La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 12 juillet 2025

La tenture de l'Apocalypse à Angers

 

La tenture de l'Apocalypse, exposée au château d'Angers, est un chef d'oeuvre de l'humanité.

Elle a été commandée en 1375 par le duc Louis Ier d'Anjou, frère du roi Charles V, et réalisée en 7 ans. Les cartons ont été dessinés par le peintre Jean de Bruges.

Sur 100 mètres de long (sur les 140 d'origine), entièrement tissée en laine, teinte par des pigments d'origine végétale, se déroule le récit de l'Apocalypse d'après le livre écrit par Jean de Patmos au 1er siècle de notre ère. Après diverses calamités et plusieurs épisodes de lutte du Bien contre le Mal triomphe le Christ et se révèle la Jérusalem céleste (ne sommes-nous pas dans le livre des Révélations ?).

(c'est un livre plutôt ésotérique et répétitif, mais en voici quelques aperçus)

Le vieil homme. Il s'agit du lecteur du Livre de l'Apocalypse. "Heureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie." Il déroule le long rouleau du texte. On aime son nez allongé et ses frisettes, mais surtout le fond rouge orné de rinceaux.


Ouverture du troisième sceau : le cavalier au cheval noir.
Saint Jean se tient sur le côté et observe ce grand cheval élégant et son cavalier à la balance. Les détails de la végétation sont remarquables. Un serpent au sol, des oiseaux dans l'arbre, des fleurs, des feuillages stylisés.


Ouverture du quatrième sceau : le cavalier au cheval livide - la mort. "Je regardai, et voici, parut un cheval d’une couleur pâle. Celui qui le montait se nommait la mort, et le séjour des morts l’accompagnait. Le pouvoir leur fut donné sur le quart de la terre, pour faire périr les hommes par l’épée, par la famine, par la mortalité, et par les bêtes sauvages de la terre."

Ce sont les célèbres cavaliers de l'Apocalypse.
Puis viennent les trompettes des anges.

Deuxième trompette : naufrage. Je trouve que la représentation de la mer et des noyés est remarquable. Ce beau dégradé de bleus. "Le tiers de la mer devint du sang, et le tiers des créatures qui étaient dans la mer et qui avaient vie mourut, et le tiers des navires périt.

L'ange sonne la troisième trompette et tombe une grande étoile sanglante.

Il faut insérer ici l'épisode des sauterelles et la phrase si célèbre :
"En ces jours-là, les hommes chercheront la mort, et ils ne la trouveront pas ; ils désireront mourir, et la mort fuira loin d’eux."



Sixième trompette : les myriades de cavaliers. On reconnaît bien les soldats du temps avec leurs cottes de maille, mais les chevaux sont... terrifiants !
"Et ainsi je vis les chevaux dans la vision, et ceux qui les montaient, ayant des cuirasses couleur de feu, d’hyacinthe, et de soufre. Les têtes des chevaux étaient comme des têtes de lions ; et de leurs bouches il sortait du feu, de la fumée, et du soufre."

Saint Jean mange le livre. Non, ce n'est pas de désespoir, mais pour obéir à la Voix qui lui dit de manger le livre et puis d'aller prophétiser les peuples de la terre. En attendant, les petits nuages du ciel sont très décoratifs et se mêlent à la perfection à la robe de l'ange.

Scène culte : Saint Michel combat le dragon. Saint Jean dans son édicule qui observe les événements. Le fond avec cette trame géométrique est très décoratif. Le dragon, avec toutes ses têtes, est assez joli aussi.


Il y a quelques épisodes avec une Bête de la terre et une Bête de la mer et les hommes qui adulent ces bêtes. Voici le dragon avec toutes ses têtes et ses petits bras qui reçoit la Bête de la mer. Les flots et le ciel végétalisés sont jolis, non ?
"Puis je vis monter de la mer une bête qui avait dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème. La bête que je vis était semblable à un léopard ; ses pieds étaient comme ceux d’un ours, et sa gueule comme une gueule de lion. Le dragon lui donna sa puissance, et son trône, et une grande autorité."


