Herta Müller, La Convocation, traduit de l’allemand par Claire de Oliveira (1e éd. 1997), Paris Métailié, 2001.
La narratrice se rend à une convocation de la Securitate, sur le chemin elle lutte pour ne pas céder à la peur, à la panique, à l’humiliation. Elle connaît par cœur ce que dira Albu, l’interrogateur, comment il jouera de ses doigts, du téléphone, des mouvements de porte, des silences.
Elle raconte sa vie, dispersée en fragments sans continuité, de son enfance à sa cohabitation avec Paul, son homme qui boit trop. Comment chacun essaie d’échapper à sa vie, de fuir l’usine, comment son amie Lilli, à qui elle pense sans cesse, a eu le corps dévoré par les chiens près de la frontière. Une vie qui n’en est pas une, on se réfugie dans les pensées en fuite, absurde, triste et banale, mais traversée par une inquiétude sourde : tout n’est-il pas que mensonge ?
Le début :
Je suis convoquée. Jeudi à 10 heures précises.
On me convoque de plus en plus souvent : mardi à 10 précises, samedi à 10 heures précises, mercredi ou lundi, à croire que les années ne sont qu’une semaine. Je n’en suis pas moins étonnée que l’hiver, après cette fin d’été, revienne bientôt.
Sur le chemin qui mène au tramway, les buissons aux baies blanches se remettent à pendre entre les palissades. Comme des boutons de nacre qui seraient cousus en bas, peut-être jusque dans la terre, ou comme des boulettes de pain. Ces baies sont bien trop petites pour être des têtes d’oiseaux blancs. C’est à vous donner le vertige. Mieux vaut penser à la neige mouchetant l’herbe, mais il y a de quoi s’y perdre ou avoir envie de dormir à cause de la craie.
Le tramway n’a pas d’horaires fixes.
Il me semble l’entendre bruire, à moins que ce ne soient les peupliers aux feuilles dures. Le voilà déjà qui arrive, aujourd’hui il veut m’emmener tout de suite.
Herta Müller est allemande, ayant longtemps vécu en Roumanie et de langue allemande, elle a reçu le prix Nobel de littérature en 2009, et évoque dans ces romans la vie quotidienne sous la dictature. Elle a une vie discrète et mal connue comme l'évoque cet article de Courrier International.
Une dictature n’est pas un monde où les monstres se baladent en liberté, c’est un pays où les arbres ont des feuilles dures, où les baies ressemblent à des têtes d’oiseaux morts. Un endroit où tout être vivant et tout objet est une menace et où on ne connaît jamais la tranquillité.
ça me paraît intéressant mais pas l'envie de lire ce genre de thème en ce moment...une lecture à reporter alors...
RépondreSupprimerAh oui, je comprends. C'est très bien mais un peu dense (mais pas très long) et pas vraiment gai. Mais je reparlerai d'elle, pas d'inquiétude.
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