La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 30 octobre 2025

On pouvait s'y promener avec la pensée, s'y perdre, s'y arrêter pour prendre le frais, ou s'en échapper à toute allure.

 

Italo Calvino, Les Villes invisibles, parution originale 1972, traduit de l'italien par Martin Rueff, édité en France par Folio Gallimard.

Kublai Khan et Marco Polo devisent... Surtout le second bien sûr, qui livre à l'empereur un devisement des villes imaginaires ou imaginables de l'empire.

Des villes absurdes, posées sur le vide, villes inaccessibles, villes dotées d'un envers qui est peut-être la vraie ville, villes figées ou en perpétuelle transformation...Ville du désert mais bâtie sur pilotis, ville sans toits, ni murs, ni sols mais uniquement composée de tuyaux de canalisation, ville de fils tendus, ville à la nécropole identique à la vraie ville, ville de déchets, etc.

Ainsi, en voyageant sur le territoire d'Ersilia, on rencontre les ruines de villes abandonnées, sans les murailles qui ne durent pas, sans les os des mors que le vent fait rouler : des toiles d'araignée de rapports enchevêtrés qui cherchent une forme.

Ces villes portent toutes des noms de femmes (de là à conclure que c'est un roman où deux hommes parlent des femmes...), ce qui contribue, sans doute, à l'aura de mystère qui les entoure. On les imagine posées dans le désert ou les montagnes, au milieu de l'immensité de l'empire mongol. Pourtant si on lit bien, certaines intègrent des éléments de modernité (tramway, métro, usines), mais rien à faire, je les visualise en créatures orientales, à coupoles dorées et à murs de brique crue. Est-ce pour cela que le livre me paraît totalement suranné ? Peut-être.


Il faut dire que c'est une seconde tentative pour moi. À la première lecture, le livre m'était tombé des mains. Après avoir vu plein de gens le porter aux nues, comme je ne suis pas (pas totalement) obtuse, j'ai récidivé. Cette fois, je suis allée au bout, mais sans être conquise.
Je note que les différentes villes ne sont pas créées par un imaginaire débridé et aléatoire. À cet égard, le livre peut très bien se lire dans un autre ordre, en suivant les différents modèles (peut-être à la troisième tentative?). Le ton soi-disant descriptif pourrait être celui d'un voyageur ethnographe, mais j'avoue qu'il a du mal à retenir mon attention. Le projet m'intéresse donc, mais j'achoppe un peu à la réalisation.

Et les deux bonshommes ? Ils font des phrases et ça...ça m'intéresse pas du tout. Kublai Khan apparaît comme un prince mélancolique, un grand sage, au palais et au jardin merveilleux, et pas du tout comme un mongol de la steppe. Marco Polo est une sorte de courtisan, habile à distraire le prince, un italien bavard se sortant de toutes les situations.

Évidemment, à l'arrière-plan de toutes ces villes imaginaires, il y en a une, bien réelle, avec ses canaux et ses palais posés sur l'eau, à peine plus irréelle que les autres.

Canaletto, Caprice vénitien, Château Arundel


S'il part de là et qu'il voyage trois journées vers le levant, l'homme se trouve à Diomira, ville aux 60 coupoles d'argent, aux statues de bronze de tous les dieux, aux rues pavées d'étain, au théâtre de cristal, au coq d'or qui chante chaque matin du haut d'une tour. Toutes ces beautés, le voyageur les connaît déjà parce qu'il les a vues aussi dans d'autres villes. Mais ce qui est propre à celle-ci c'est que celui qui y arrive un soir de septembre, quand les journées raccourcissent et que les lampes multicolores s'allument toutes d'un coup aux portes des friteries, et qu'une femme, depuis une terrasse, hurle : ouh !, se met à envier ceux qui pensent avoir déjà vécu une soirée identique à celle-là et avoir été heureux cette fois-ci.

C'est la première ville.

Prenez garde de ne pas leur dire que parfois des villes différentes se succèdent sur le même sol et sous le même nom, naissent et meurent sans d'être connues, incapables de communiquer entre elles. Parfois, même les noms des habitants restent les mêmes, et l'accent des voix, et jusqu'aux traits des visages ; mais les dieux qui habitent sous les nom et sur les lieux s'en sont allés sans mot dire et à leur place se sont logés des étrangers.

J'ai déjà essayé, en vain, de lire Le Dévisement du monde. J'aimerais bien lire quelque chose à son sujet. Je vous tiens au courant.

Évidemment, ces villes imaginaires n'ont pas de peine à trouver leur place sous les pavés, la page. Ce sont Athalie et Ingannmic qui devisent ensemble de toutes les villes des livres.


Calvino sur le blog :
Les Villes invisibles : le récit de ma première tentative.
Si une nuit d'hiver un voyageur : quand l'auteur s'amuse.
Le Baron perché : un conte philosophique. Le Vicomte pourfendu : un roman de fantaisie. Le Chevalier inexistant : magnifique roman sur un chevalier habitant une armure vide.
Liguries : recueil de textes sur la Ligurie.
Les Amours difficiles : un recueil de nouvelles. L
Liguries : recueil de textes sur la Ligurie.
Les Amours difficiles : un recueil de nouvelles. Le petit silence quotidien des personnes ordinaires.




2 commentaires:

  1. Comme toi, j'ai peiné sur ce titre de Calvino, les images sont très belles, l'imaginaire attirant, mais ... Je dois être un peu obtuse !

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  2. Tu connais sûrement les bd cités obscures de Peeters, moi je visualisais pas mal les villes, Venise bien aussi, en tout cas c'est un livre qui fait bien fonctionner l'imaginaire..
    J'ai aussi cale à première lecture, et ensuite, youpee.

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