Pause : quel joli petit chêne ! L'arbre est à la fois bien reconnaissable (feuilles et glands) et à la fois totalement stylisé.

On reprend. Fin du règne de la Bête et du dragon. C'est bientôt l'heure du sommeil des Justes et de la moisson des Élus (la vendange des réprouvés sera sanglante). En attendant : Chute de Babylone. On croirait voir un vrai tremblement de terre sur un de nos villages ! C'est très réussi.

"Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande, qui a abreuvé toutes les nations du vin de la fureur de son impudicité !"

Je passe quelques épisodes et voici cette belle image du face à face entre Saint Jean et l'ange. Le premier, beaucoup plus petit que le second, écrit sous la dictée, sous un ciel couvert de fleurs.

"Et l’ange me dit : Écris : Heureux ceux qui sont appelés au festin de noces de l’agneau ! Et il me dit : Ces paroles sont les véritables paroles de Dieu."


Les bêtes sont jetées dans l'étang de feu et le dragon est enfermé pour mille ans. J'aime ce trou dans le rocher, découpé un peu brutalement, avec les langues de feu qui en sortent.

Petit détail des aigles, parce qu'ils m'ont bien plu.

Apparition de la Jérusalem nouvelle. Nous sommes sauvés ! Enfin, pour ceux qui font partie des Élus, les autres... C'est une belle ville avec des murailles immaculées, un château et une église (le peintre n'a pas pu s'empêcher de représenter une ville idéale aux yeux des gens de son temps alors que le livre précise bien qu'il n'y a pas d'église), le tout dans cette architecture gothique tardive. La mer en flots apaisés et le ciel semé de fleurs.

"Et il me montra la ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel d’auprès de Dieu, ayant la gloire de Dieu. Son éclat était semblable à celui d’une pierre très précieuse, d’une pierre de jaspe transparente comme du cristal.

Je ne vis point de temple dans la ville ; car le Seigneur Dieu tout-puissant est son temple, ainsi que l’agneau. La ville n’a besoin ni du soleil ni de la lune pour l’éclairer ; car la gloire de Dieu l’éclaire, et l’agneau est son flambeau.
Il n’entrera que ceux qui sont écrits dans le livre de vie de l’agneau."



Mesure de la Jérusalem nouvelle : L'ange donne une réglette à Saint Jean pour qu'il prenne les mesures de Jérusalem. 
C'est presque la dernière image et j'aime bien ce face à face entre les deux personnages, après tout ce qui vient d'être raconté. Jean a refermé son livre, c'est la dernière fois qu'il le tient à la main.

Ensuite, et bah on recommence la visite pour mieux voir les détails et toutes sortes de motifs.


Les papillons fleurdelisés. Les bouches crachant le feu depuis des nuages très joliment décoratifs.




Je rappelle que l'Apocalypse est un texte d'anticipation puisque Jean raconte ce qui lui a été révélé et qui concerne le futur supposément proche de l'humanité. Convertissez-vous car la fin du monde est là et ce sera bientôt l'heure du jugement !

Cet objet extraordinaire et magnifique est exposé dans une longue galerie du château d'Angers, où l'on a tout le temps de passer et repasser, de s'arrêter sur les détails et de contempler. Elle est inscrite au registre de l'Unesco.

Si vous avez visité l'exposition de la BnF sur l'Apocalypse, toute l'histoire vous est déjà familière. Si vous aimez les tapisseries médiévales, j'ai déjà commis ici un billet sur les tapisseries à la licorne.

Si vous êtes à Angers, après le château, vous pouvez traverser la Maine et visiter le musée de la tapisserie contemporaine, où sont exposées les oeuvres de Jean Lurçat, notamment son Chant du monde.

La semaine prochaine, un peu d'archéologie pas de chez nous.



jeudi 10 juillet 2025

En écoutant Hussein parler de Zanzibar, il avait décidé qu'il irait un jour visiter cet endroit fabuleux.

