Fruttero et Lucentini, La Femme du dimanche, parution originale 1972, traduit de l’italien par Philippe Jaccottet.
On est à Turin et tout commence un mardi, en juin, avec l’architecte Garrone qui doit être assassiné à la fin de la journée. Et ensuite, c’est l’enquête, jusqu’au dimanche après-midi.
Il avait été un demi-personnage dans une ville à demi-provinciale, l’un de ces innombrables demi-rôles, sous-héros, infra-caractères qui rôdent, à couvert, Dieu sait où, et, à découvert, d’avant-premières en conférences, d’expositions en ciné-clubs, en commissions artistiques ou culturelles… à qui l’on ne peut manquer de se heurter un jour ou l’autre, comme à ces statues de vagues ducs et princes de Savoie éparses dans toute la ville.
Ce Garrone est un être médiocre, intermédiaire, pique-assiette, mais son meurtre permet à l’enquête de se dérouler dans des milieux assez divers. On fait appel au commissaire Santamaria pour approcher cette société de riches turinois, dont les codes sont si différents de ceux des gens normaux et des gens habituellement fréquentés par la police.
Petit point de départ : la société a considérablement changé depuis la fin des années 60, même celle des très riches, et j’ai eu, au début, un peu de mal à prendre au sérieux ces gens dont je comprends mal les allusions et les poses et les sous-entendus. Roman considérablement daté ? Oui, sans doute, mais roman qui dresse avec humour le portrait de la ville de Turin et de ses habitants. Il y a la belle et séduisante Anna Carla, un galeriste d’art ancien, des dames de la bonne société, un couple d’hommes, mais tout peut rapidement basculer dans le grotesque avec l’apparition d’un entrepreneur en monuments funéraires qui commercialise aussi des objets… « particuliers »… pour « amateurs » ou avec cette plongée dans la bureaucratie italienne la plus opaque.
Laborieusement, à l’économie, en blanc et noir 16 mm, Massimo entreprit de résumer son après-midi à la Questure. Il omit les détails préliminaires, élimina la couleur locale, affadit le personnage du commissaire. Et glissa, tout à la fin, comme une conclusion banale attendue, le fait qu’il ne s’agissait pas d’un accident de voiture, mais…
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Dans les rues de Turin, novembre 2023. |
J’ai aussi apprécié la construction du livre. Organisation par journée, alternance de points de vue, avec prédominance de celui du commissaire, et des passages avec un découpage très cinématographique, avec un enchaînement très rapide de l’action. L’ensemble est dynamique et est agencé avec intelligence et beaucoup d'humour.
Depuis le temps qu’il y habitait, le commissaire savait que la monotonie proverbiale de la ville est une invention d’observateur superficiels, ou plutôt un masque qui trompe l’ingénu ou l’impatient, comme le mimétisme d’une bête aux aguets. Sous des apparences de clarté, de franc jeu, Turin est une ville pour connaisseurs. Il y a – pensa le commissaire en considérant la rue immanquablement rectiligne à perte de vue –, il y a sinistre et sinistre.
Le roman a été adapté en film par Luigi Comencini.
Fruttero et Lucentini, F&L, est un binôme d’auteurs composé de Carlo Fruttero et de Franco Lucentini. Du duo j'ai également lu Ce qu'a vu le vent d'ouest, mais je n'en garde aucun souvenir.
J’ai commis des billets touristiques enthousiastes sur Turin, qui ne ressemble pas du tout (plus du tout) à la ville décrite dans le roman.
Je me souviens, quand je lisais les romans de ces auteurs... J'aimais bien.
RépondreSupprimerJe trouve que c'est une lecture de vacances, sur son lit et dans le fauteuil du jardin.
Supprimerje ne connais pas encore Turin, mais j'espère y aller un jour!
RépondreSupprimerJe suis certaine que tu aimeras, n'hésite pas.
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