout ce que nous pûmes faire, fut de nous tirer des éboulis et de nous accroupir sous les arbres en sol plus ferme. C'est dans cette situation incommode, osant à peine bouger de crainte de rouler en bas de la pente, que nous passâmes la première journée bénie de notre merveilleux voyage.

Le début du voyage en marchant de nuit dans les chemins de montagne et en se cachant la journée. 

J'ai vécu pendant plusieurs années, au pied des neiges éternelles, comme dans les solitudes herbeuses de la région des grands lacs, la vie étrange et merveilleuse des anachorètes tibétains ; j'en connais le charme spécial, et tout ce qui s'y rapporte éveille immédiatement mon intérêt. Tandis que mes yeux restaient fixés sur les palais de rocs, une conviction intuitive me venait peu à peu ; quelqu'un vivait là.

Très loin, parmi la silencieuse immensité blanche, un minuscule point noir se mouvait lentement, semblable à un insecte lilliputien grimpant avec effort le long de l'énorme plateau incliné. Plus qu'aucun des nombreux site grandioses et terrifiants que j'avais contemplés jusque-là au « Pays des Neiges », ces glaciers géants et cette vaste étendue morne soulignaient la disproportion écrasante existant entre la fantastique région des hautes cimes et les chétifs voyageurs qui avaient osé s'y aventurer, seuls, au cœur même de l'hiver.

* Le livre ne possède pas de véritable introduction historique (c'est nul) et quand on le lit en 2025, on peut croire que c'est la Chine qui impose ce blocus. Mais non, c'est l'empire britannique.

Wikipedia m'apprend que David-Néel a fait renouveler son passeport à l'âge de 100 ans, comptant repartir au Tibet. Voilà, c'est un modèle pour nous. Les filles, faut jamais renoncer !

Prochaine étape : visiter sa maison à Digne.

Un podcast pour faire connaissance avec elle.

Tibet, Le dieu tutélaire Hevajra et sa parèdre Nairatmya, 16e siècle, laiton, Guimet


mardi 9 décembre 2025

Seuls les gazons et les gentlemen anglais se rasent tous les jours.

 

Karel Čapek, Lettres d'Angleterre, dessins originaux de l'auteur, parution originale 1924, traduit du tchèque par Gustave Aucouturier, publié en France par La Baconnière.

En 1924,  Čapek est invité en Grande-Bretagne. Il voyage dans diverses villes (Londres, Oxford, Cambridge, York, Liverpool, etc.), se rend jusqu'en Écosse, mais ce qui semble le plus le frapper, ce sont les paysages de la campagne anglaise. L'Angleterre est un jardin dit-il, avec les haies, les murets, les moutons, les beaux arbres, les vaches... Sa description de Londres est légère et ironique, il relève toutes les bizarreries (il en fait des tonnes sur le flegme anglais), mais il donne la pleine mesure de son talent une fois rendu dans l'herbe. J'ai pleinement apprécié sa description de l'Écosse, qu'il a visiblement beaucoup aimée.

Il y a certes des moutons partout en Angleterre, mais les Moutons des Lacs sont particulièrement frisés ; ils broutent des herbages soyeux et font penser aux âmes des bienheureux au ciel. Nul ne les garde et ils passent leur temps à brouter, à dormir et à rouler des pensées pieuses.

Son enthousiasme ne l'aveugle pas. La vraie Angleterre, est-ce celle de la country ou celle des faubourgs misérables et crasseux qui abritent des milliers de personnes ? Et à la British Empire Exhibition, où sont les habitants de l'empire ? Pourquoi n'y en a-t-il que pour la métropole ? Et pourquoi donc personne ne parle jamais de l'Irlande ? Et surtout : pourquoi pourquoi pourquoi le dimanche anglais ?

Cela reste une lecture légère.

Le jour où l'on ne fait pas de cuisine, où les voitures ne marchent pas, où l'on ne regarde pas, où l'on ne pense pas. Je me demande pour quelles inexpiables fautes le Seigneur a condamné l'Angleterre au châtiment hebdomadaire du dimanche. (…) Nul ne saurait rayonner et faire des roulades en mâchant du pressed beef assaisoné de moutarde diabolique. Nul ne saurait extérioriser une joie bruyante en décollant de ses dents un tremblotant pudding au tapioca.

Moutons anglais.
Habitants de la Hollande.


Karel Čapek, Tableaux hollandais, 1932, traduit du tchèque par Michel Chasteau, en France aux Éditions La Baconnière.

