La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 29 mai 2025

En effet, les mobilités sociales peuvent-elles être déchiffrées autrement que dans la profondeur et l’enchaînement des générations ?

 

Nicole Villain, La Grange-au-Rouge, 2024, édité par HOP (à compte d’auteur).

Nicole Villain raconte la sociohistoire de sa famille paternelle, cultivateurs-vignerons, au nord de la Sologne, entre Vierzon et Romorantin, à partir des archives publiques, mais aussi de quelques archives privées et des paroles recueillies çà et là. L’ouvrage m’a beaucoup plu, car je connais la région et je connais aussi ce milieu. Le projet est de faire sa place aux destins individuels, mais aussi à l’échelon familial et aux générations, le tout inséré dans un contexte plus large, celui de l’évolution des campagnes depuis la fin du XIXe siècle.
Un préjugé tenace veut que l’on ne puisse pas faire l’histoire des gens modestes et que les pauvres ne laisseraient aucune trace dans les archives. Une erreur qui a le don de m’agacer. Cet ouvrage constitue la preuve du contraire. Villain applique pleinement les méthodes et les outils des historiens qui consistent à interroger les documents tous azimuts. Cette lecture est passionnante.
Elle raconte ainsi la trajectoire ascendante et descendante sur le plan financier, social et familial, l’attachement à la terre malgré le travail ouvrier, mais aussi l’attachement à la vigne, à sa culture et à ses gestes. Au-delà des documents, les motivations et les sentiments des individus restent dans l’ombre. C’est par le questionnement multiple que Villain cherche à les approcher.

Il y a un passage très éclairant sur les enfants placés de l’Assistance publique, qui servent de domestiques bon marché et dont la détresse est terrible, mais dont un certain nombre parvient à mener une vie tout à fait normale.

À la campagne mais en Normandie.



Je me pose encore et toujours la même question : Camille a-t-il eu à un moment le projet d’un autre parcours ?

Analysant l’expérience de Jean, je trébuche sur ma propre expérience. Me faudrait-il la décrire sur le mode de l’oiseau égaré au cours d’une migration, doté de vigueur mais fragilisé par l’isolement ? ou plutôt comme embarquée dans une époque historique optimiste où il faut possible – pour les personnes issues de milieux sociaux très modestes – de se poser librement sur une branche de formation ou sur l’autre tant il n’était pas inévitable de parier sur l’avenir ?

C’est un beau livre, avec des photos, des plans, très bien édité. Il donne envie de se replonger dans les archives départementales, les dossiers des services militaires, le cadastre, les dossiers des communes, etc. et de réfléchir à des tranches de vie disparues.

Sur un sujet proche, je vous suggère d'écouter cette émission.








17 commentaires:

  1. Mais ce livre est pour moi!!! Absent (trop récent?) des médiathèques de B et surtout de R. Tu peux me donner le nom des villages concernés? Tu sais que je suis à fond dans ma généalogie, je m'amuse bien, et confirme que ces gens modestes avaient une vie intéressante. M'enfin.

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    1. C'est exactement ton coin (Villefranche-sur-Cher, apparemment). Quand je repense que j'ai dû te convaincre que bien sûr il y avait des archives sur les familles modestes, au-delà de la généalogie. Il y a beaucoup d'autres choses, si tu veux te plonger dans les archives dus service militaire ou dans le cadastre. Franchement j'ai pensé à toi en le lisant.
      Ouvrage à compte d'auteur, mais j'ai vu qu'une bibliothèque parisienne l'a. Tu devrais en parler aux archivistes, il y a souvent des bibliothèques dans les centres départementaux d'archives.

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    2. je viens de vérifier, il est aux archives départementales, exclu du prêt! Prix? Nombre de pages? Lisibilité du texte? Tu peux me renseigner?

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    3. Encore moi (arf). J'ai fouiné sur geneanet, et trouvé une Nicole Villain dont les ancêtres habitaient à la grange au rouge (lieu dit de villefranche) mais elle habite à ... allez, devine!!! ^_^

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    4. Elle habite dans la plus belle ville de France et elle est amie avec une amie à moi qui m'a prêté le livre !
      Tu peux passer une ou deux après-midi aux archives départementales pour le lire, je pense que ça te plaira et que ça t'ouvrira des horizons.

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  2. La série sur la famille est passionnante, et cet épisode là en particulier ! Pour le livre, je l'emprunterais bien, j'aime beaucoup la restitution des "tranches de vie" de vies modestes.

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    1. Oui il y a des plongées passionnantes dans des existences.

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  3. Je me suis amusée à faire des recherches généalogiques, il y a quelques années. J'étais motivée essentiellement par le côté enquête et recherches dans les archives. C'est très émouvant de découvrir le portrait d'un ancêtre (dans le livret militaire). J'ai découvert, entre autres, des métiers dont j'ignorais avant l'existence.

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    1. Ah oui les métiers disparus ! Et les noms de lieux aussi.
      J'ai fait des recherches en archives, il y a longtemps, pour mon travail, mais la généalogie de ma famille ne m'intéresse pas du tout. C'est bien de sortir du strict arbre généalogique et de farfouiller dans les autres séries, il y a tellement de choses passionnantes !

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  4. J'ai aussi découvert des métiers dont j'ignorais l'existence, et le livret militaire de mon propre grand père est fascinant (quoique sans doute comme bien d'autres livrets). je m'intéresse aussi dans les registres aux détails sortant de l'ordinaire... Les curés pouvaient être marrants sans le savoir.

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    1. Oui mais l'ordinaire est aussi très révélateur. L'ordinateur de l'époque et d'une classe sociale, qui aujourd'hui peut nous sembler étonnant.

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  5. Rien que le remariage juste après le veuvage, ça frappe! Qui se comprend parfaitement (j'ai un super document manuscrit des années 1920 pour la tutelle d'un oncle quand sa mère est décédée)

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  6. Je ne lis pas de livre de ce type, mais j'adore découvrir en audio ces histoires et toutes les perspectives historiques et sociales qu'elles ouvrent. Merci pour le lien !

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    1. En plus, il est à compte d'auteur, difficile à trouver, mais je pense que c'est en effet très intéressant.

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  7. Probablement introuvable par chez moi, dommage, car le sujet est intéressant. Je vais me contenter de l'émission et c'est déjà pas mal (merci).
    Au passage: j'ai lu l'Impasse des Deux Palais suite à ta recommandation; j'ai surtout aimé la deuxième partie où on est davantage au-dehors avec les hommes (pauvre Amina). Le style m'a parfois agacé mais c'est probablement dû à la traduction: je trouve que les passages occasionnels à un registre plus populaire sont un peu forcés et ont mal vieilli.

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    1. Je vois ce que tu veux dire pour l'écriture. Des gens se sont ennuyés aussi. La mise en place est lente, mais oui, ensuite, il y a tous les états d'âme de tout le monde et cela apporte beaucoup d'intérêt au récit. Ceci dit, j'ai aussi apprécié cette mise en place par ce qu'elle nous apporte de compréhension sur une société.

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