Kafka, Amerika, traduit de l'allemand par Jean-Pierre Lefebvre, édité en France par Gallimard (Folio).
Roman laissé inachevé par la mort de l'auteur et par l'auteur lui-même. Titre voulu par Kafka : Le Disparu. Amerika est le titre donné par Max Brod lors de son édition de 1927, mais le premier chapitre a été publié à part en 1913 et l'ensemble du texte entre 1912 et 1914.
Le héros, Karl Rossman, a 17 ans (ou 16), quand ses parents le chassent de la maison (une histoire de bonne qui se saisit de son corps) et l'envoient en Amérique faire sa vie. Au premier chapitre, après un épisode invraisemblable, Karl rencontre son riche oncle Jakob qui le prend sous son aile. Au deuxième, l'oncle le chasse. Au troisième, Karl trouve du travail dans un hôtel. Mais cette pause ne dure pas et le pauvre Karl se retrouve bientôt dans une situation encore plus difficile. Après une interruption du manuscrit, on retrouve Karl parti dans un train, ayant perdu son nom, avec une mystérieuse troupe de théâtre. Tout va bien mais difficile de ne pas se dire qu'un piège se referme sur lui. Le manuscrit s'interrompt encore, cette fois définitivement.
C'est tout l'inverse d'un roman d'apprentissage. Karl est peut-être un peu naïf et mal dégrossi, mais il ne se débrouille pas si mal. Pourtant, la maladresse et les coups du sort l'empêchent sans cesse de tracer son chemin. Au contraire, d'improbables événements, qui apparaissent comme autant de manipulations, se coordonnent pour l'enfoncer dans une situation progressivement plus difficile. À cet égard, la description de l'hôtel est à proprement parler kafkaïenne avec ses innombrables ascenseurs, son armée de liftiers, son équipe de portier et de sous-portiers, le restaurant qui semble une foire d'empoigne – impossible pour un individu sensible de trouver sa place dans cet univers.
Karl n'écoutait pratiquement plus ce genre de discours, chacun abusait de son pouvoir et insultait ses inférieurs. Quand on y était habitué, ça ne sonnait pas autrement que le tic-tac régulier d'uen pendule.
J'ai toujours du mal à lire les romans dont la progression semble inéluctable. Ce fut encore le cas ici, avec un gros coup de mou dans le milieu. J'ai arrêté quelques pages et j'ai repris avec ce dernier chapitre sur le théâtre d’Oklahoma, gigantesque barnum usine, avec ses 200 bureaux de recrutements et son champ de courses, qui embarque toute une population de miséreux dans un destin inconnu, mais certainement très contrôlé.
Lorsque à l'âge de dix-sept ans Karl Rossmann, qui avait été envoyé en Amérique par ses pauvres parents parce qu'une bonne l'avait séduit et avait eu un enfant de lui, entra dans le port de New York sur le bateau déjà passé à la petite vitesse, il aperçut la statue de la déesse de la Liberté, qu'il observait depuis un bon moment, comme nimbée d'une lumière solaire devenue soudain plus forte. On aurait dit que son bras armé de l'épée venait tout juste d'être brandi tandis qu'autour d'elle les brises tournoyaient sans entrave.
Deuxième participation aux feuilles allemandes de Patrice et Eva. Jeudi ce sera encore Kafka, qui a d'ailleurs déjà donné lieu à deux billets sur le blog :


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