 

Abdulrazak Gurnah, Paradis, parution originale 1994, traduit de l'anglais par Anne-Cécile Padoux, édité en France par Denoël.

Le héros est Yusuf, 12 ans au début du livre, qui vit avec ses parents. Il raconte sa vie, ses voisins. Un jour, on lui annonce qu'il part pour quelque temps avec le riche Oncle Aziz, marchand, vivant dans une grande ville de la côte. Là, il apprend qu'en réalité son père l'a vendu contre le paiement de ses dettes.

Commence alors une nouvelle existence. D'abord le travail à la boutique. Puis la participation au grand commerce, avec des dizaines de porteurs, dans l'intérieur des terres. Mais on est au début du XXe siècle et les Européens (les Allemands en l'occurrence) s'installent et s'approprient les terres et le commerce (bravo, le passage où le colon annonce aux gens qu'il vient les délivrer des négociants et marchands d'esclave de la côte en s'installant chez eux).


S'il ne perdait pas courage, voilà ce qu'il deviendrait : un autre Khalil, nerveux et combatif, encerclé de tous les côtés et dépendant ; échoué au milieu de nulle part. Il se souvint de ses continuelles plaisanteries avec les clients, de son exubérance qui, il le savait, dissimulaient des blessures profondes. Comme Kalasinga, comme eux tous, immobilisés dans quelque endroit nauséabond, éperdus de nostalgie et consolés par des visions de leur intégrité perdue.

Comme souvent chez Gurnah, le roman raconte tout ensemble un certain nombre de choses.
Les années passent et Yusuf grandit. Il découvre sa propre personnalité, sa capacité à avoir des rêves différents de ceux des autres, le pouvoir de sa beauté, son audace et sa lâcheté. Il comprend les dessous de la société où il vit, avec les ravages de l'esclavage, où l'on vend et achète des enfants, où les sœurs et frères sont séparés, où les parents disparaissent, mais aussi une société diverse où se mêlent ceux qui parlent arabe et ceux qui parlent swahili et les Indiens. Plus encore, il découvre son pays (la Tanzanie), la beauté époustouflante des paysages et ceux qui l'habitent, qui sont à la fois crains et méprisés par les populations des côtes. Il y a de grands guerriers menaçants, des chefs qui vivent au milieu de la forêt, la menace des serpents, la chaleur et les insectes... tout ce qui est lui est inconnu, à lui, qui a toujours vécu en ville.

Les pêcheurs racontaient leurs aventures, leurs tribulations en mer. D'un ton solennel et paisible, ils évoquaient les démons qui, soudain, d'un ciel serein, fondaient sur eux déguisés en tempêtes, ou bien surgissaient, la nuit, des flots sombres, sous la forme de requins géants et phosphorescents.

Comme souvent là encore, la fin est ouverte, promesse de réalisation de soi ou révolte vaine, annonce de drames et d'espoirs, Yusuf prend sa vie en main et se rue sur les routes, tournant le dos à l'esclavage, mais plongeant dans le monde barbare colonial.

Ousmane Sow, Le grand guerrier, devant la gare d'Angers.
L'artiste est sénégalais mais quand les compagnons de Yusuf croisent de grands guerriers, sans doute des Massaï, ils sont entre admiration, fascination et peur. Ils viennent d'un autre monde.

D'abord, le garçon. Il s'appelait Yusuf ; il avait quitté brusquement sa famille dans sa douzième année. Il se rappelait que c'était pendant la saison sèche, lorsque jour ressemble au précédent. Des fleurs inattendues s’épanouissaient et se fanaient. D'étranges insectes surgissaient de dessous les rochers, se tordaient et mouraient dans la lumière brûlante. Le soleil faisait vaciller les arbres dans le lointain, trembler et haleter les maisons. Chaque pas soulevait des nuages de poussière ; un calme intense enveloppait toutes les heures de la journée. Des souvenirs précis de cette saison lui revenaient ainsi.

