Un voyage Marseille-Rio 1941, textes et photographies de Germaine Krull et de Jacques Rémy, introduction d'Olivier Assayas, 2019, paru chez Stock (qui aurait pu se payer une correctrice).
Partir de Marseille en 1941 et fuir, fuir...
Il y a un très grand poète français à bord, un écrivain politique de renommée mondiale, des peintres, des écrivains de cinéma et de théâtre.
Mais ce volume est un objet disparate. En introduction, Olivier Assayas raconte le fatras de papiers et de photographies retrouvés chez son père, Jacques Rémy, et ses tentatives pour comprendre qui a pris les photos et où et quand. Une quête compliquée, faite d'oublis et de découvertes fortuites.
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Sur le Capitaine-Paul-Lemerle, les cuisines sur le pont. |
Le volume rassemble ensuite plusieurs textes.
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La file d'attente au lazaret de la Martinique. |
On s'y perd un peu. C'est que l'histoire s'éparpille entre les personnes et leurs valises. Mais c'est passionnant. Les récits racontent à la fois l'horreur, ceux qui fuient le nazisme et qui ont tout perdu, ceux qui sont maltraités par l'administration française, et l'espoir, ceux qui ont réussi à échapper, qui espèrent reprendre une autre vie et retrouver leurs proches. Au milieu de tout ça, en Guyane, les détenus et les anciens détenus sont échoués sans aucun espoir de sortie.
Oui, ces pauvres émigrants entassés dans un cargo, naviguant vers une lointaine Amérique, repérsentent une somme de force, de courage, d'énergie et de chance exceptionnelle.
Maintenant ils se reposent. Ils ont soutenu une rude bataille. Pour partir. Ils vont en soutenir une autre, plus rude encore. Pour vivre. Maintenant ils sont en entracte. Malgré la mauvaise nourriture et l'inconfort, ils sont en vacances. Ils ont le droit de se reposer.
Assayas raconte aussi ses efforts pour démêler le qui du quoi, ses erreurs, notamment dues au fait que les documents qu'il trouve sont tous faux (faux contrat de travail, faux certificat de baptême, etc.). C'est qu'il faut se débrouiller et se cacher.
Les photos ne sont pas spectaculaires, montrant un quotidien sans éclat, un voyage en bateau dont il est difficile de comprendre les enjeux : des hommes torse nu sur un bateau, des marins, l'embarquement du bétail lors d'une escale à Casablanca, la mer, la fête de Neptune comme un étonnant moment de Carnaval.
Harassée de fatigue, les nerfs absolument à bout, prise dans cette nuit où tout semble fantastique, où les arbres prennent des formes gigantesques, je m'assois quelque part en face de la mer sans espoir et en réalisant à peine notre grande désillusion.
C'est ici que débarquent tous ceux que la justice de France a condamnés à mourir doucement et jour par jour.
L'équipage avait construit deux paires de baraques de planches, sans air ni lumière ; l'une contenait quelques pommes de douche alimentées seulement le matin ; l'autre, meublée d'une longue rigole de bois grossièrement doublée de zinc à l'intérieur et débouchant sur l'océan, servait à l'usage qu'on devine ; les ennemis d'une promiscuité trop grande et qui répugnaient à l'accroupissement collectif, rendu d'ailleurs instable par le roulis, n'avaient d'autre ressource que de s'éveiller fort tôt.
C'était un peu comme si, en permettant notre embarquement à destination de la Martinique, les autorités de Vichy n'avaient fait qu'adresser à ces messieurs une cargaison de boucs émissaires pour soulager leur bile.
Le saviez-vous ? Une émission de France Culture résume tout cela en seulement une heure ! Il y a des passages très intéressants sur Césaire. Cela m'a donné envie de le lire.
Plaque visible aux Invalides, Musée de l'armée. |
- Livrer sur demande, les mémoires de Varian Fry ;
- Transit, le roman d’Anna Seghers ;
- Deux plaques commémoratives dans les rues de Marseille ;
- Marseille, année 40, les mémoires de Mary Jane Gold ;
- Marseille, 1940 d'Uwe Wittstock, un livre d'histoire récapitulatif très bien fait ;
- Tous passaient sans effroi de Jean Rolin, sur les pas de ceux qui sont passés par les Pyrénées.
Je ne connaissais pas du tout l'histoire de ce bateau et de ce voyage. Ce livre à l'air passionnant (peut-être un peu foutraque ?)
RépondreSupprimerLe livre est super mais sur le sujet, c'est peut-être plus simple de commencer par celui de Wittstock, qui présente bien les choses. En même temps, ce n'est pas nécessaire de tout comprendre, on est en 1941, les gens fuient, et voilà, tu sais presque tout. Ce bateau-là est célèbre pour être un des premiers à partir et rassembler des intellectuels.
SupprimerMoi non plus, je ne connaissais pas du tout cette histoire, tu me rends curieuse d'en savoir plus ... Mais je sais que les livres d'histoire, ce n'est pas pour moi : le roman alors, sans doute ?
RépondreSupprimerJe suis un peu réservée sur Transit mais beaucoup de gens ont un avis très favorable à son sujet, donc pourquoi pas.
SupprimerJ'ai lu ton avis sur le roman, je ne pense pas qu'il me plairait. Je vais écouter le podcast, déjà.
Supprimerpassionnant ton billet est extra pour donner envie d'en savoir plus
RépondreSupprimerje vais écouter le podcast dans un premier temps mais vraiment merci à toi
Je trouve que le podcast est assez complet, il te plaira sûrement.
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