François Herbaux, Pythéas explorateur du Grand Nord, 2024, Les Belles Lettres.
C’est un livre d’histoire.
Au IVe siècle avant J.-C., un Grec de Marseille, nommé Pythéas, entreprit un grand voyage vers le nord. Il découvrit, dit-on, une grande île, et encore plus loin une île située au niveau du cercle polaire et d’étranges barbares. Plusieurs siècles après, les historiens grecs et romains bataillèrent pour savoir que penser de cette épopée.
Alors ?
Alors Herbaux reprend toutes les sources et fait la part des choses entre le sûr et le probable. Il faut dire que tous les écrits de Pythéas sont perdus et sont connus seulement par les citations de ceux qui viennent après lui (mais qui ne sont pas toujours d’accord avec lui).
Pythéas était scientifique, le premier à calculer avec précision la latitude de Marseille (qui, de fait, est la première ville dont la latitude a été calculée) et à avoir émis l’hypothèse du lien entre le mouvement des marées et celui de la Lune. Il aurait entrepris son voyage par curiosité scientifique, afin de vérifier certaine hypothèse sur la durée du jour qui pourrait varier dans l’année selon la proximité avec les pôles. Mais où jusqu’où est-il allé ? Il est à peu près certain qu’il a fait le tour de la Grande-Bretagne (par l’est ? l’ouest ?) – ce qui lui vaut l’honneur d’être cité par Churchill dans ses mémoires pour avoir fait entrer l’île dans l’histoire – ce qui vaut à Churchill d’avoir l’honneur d’être cité à son tour sur les murs du musée d’histoire de Marseille – et d’être allé jusqu’aux Orcades et après ? L’hypothèse de l’Islande tient la corde au vu des coordonnées. Mais Pythéas semble également décrire les habitants de Scandinavie (même si les Écossais, les Estoniens, les Danois et d’autres revendiquent également cet honneur).
En réalité, on ne connaît pas le détail de l’itinéraire de Pythéas. Peut-être a-t-il abordé les îles Britanniques une première fois lors de son expédition vers le grand nord et une seconde fois au retour. Mais on ne peut gère en dire plus. A-t-il atteint l’Écosse en passant par la mer d’Irlande ou par la côte est ? Nous l’ignorons. Ce qui est certain, c’est qu’avec Pythéas les îles Britanniques sont entrées dans l’histoire. Elles se trouvaient non seulement nommées, mais surtout localisées, mesurées, explorées et décrites, comme nous le révèlent Strabon et Pline.
L’ouvrage est passionnant même si j’avoue qu’il peut être difficile à suivre : l’entrecroisement des sources et des fragments de tel et tel auteur peut faire que l’on a du mal à s’y repérer. De fait, ce petit livre est très complet puisqu’il rassemble tous les fragments d’auteurs antiques mentionnant Pythéas.
J’apprécie aussi le volet sur la postérité de Pythéas, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, car il est revendiqué par tous ceux qu’il est supposé avoir découvert. Et puis on a fait de lui le premier auteur gaulois ou même provençal ! Au XIXe siècle, on a aussi donné à son voyage un but commercial, alors que le port de Marseille est au centre des colonies françaises (et je connais une banque dont le siège porte le beau nom de Pythéas).
On constate que les descriptions contenues dans le traité Sur l’océan de Pythéas n’ont pas mis fin aux spéculations. Science et fiction ont cohabité dans la littérature antique consacrée à ces régions, à travers des textes variés, les uns exposant des données reprises d’ouvrages antérieurs, d’autres exprimant des doutes, dénonçant des fables ou des mensonges ou d’autres encore laissant libre cours à l’invention poétique.
Herbaux citant Jean-Louis Étienne :
Je pense, ajoute-t-il, que Pythéas décrit la prise en glace de la mer. Ce n’est pas comme l’eau douce dont le changement d’état est immédiat, la surface devient un vitrage transparent très fragile. L’eau de mer salée passe d’abord par un état de saumure pâteuse, qui ondule avec la houle. Elle freine considérablement l’avancée du bateau. C’est peut-être à cette frontière de l’océan polaire que Pythéas a été contraint d’abandonner sa progression.
Si le sujet vous intéresse, mais que vous avez la flemme, je vous conseille d’écouter cette émission.
Le sujet est passionnant. J'aime beaucoup ce type d'investigation historique. Il faudrait que je lise plus d'essais.
RépondreSupprimerJ'aime bien les livres d'histoire, surtout histoire ancienne. Ça me repose de l'actualité.
SupprimerHé bien, je ne connaissais pas ce Marseillais!!! Même si un peu brumeux, ça m'a l'air à connaître.
RépondreSupprimerUn Marseillais qui a fait un sacré boat trip comme tu aimes. Sinon il y a des bistrots qui portent son nom, aussi.
Supprimerje n'ai pas lu celui là mais comme le thème m'intéresse j'ai lu le livre de François Garde chez Paulsen : A perte de vue la mer gelée
RépondreSupprimerje pense que ce livre là est plus simple par rapport au livre très bien documenté dont tu parles mais j'y ai pris grand plaisir
Tu as raison, c'est le même sujet. Mais j'ai essayé de lire une fois Garde et ça n'a pas été une grande réussite. Donc j'en reste à l'historien ardu.
Supprimerla PAL est bien chargée je crois que je vais écouter lors de mes promenades
RépondreSupprimerJe te comprends.
SupprimerLe sujet a l'air passionnant. Je note ce titre. Mais comme ma liste suffirait à remplir mes lectures pour les 20 ans à venir, je vais commencer par écouter le lien.
RépondreSupprimerToi aussi ? Cette maladie semble bien contagieuse.
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