C'est le début.

Sur la montagne, la lumière est verte. Elle ne ressemble à aucune autre. Et l'air est pur, on dirait qu'il a été lavé. Le matin, quand les rayons du soleil frappent le sommet enneigé, on a une impression d'éternité. À la fin de l'après-midi, près de l'eau, le son des voix monte vers le ciel. Un soir, nous nous sommes arrêtés près d'une cascade. Je n'ai jamais rien vu d'aussi beau. On entendait Dieu respirer.


Si vous ne connaissez pas Gurnah, vous pourriez commencer par ce roman.
Sinon j'ai aussi lu :
Adieu Zanzibar : grande traversée de Zanzibar au XXe siècle avec toute l'histoire d'une famille. C'est très riche.
Mémoire du départ : l'apprentissage d'un petit garçon et la découverte émerveillée de Nairobi, un roman assez violent et désespérant

L'avis de Kathel et de Miriam.


mardi 8 juillet 2025

Ce sont de purs hommes parce que à n’importe quel moment la bêtise humaine peut les tuer.

 

Mohamed Mbougar Sarr, De purs hommes, paru en 2018, édité en France par Philippe Rey.

Le narrateur, Ndéné Gueye, est un jeune enseignant en littérature française à l’université de Dakar. Une nuit, son amante lui montre une vidéo devenue virale. On y voit des hommes déterrer un corps du cimetière parce qu’un homosexuel n’a pas sa place en terre consacrée. Le héros réagit par le malaise et l’agacement, puis s’interroge sur la violence à l’égard de ce mort et sur le rapport de la société sénégalaise à l’homosexualité.

Pourtant, des éclats de voix au-dehors refusaient de s’évanouir : voici le chœur diffus d’un peuple fatigué, mais qui avait depuis longtemps perdu le goût de dormir. Ils parlaient, si on peut appeler ces phrases sans origine ni but, ces monologues inachevés, ces dialogues infinis, ces murmures inaudibles, ces exclamations sonores, ces interjections invraisemblables, ces onomatopées géniales, ces emmerdants prêches nocturnes, ces déclarations d’amour minables, ces jurons obscènes.

Je commence par le narrateur. Un petit intello qui se prétend moderne mais bien réactionnaire (et on en connaît). Il n’est vraiment pas sympathique. Je suppose que Sarr a volontairement forcé le trait parce qu’il tenait à ce que ne soit pas quelqu’un de bien, mais il ne donne pas vraiment envie de s’intéresser à lui.

De ce premier chapitre extrêmement violent et dérangeant émerge progressivement un roman d’apprentissage, apprentissage sur soi et sur la société. Ndéné plonge au cœur de l’homophobie de son pays, exprimant et écoutant toute la gamme de propos sur le sujet (religieux, domestique, universitaire, etc.). Plus largement, il plonge au cœur d’une société violente et obsédée par la sexualité, où l’on insulte, tabasse, tue, cache, etc. ceux qui dérangent, notamment les góor- jigéen, homme-femme en wolof, ou plus exactement tout ce qui n’est pas homme hétéro viril dominant.

Nous sommes souvent durs envers l’humanité, sa bêtise, ses fautes et sa laideur, mais nous n’avons qu’elle. Elle est notre seule vraie famille, notre unique refuge contre notre solitude.

Par sa densité (moins de 200 pages) et son intensité, le roman a quelque peu les accents d’une allégorie, ce qui justifie l’évolution très rapide (et hélas trop prévisible) du personnage. Ndéné fait des phrases mais restera seul face à la société. Il se confronte à lui-même, à son éducation, à ses croyances, mais surtout à sa vision de l’humanité. Humanité dont le lien et même l'identité seraient constitués avant tout par la violence, dit-il.

Il y a aussi une belle réflexion sur le deuil, où l’on habite son chagrin et où on accompagne le mort.

