Gustave Adolphe Mossa (1883-1971) est un artiste niçois, pas forcément connu en dehors de sa région.
Il est considéré comme un peintre symboliste tardif – ce qui explique en partie sa discrétion. En plein âge d’or de l’abstraction, on peut le trouver confiné dans les trucs malsains fin de siècle (je vous vois déjà en train de commenter « bah j’aime pas »). Notons qu’il a peu peint après 1918. Dans la suite de sa vie il s’est surtout consacré à son activité de conservateur de musée, à la culture niçoise, à l’illustration, au carnaval.
Œdipe vanqueur de Jocaste (1906 aquarelle, Coll. privée). Bon voilà, quel mauvais esprit. Œdipe et Jocaste au corps à corps, face à face, répulsion ou fascination, combat ou sexe, tout est confondu. Les vêtements d'Œdipe sont en lambeaux et ses doigts pleins de sang. Le tout, avec un dessin précieux.
Callisto (1906 aquarelle, galerie Ary Jan). Sachez que ce sont de grandes aquarelles, qui abondent de détails de dessins, qui provoquent tout à fait un effet trouble. Artemis tient Callisto étroitement contre elle et son visage reflète tout autant le désir que la cruauté. Notez l'étrange coiffure de la déesse : le chignon compliqué se fond dans l'aigle au regard féroce. Un croissant de lune rappelle qu'elle est la déesse de la nuit. Un grand arc barre le dessin et le carquois est entouré de fleurs rouges aux couleurs sanguinolentes.
Associer la peinture de Callisto aux amours entre femmes n'a rien de nouveau, mais Mossa donne à la scène un ton très inquiétant. Je me demande sur quoi est assise Artemis : un tas de rats ? La grosse tête en bas à droite n'est pas celle d'un fauve tué à la chasse et les petites têtes grises sont bien inquiétantes (et leurs colliers est composées de femmes nues). La déesse est ici prédatrice de chair fraîche.
David et Bethsabée (1906 Nice BA). Nous sommes loin ici de la traditionnelle scène de bain avec nudité. Ici, ce vieux dégueulasse de David (cliquez sur l'image, agrandissez-la, regardez les détails de son col) se saisit de Bethsabée, jeune femme victorienne, en rose et violet, yeux au ciel et résignée (mais aussi femme fatale). Il y a la tête du lévrier. À l'arrière-plan le mari s'éloigne vers la guerre.
Circé (1904 Musées royaux de Bruxelles). Le regard froid et impassible de la femme maléfique dénudée, serpent autour du cou, régnant sur les marins transformés en goret. Chair contre chair... au loin le bateau est à l'ancre.
Évidemment, Mossa a multiplié les peintures de femmes fatales et vénéneuses et Salomé arrive en bonne part. Mais je vous les montrerai une prochaine fois.
Il y a aussi plusieurs pastels qui représentent des scènes de genre de la vie contemporaine, comme ce Jockey tombé (1906 Musée Chéret) et cette Dame en blanc (1906 Musée Chéret). Je trouve que les attitudes sont très bien rendues. Il se dégage une incroyable lassitude de ces silhouettes.
Pierrot (1906, Musée Chéret Nice). Pierrot est un personnage omniprésent dans la peinture de Mossa, qui est familier des thèmes du Carnaval, mais il s'agit toujours d'un Pierrot inquiétant et vaguement perverti. Ici il se dresse, tout de blanc vêtu, le couteau sanglant à la main. Il est blessé. À l'arrière-plan, une foule de corps nus, comme une étrange bacchanale. L'envers des masques.
Ce qui est perturbant, c'est le jeu de glissement d'une figure à l'autre. Ce Pierrot ne ressemble-t-il pas à Œdipe ? De même que Bethsabée et Circé sont étrangement proches. Les figures se contaminent entre elles de façon particulièrement inquiétante.
Mossa a presque arrêté de peindre (ou du moins de produire des tableaux) au moment de la Première guerre mondiale. Le reste de sa production est consacré à Nice, à l'inspiration d'après les artistes primitifs niçois, à un art familier (peinture de sa maison, de cartes visites, d'illustrations, etc.)
Mossa a réalisé de nombreuses affiches et a conçu plusieurs maquettes de char pour le carnaval de Nice. Il participe d’ailleurs pleinement de la culture niçoise, notamment en étant l’auteur de pièces de théâtre en niçois pour des marionnettes.
Il a également été pendant longtemps le conservateur du musée de Nice et à ce titre il a participé à la protection et à la découverte de plusieurs décors peints anciens de sa région.
Affiche de Carnaval en Gargantua (1914 Nice Musée Massena). Un joli panorama de Nice et de la Baie des Anges derrière ce Gargantua colleur d'affiche.
Mossa et Jean Gilletta, le char de l'ours polaire (photo retouchée à la gouache).
Dessin pour le Char de Carnaval de la socca (Nice Musée Massena). La socca est une galette de pois chiche. On voit une vendeuse de socca et tous les personnages autour qui en mangent.
Affiche pour une pièce de théâtre de Noël en niçois, créée en 1922 et reprise par plusieurs théâtres de Nice les années suivantes.
Avouez que c'est un étrange artiste, bien intéressant. La semaine prochaine, un peintre très connu.
Quand tu dis fin siècle, c'est fin 19è, je devine. OK, assez spécial. Plein de détails. Tu as vu la revue aux pieds de Callisto?
RépondreSupprimerOui, quand on commence à regarder, on n'en finit pas. Je ne sais pas si c'est une image (une revue comme tu dis) posée là ou un élément du costume, comme une broderie (comme pour le col de David).
Supprimer« bah j’aime pas » mais c'est vrai que ça doit être intéressant à observer de près (surtout si ce n'est pas derrière une protection en verre avec plein de reflets), et puis en fait j'aime bien les pastels et les dessins que tu présentes.
RépondreSupprimerCe sont de grandes aquarelles, protégées par des vitres, mais les détails sont faciles à examiner. J'en ai encore tout un stock mais je n'ai pas voulu trop en mettre.
Supprimerje ne connaissais pas, merci pour la découverte!
RépondreSupprimerÉtonnant n’est ce pas ?
SupprimerInconnu pour moi! Merci de la découverte quoique...
RépondreSupprimerUn peu dérangeant…
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