Mario Rigoni Stern, Hommes, bois, abeilles, parution originale 1980, traduit de l’italien par Monique Baccelli, édité en France par La Fosse aux ours.
Un recueil de textes, certains autobiographiques, d’autres dressant le portrait de personnages, l’ensemble campant un monde en voie d’oubli et une région, celle de la montagne entre Italie et Autriche.
Les premiers textes se tiennent pendant la Seconde guerre mondiale et racontent l’interminable retour depuis la Russie ou l’emprisonnement dans un camp.
Il est beaucoup question de chasse, au cerf ou au petit gibier, mais surtout de la marche dans la forêt et dans la neige. L’ancien usage de la chasse à la chouette. Les caractères des différents chiens de chasse.
Les derniers textes parlent des anciens habitants et travailleurs de ces forêts : cabanes des charbonniers, four à chaux, les prés communaux, les bûcherons, les carriers de marbre, les anciennes sociabilités.
C’est un monde peuplé presque exclusivement d’hommes, si j’excepte celles qui apportent la polenta (et je précise aux curieuses que j’aime beaucoup la polenta).
Il est beaucoup question de l’individu seul dans le paysage, mais aussi de sa vie avec les bêtes, sauvages ou domestiques, et avec leur intelligence. Il y a un long texte sur les soins à apporter aux abeilles.
La couverture sur la tête, on marchait en silence ; en sortant de la bouche le souffle gelait sur la barbe et sur les moustaches. Mais l’air, la neige et les étoiles aussi semblaient soudés ensemble par le froid. La couverture tirée sur la tête, on continuait à marcher en silence. On s’arrêta, peut-être parce qu’on ne savait pas où aller. Le temps et les étoiles passaient au-dessus de nous, étendus dans la neige.
C’est le tout début.
Peter Vos, Carnet 333 oiseaux, graphite lavis, 1980 Custodia |
Quand il y arrivait, d’un imperceptible signe de la queue son chien lui faisait comprendre qu’il le sentait prêt, puis, la tête tendue en avant, il lui indiquait où était la bécasse. Et si elle était loin, encre plus doucement, en bougeant une patte à la fois, il l’approchait pour qu’elle ne parte pas, éventuellement dans l’épaisseur du bois. Certaines fois il réussissait à la voir tapie parmi les feuilles du sous-bois, et il aurait même pu la prendre pour une feuille un peu plus grande que les autres sans ces yeux ronds et fixes et ce long bec posé sur la pousse, la tête fendue.
Le soir, des centaines d’abeilles épuisées et mortes de chaleur prenaient le frais sur le marchepied de la ruche, comme les paysans qui s’installent sur l’aire au moment des foins ou de la moisson. Et je suis également certain qu’elles se communiquaient quelque chose parce qu’elles se rassemblaient, se flairaient en se faisant face, se dispersaient puis marchaient en petits groupes sur la paroi où se trouve l’ouverture.
(La citation du billet correspond à la dernière page du recueil.)
Mon premier billet.
Rigoni Stern sur le blog :
J'aime aussi beaucoup la polenta et Mario Rigoni Stern que j'ai découvert grâce à toi, puis fait découvrir à mes amis. Ce recueil semble assez emblématique de son œuvre. Je suis ravie de l'ajouter au bilan de ce mois des nouvelles.
RépondreSupprimerOui il est emblématique, avec ses qualités et ses défauts, mais on le trouve là tout entier.
SupprimerLes extraits choisis me font un peu penser à Maurice Genevoix.
RépondreSupprimerEt comme je n'ai toujours pas lu Genevoix...
SupprimerBon, va falloir que je le lise à nouveau, ...
RépondreSupprimerAh la la c'est pas de bol !
Supprimerencore un auteur dont je ne me suis jamais lassée
RépondreSupprimerEn effet, c'est un de tes chouchous.
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