Hockney, Selon les prédictions des anciens magiciens, eau forte Tate


J’ai toujours pensé que l’humanité d’un homme ne fait plus de doute dès lors qu’il entre dans le cercle de la violence, soit comme bourreau, soit comme victime, comme traqueur ou traqué, comme tueur ou comme proie. Ce n’est pas parce qu’ils ont une famille, des sentiments, des peines, des professions, bref, une vie normale avec son lot de petites joies et de petites misères, que les homosexuels sont des hommes comme les autres. C’est parce qu’ils sont aussi seuls, aussi fragiles, aussi dérisoires que tous les hommes devant la fatalité de la violence humaine qu’ils sont des hommes comme les autres.

L'avis d'Athalie et d'Ingannmic.

Un roman très fort et très prenant, mais j'avoue avoir préféré La plus secrète mémoire des hommes.

Une lecture commune avec Ingannmic qui a justement lu La plus secrète mémoire des hommes.

Jeudi, le blog traverse le continent.



samedi 5 juillet 2025

Les fresques romanes de l'Église de Saint-Aignan

 

Saint-Aignan (Saint-Aignan-sur-Cher dans le Loir-et-Cher) est une petite commune qui est notable parce qu'elle a une gare d'où le train vous emmène à Tours, mais aussi parce que son église recèle un trésor peu connu (on remercie l'amie locale qui a fait la cicerone).

Donc, on est sur le coteau au bord du Cher. Il y a du vin et du fromage de chèvre, comme dans tout le coin, un petit château dont la cour est accessible, un joli petit centre ville et la collégiale Saint-Aignan.

La collégiale est équipée d'un clocher et d'un beffroi construit au XIXe siècle au-dessus du porche. Ne loupez pas le porche qui porte l'inscription « Liberté, Égalité, Fraternité » (datant de la toute fin du XIXe). Wikipedia dit que c'est à Saint-Aignan qu'eut lieu le premier enterrement laïc de l'histoire de France (j'ai envie de dire « officiellement laïc »).

À l'intérieur, une jolie église romane, dont les chapiteaux racontent diverses histoires du Nouveau et de l'Ancien Testament.

Mais le clou se trouve dans la crypte. Il s'agit plus exactement de l'église primitive, devenue crypte, du fait de l'élévation de l'église actuelle.

Les murs sont ornées de fresques du XIIe siècle.

Et si vous ne voulez rien louper, prenez l'audioguide (d'autant qu'il n'y a pas de panneau explicatif, que je n'ai donc pas pu photographier, et qu'il n'y a rien sur la page WIkipedia, et je rédige un an après ma visite, ah ah).


Un premier grand Christ en gloire, assis sur un trône, dans une mandorle. Très hiératique. Le rouge prédomine. Plusieurs peintures le flanquent de chaque côté.



En face de ce grand Christ rouge, un autre, plus pâle (parce que les fresques se trouvaient sans doute sous un enduit). C'est la Parousie, la seconde venue du Christ sur terre, à la fin des temps. Ce Christ est bien moins glorieux. Ses plaies saignent abondamment. S'il porte une couronne, son manteau s'ouvre et dévoile son flanc. De chaque côté, la Lune et le Soleil, des anges en prières et d'autres scènes, évocatrices de la Passion et de la Fin des temps.

Agrandissez les photos en cliquant dessus si vous ne voyez pas bien.
Sur ce fond jaune semé de fleurs, les morts sortent de leurs cercueils à l'appel de la trompette des anges. C'est bientôt l'heure du Jugement.

La résurrection des morts a lieu sous les pieds même du Christ de la Parousie.



J'espère que tout le monde se souvient des arma christi. Un ange porte la colonne de la Flagellation. Un autre, plus petit, porte la couronne d'épines. Un autre porte la Croix.

Une autre chapelle aux peintures davantage effacées.

Cette chapelle dont les peintures ont encore des couleurs vives (dans un style totalement différent) est consacrée à un saint local dont j'ai oublié le nom (Aignan lui-même ?). Il y a en bas plusieurs scènes de sa vie.