La Hollande (oui, les Pays-Bas) est un petit pays qui plaît beaucoup à Čapek (qui ne perçoit absolument pas la puissance coloniale bien réelle). Il se plaît à décrire et à dessiner les canaux, les reflets dans les canaux, les maisons en briques et leurs pignons, les rues, les campagnes... Il décrit les polders et les cultures et s'extasie devant les inventions d'un pays bâti en-dessous du niveau de la mer. Tout ce système semble le fasciner.

De fins connaisseurs du contexte local assurent que l'on compte aujourd'hui aux Pays-Bas près de deux millions et demi de bicyclettes, soit une bicyclette pour trois habitants, y compris les nourrissons, les marins, la famille royale et les pensionnaires des hospices. Je ne les ai pas comptées, mais il me semble qu'il y en a un tout petit peu plus.

Par ailleurs, il visite les grands musées et admire la peinture hollandaise, s'interroge sur l'impact du tourisme et réfléchit (avec humour et humanisme) au rôle des petits pays en Europe : on ne sait pas vraiment les situer sur la carte, mais ils ont su conserver leur identité tout en s'intégrant à un empire – il y a là quelque chose qui pourrait inspirer l'avenir... ainsi se conclut le livre.

La Hollande, c'est-à-dire l'eau. La Hollande, c'est-à-dire un parterre de fleurs. La Hollande, c'est-à-dire un pâturage. Un vert polder entouré ce canaux et des vaches noir et blanc au milieu ou, si vous voulez, des vaches noires avec la tête blanche, ou des vaches noires avec une ceinture blanche et un mufle bleu, ou bien tachetées de noir et de blanc comme des haricots secs.


Čapek a aussi écrit des lettres depuis l'Italie, l'Espagne et la Scandinavie. Il n'est pas exclu que je les lise.
Sur le blog, j'ai chroniqué :

samedi 6 décembre 2025

La citadelle de Forcalquier

 

Le blog fait du tourisme en PACA et aborde le département des Alpes-de-Haute-Provence. C'est à mon sens une des plus belles régions de France (je mets à part les aficionados de la mer ou de la montagne). Les paysages y sont très beaux toute l'année, vallonés et lumineux, avec une multitude de charmants villages. Pour ma part, j'ai l'immense chance qu'une de mes meilleures amies y réside. Au fil des ans et de mes séjours chez elle, j'ai pu un peu visiter les lieux.

Je suis donc en mesure de vous parler aujourd'hui de Forcalquier, qui est une des plus jolies villes de la région. On y passe sans problème une après-midi, à marcher dans les ruelles et à admirer l'architecture et le paysage.

La cathédrale Notre-Dame-du-Bourguet est un grand édifice austère de l'âge gothique du midi. On y entre pour s'abriter de la chaleur.

Mais vos pas vous conduiront naturellement, en fonction de vos mollets, tout en haut de la « citadelle ». La colline était auparavant fortifiée, mais depuis 1875 elle est dominée par la chapelle Notre-Dame, de style néobyzantin.

On y voit un carillon de 18 cloches (qui sonne dimanche et jour de fête).



Tout autour de la Chapelle une terrasse avec les dernières stations du Chemin de croix. La vue s'étend au loin. En hiver, on y aperçoit des sommets enneigés. Et sinon les hauteurs se perdent dans les bleutés. C'est un bel endroit.



Instruments à vent ou à cordes, les anges musiciens entourent le petit édifice. C'est le concert des anges, la musique des cieux !


Nous étions tout là haut.

À Forcalquier, se trouve aussi la librairie de La Carline. Indispensable.

Si vous êtes dans la région, j'espère que vous aurez le temps d'aller à Vachères voir le fameux guerrier celto-ligure et le fossile préhistorique.

Vous pousserez peut-être jusqu'à Banon : très joli village de pierre, église ancienne perchée et surtout librairie des Bleuets, puits sans fonds. Banon, c'est aussi un fromage de chèvre affiné dans des feuilles de châtaignier et de la lavande. Selon la saison, la distillerie embaume tout le secteur.

Également à proximité, le village de Mane, le prieuré de Salagon et le Château de Sauvan.

Pour ma part, j'ai deux billets à vous proposer, un premier la semaine prochaine et un second l'année prochaine.

(Café et glace à la noisette parce que c'est ça la vraie vie)

Si vous circulez en voiture, ne roulez pas trop vite, surtout à la tombée de la nuit. Le coin abonde en renards, sangliers, cerfs, lapins, crapauds, et vous n'êtes qu'un invité chez eux.


jeudi 4 décembre 2025

Les femmes lisent mal, c'est presque pathologique.

 

Isabelle Matamoros, Le Pouvoir des lectrices. Une histoire de la lecture au 19e siècle, 2025, CNRS éditions (qui a cru malin de mettre une reproduction de peinture du 18e siècle sur la couverture).

