Mario Rigoni Stern, Les Saisons de Giacomo, parution originale 1995, traduit de l'italien par Laura Brignon, édité en France par Gallmeister.
Dans les Alpes italiennes, tout près de la frontière autrichienne, les enfants nés en 1918, durant L'Année de la victoire, ont grandi et deviennent adolescents. Le roman raconte cette enfance dans la montagne, la polenta, les patates, le bétail, la sociabilité. Il raconte aussi la pauvreté d'une terre où il y a peu de travail et où les produits agricoles rapportent peu. Les hommes s'exilent, plus ou moins loin et envoient de l'argent. Mais la grande histoire n'est jamais loin, même de ces milieux les plus modestes. Alors que toute la forêt est encore pleine des restes de la Première guerre mondiale (morts, cartouches, métaux, objets diverses), dont la récupération fait vivre bien des familles, apparaît déjà le hideux fascisme, avec son endoctrinement des jeunes, sa manipulation du travail, son exaltation de la guerre, laquelle reviendra malheureusement bien vite.
Ils portaient tous des chemises, des pantalons, des vestes, des chaussettes rapiécées avec des pièces elles-mêmes raccommodées et renforcées par d'autres pièces. Leurs mains, leurs habits et parfois leur visage étaient jaunes à cause de l'acide picrique et des autres explosifs avec lesquels ils étaient en contact.
C'est un roman, celui de Giacomo, mais c'est aussi un récit quasi autobiographique, une quasi-chronique, au vu de l'absence d'effets de style. Annotation des événements survenus dans une petite communauté humaine (mariage, fiançailles, misère, coup de chance, apprentissage du ski, etc.) d'une guerre à l'autre, évocation d'une enfance, celle du Sergent dans la neige.
Le roman est loin d'être parfait. Le ton me paraît planplan, les personnages ne sont pas affirmés, l'écriture me retient peu – on parlera d'un ton pudique pour raconter les souvenirs d'une famille et d'un village. Ne parlons pas des femmes, personnages secondaires dont l'existence ne retient guère l'attention. Et pourtant, le roman me paraît intéressant pour évoquer sobrement et avec réalisme les années disparues, l'imposition du fascisme sur une communauté et l'acheminement vers les années de guerre.
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Arc des Philhènes en Libye pendant la colonisation Italienne Photo prise en 1937 à Sabratha (Mucem) |
En faisant ce travail de récupération, ils revoyaient leur guerre, non plus depuis le fond d'une tranchée ou d'un abri obscure creusé dans la roche, ainsi qu'ils l'avaient vécue au plus fort des combats ou des bombardements, mais en plein air, d'en haut, debout, et elle prenait un tout autre aspect : ces ossements retrouvés et mis de côté aux abords de la Pozza dell'Agnelizza étaient ceux de leurs compagnons du village engagés dans les bataillons Bassano et Sete Comuni.
Tout commence en 1922, avec l''installation des nouvelles cloches dans le clocher et tout s'achève dans le froid glacé de la steppe russe.
Rigoni Stern sur le blog.
Nos avis se rejoignent sur le fait que ce tome est mieux que le précédent. Il y a une autre chose qui m'a sautée aux yeux en lisant ton billet: le roman est écrit presque comme un journal intime. il n'y a pas d'entrées apparentes mais les évènements apparaissent par ordre chronologique.
RépondreSupprimerOui complètement, c'est une sorte de chronique (saison après saison en fait), un déroulement des faits avec peu d'émotion.
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