Notre saint donne son vêtement (rouge) à un pauvre homme et reste en chemise (verte). Longues silhouettes et plissés très élégants. Les plis en éventail me font penser aux peintures de Vic.


L'agneau symbole du Christ et motif géométrique à tomber (je pense que l'on peut en faire un bracelet Art Déco très chic).


Et voilà, vous pouvez aller manger une glace.
D'autres billets si vous êtes en villégiature dans la région : église Notre-Dame-la-Blanche à Selles-sur-Cher ; le canal de Berry ;  le jardin de l'abbaye à Vierzon ; le château de Valençay ; le château de Bouges.
La semaine prochaine, un lieu très connu.




jeudi 3 juillet 2025

C'est à cause de ses bavardages qu'il est ici.

 

Ivo Andrić, La Cour maudite, publication 1954, traduit du serbo-croate par Pascale Delpech, édité en France par Noir sur blanc.

Un petit livre ; une agréable lecture.

Au début du roman, dans un coin paumé de Bosnie, un moine vient de mourir et ses frères font l'inventaire de ses affaires. L'un d'eux se remémore les histoires qu'il racontait, souvenirs d'un lointain séjour dans une prison de Constantinople.

Avec une telle façon de raconter, il restait évidemment des vides et des éléments inexpliqués, mais le jeune homme n'osait pas interrompre le récit pour revenir à eux et poser des questions. Chacun a en effet le droit de raconter à sa guise.

On est à une époque pas très bien définie, quelque part au XVIIIe ou au XIXe siècle. Fra Petar, le moine, passe deux mois dans cette cour fermée, avec un gardien-chef grotesque qui fait régner la terreur, et il se lie d'amitié avec d'autres hommes, échoués là comme lui. C'est que Fra Petar sait écouter. Certains ne disent pourtant rien. D'autres racontent des histoires de femmes. Un homme égaré parle, parle, parle à n'en plus finir, racontant le vrai et le faux. Un jeune homme cultivé de Smyrne raconte l'histoire extraordinaire d'un frère de calife exilé.

Y arrive et y transite tout ce qui est quotidiennement arrêté dans cette ville étendue et surpeuplée, pour cause de délit ou suspicion de délit ; des délits, il y en a beaucoup et de toutes sortes, et la suspicion, elle, se diffuse activement, en long, en large et en profondeur.

En environ 120 pages, Andrić dresse le paysage de cet empire autoritaire et paranoïaque, mais où les hommes semblent s'enfuir eux-mêmes dans leur propre monde de mots, chacun campant un personnage. De Constantinople Fra Petar aura seulement une vision fugitive et nocturne, empreinte de mélancolie.

Grosz, Trois prisonniers jouant aux cartes, 1928, Stiftung Stadtmuseum Berlin

C'est l'hiver, la neige a tout recouvert jusqu'aux portes des maisons, enlevant aux choses leur forme réelle et ne laissant partout qu'une seule couleur et une seule apparence. Dans cette blancheur, le petit cimetière a lui aussi disparu, et seuls les sommets des plus hautes croix émergent de la neige profonde.

C'est le début.

Mais il parlait avec la même vivacité et le même sens du détail de la vie à la Cour en général et des individus intéressants, ridicules, pitoyables, dérangés qui y vivaient ; ils lui étaient plus proches et il les connaissait mieux que les bandits, les assassins et les sinistres criminels qu'il avait évités autant qu'il avait pu.

J'aime bien la petite confusion possible entre la Cour (maudite, celle de la prison) et la Cour (royale, celle du sultan). On a une microsociété avec ses personnages phares et ses figurants de l'arrière-plan, ses lois secrètes et ses préceptes.


Ivo Andrič  sur le blog (tous les livres sont traduits par la même traductrice) :
Le Pont sur la Drina qui m'a laissée sur ma faim.
La Chronique de Travnik qui m'a beaucoup plu.
J'ai essayé de lire Les Contes de la solitude, mais je n'ai pas accroché. Je sais pourtant que le recueil a rencontré un certain succès.