La cause est entendue, dira-t-on. On a tous lu (ou pas) Madame Bovary et on sait que les femmes se languissent dans les rêveries des romans et qu'elles font des tas de bêtises.

Sauf que.

Par facilité et sensiblerie, elles choisissent les mauvais livres, romans bon marché, feuilletons populaires et autres histoires sentimentales ; soumises aux émotions et à une imagination débridée, fortement impressionnables, elles pratiquent une mauvaise manière de lire, incapables de distinguer la fiction de la réalité et de mettre à distance le texte.

Matamoros étudie précisément le rapport que les femmes entretiennent à la lecture au 19e siècle. Elle s'appuie pour cela sur leurs propres témoignages, journaux intimes et correspondances, avec toutes les limites que comportent ces sources. Elle retrace ainsi tout une vie de lectrice, entre recommandations et convenances sociales, pratiques variables selon la classe sociale, la famille, la présence de frères, envies personnelles et contraintes diverses.

Il faut donc éviter de mettre sa fille trop tôt en présence d'hommes mais aussi soustraire à sa vue tout support qui pourrait l'instruire sur l'amour et la sexualité. Pour qu'elle arrive vierge au mariage, une jeune fille doit arriver aussi vierge de mauvaises lectures : la pratique de la bonne lecture passe par une maîtrise du corps et du désir.

Les spécialistes des maladies de femmes s'arrêtent à ces conseils généraux. Ils ne disent pas quels sont les bons livres à lire, puisqu'ils comptent pour cela sur la collaboration des familles. (…) D'ailleurs, une jeune fille convenable lit en présence des parents, dans le salon familial.

De l'apprentissage de la lecture : qui s'en charge ? Avec quels manuels ? Le poids de l'église catholique sur l'enseignement des filles, d'autant que les manuels d'orthographe et de grammaire des garçons ne sont pas deux des filles (mais les versions abrégées de Robinson Crusoé existent déjà). Et dans quel but ? Puisqu'elles ne feront pas d'études.

Lecture collective encore très répandue et lecture individuelle, dans sa tête et dans sa chambre. Lecture du journal (lequel ?) ou de romans – lesquels ? Walter Scott a beaucoup de succès. Mais surtout les livres de piété (renouveau de l'édition catholique). Il y a la liste des maladies (uniquement féminines) provoquées par la lecture excessive. Et une fois mariée, peut-on encore lire ?

Au 19e siècle, la femme est mineure. Elle ne fréquente pas seule les bibliothèques ou les cabinets de lecture. On remercie le Collège de France dont les cours étaient accessibles aux femmes. Qu'elle ne s'avise pas d'aller commander le livre qu'elle veut, car son choix ne sera sans doute pas correct au vu de son âge, de son sexe, de sa dignité, etc. 

Dalou, Femme lisant, 1877, collection privée


Dire ce que l'on lit est tout autant révélateur de nos lectures effectives que de notre positionnement à l'intérieur des hiérarchies sociales et culturelles. C'est d'autant plus vrai pour des lectrices qui, pour la plupart, parlent depuis une position périphérique par rapport au monde littéraire. (…) Lorsque Élisa Perrotin, modeste fille d'artisan, se présente dans ses mémoires comme une grande lectrice, ayant lu toute la production littéraire (ou presque) de son temps, elle fait un pas en direction d'un univers qui la fascine et qu'elle voudrait pénétrer. Qu'elle ait réellement lu tous ces livres importe moins que de comprendre ce que cela nous révèle du rapport d'une femme d'origine populaire au savoir et à la littérature. À l'opposé, le quasi-silence de l’aristocrate Soline Pronzat de Langlade, que l'on sait bien instruite, s'explique par le carcan moral qui l'empêche de trop se mettre en avant, sous peine de passer pour une pédante.


"Je vous recommanderai à l'un de nos bibliothécaires, il fera porter dans mon cabinet les livres dont vous aurez besoin ; et pendant les vacances prochaines, vous enverrez prendre par un commissionnaire tous les ouvrages que vous jugerez vous être nécessaires. Vous n'êtes pas encore d'âge à aller seule aux bibliothèques publiques."

On est en 1831 et ce monsieur s'adresse à une femme de 37 ans, que l'on n'estime pas être capable de consulter elle-même sur place toute seule les ouvrages qu'elle souhaite.



Si le sujet vous intéresse, mais que vous avez la flemme, vous pouvez écouter l'autrice dans cette émission.

En 2015, Laure Adler et Stefan Bollmann ont fait paraître Les Femmes qui lisent sont dangereuses. Je ne l'ai pas lu, mais le propos semble fort différent puisqu'il s'agit d'un panorama des représentations au fil des siècles et non pas une étude historique précise des pratiques réelles de lecture.