La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 21 janvier 2025

Il ne répondit pas tout de suite et son visage ne prit aucune expression particulière.

 


Flannery O’Connor, Les Braves gens ne courent pas les rues, parution originale 1953, traduit de l’américain par Henri Morisset.

 

Un recueil de nouvelles.

Alors, ce n’est pas très gai. Dans une Amérique modeste, majoritairement rurale (ou de petites villes), on s’exploite, on se truande, on est cruel et sans morale. On fait face à la lassitude et aux contrariétés de l'existence, mais sans bonté d'âme particulière. Et tout est raconté au scalpel.


Elle était trop fatiguée pour dénouer l’étreinte de ses bras autour du sac, ou pour se redresser – elle restait sur place, le buste affalé, la tête posée sur le haut du sac comme un énorme légume rouge.


Nous croiserons donc :

·      Une famille partant en vacances, où tout le monde s’envoie des vannes, et une équipe de tueurs tarés (le ton de cette nouvelle est très particulier, volontiers ironique).

·    Un enfant tout heureux d’échapper à ses parents indifférents le temps d’une journée et de rencontrer un prêcheur qui le baptise.

·      Un homme qui se donne du mal pour se procurer une voiture et partir au loin en plantant là une fille et sa mère qui trouve que ce serait une bonne affaire de se procurer un gendre pour effectuer tout l’entretien des bâtiments.

·      Des adolescentes qui vont à la foire – des gourdes, comme dit Sandrine.

·    Plusieurs personnages handicapés, physiquement ou moralement, ce qui ne les mets pas à l’écart de la condition commune : intéressés mais bêtes, intéressés mais malins.

·      L’omniprésence d’une religion rétrograde qui enferme les gens dans leur quotidien sans espoir ;

·      Une errance longue comme un jour de chaleur dans une ville qui ressemble à un enfer ;

·   Des femmes qui dirigent une ferme, car il y a plusieurs personnages de femmes fortes, mais avec un égoïsme et une dureté de cœur sans pareil – ce qui n’empêche pas de se faire avoir également.

·     Des noirs que tout le monde craint et méprise – on célèbre les grands combats de la guerre de Sécession dans des foires en costume.



Mary Ellen Mark, Tiny, Seattle 1983


O’Connor a une façon de raconter en quelques pages une relation, un rapport de forces qui s’installe, plus ou moins insidieusement. Les personnages semblent n’avoir aucune chance d’échapper à la mécanique qui les laissera, au mieux, seuls et démunis de tout. Le tout dans une langue ciselé.

C’est très noir (et j’avoue que c’est un peu plombant pour le moral).


Lucynell avait une longue robe blanche que sa mère avait exhumée d’une malle, et un panama avec, sur le bord, un bouquet de cerises en bois, d’un rouge éclatant. Par moments, son air placide était troublé par l’apparition furtive de quelque pensée un peu malicieuse, aussi solitaire qu’une pousse verte surgie aux sables du désert.

 

Outre l’expression neutre qu’elle prenait lorsqu’elle était seule, Mrs Freeman en possédait deux autres, l’une en marche avant, l’autre en marche arrière, qu’elle employait dans tous ses rapports avec autrui.

Cette incroyable formule !!!!
 
Sur ce recueil, il y a le billet d’Ingannmic et celui de Sandrine.
Je suis d’accord avec elles deux. C’est brillant et cruel, et pas un personnage ne s’en sort indemne, mais j’ai été manifestement davantage accablée qu’elles. Je crois que j’avais besoin de quelque chose de plus réconfortant (et de fait, aucun réconfort dans ces nouvelles). Je vous conseille de plutôt faire confiance à leurs billets !
 
Ces braves gens (non) rejoignent donc le cortège des bonnes nouvelles de Je lis, Je blogue.




samedi 18 janvier 2025

William Turner

 

William Turner (1775-1851) est une big big star. Et si vous avez visité la Tate Britain, vous connaissez ses spectaculaires paysages. La production de Turner est énorme.

D'ailleurs, j'ai déjà publié un billet à son sujet.

Je me souviens avoir découvert Turner il y a longtemps dans une exposition où il y avait uniquement des aquarelles et des dessins de la Normandie. Le programme du jour sera plus habituel, des paysages, la mer, la lumière.


Londres depuis Greenwich park (1809 Queen house).

Il y a eu sur ce blog un billet enthousiaste sur Greenwich, d'où l'on voit tout Londres et je vous avais déjà montré ce tableau. Au premier plan, le parc à gibier, au milieu les bâtiments de Greenwich et à l'arrière-plan, à l'horizon Londres. Le tout dans un dégradé, du plus réaliste au plus évanescent.



Cockermouth Castle (conservé à Petworth House).
Les châteaux anglais abritent tous (ou presque) des paysages de Turner. C'est vraiment le truc chic (d'ailleurs au mur de ma chambre, il y a un poster d'après une peinture de Turner, c'est vous dire). Le comble est atteint à Petworth House, qui conserve une collection de peintures avec des Turner, mais aussi des peintures que Turner a réalisées sur place, pour le château, à partir du parc du château (un billet enthousiaste sur ce château et son extraordinaire salon sculpté en bois). Bref.
Ici la représentation d'un très beau château en ruines, parce que la ruine anglaise est si évocatrice comme vous le savez. Les vieilles pierres se dressent dans la lumière du petit matin et leur masse sombre se reflète dans l'eau de l'étang.

Vue d'High Street à Oxford (1810 Oxford Ashmolean)
Parce que l'on associe Turner aux paysages vaporeux, voici une représentation très réaliste (mais aux proportions revues) de la rue principale d'Oxford. Les grands collèges flanquent les deux côtés et les dignes universitaires vêtus de noir arpentent la rue.

Matin glacé (1813 Tate Britain)
Un de mes tableaux préférés, avec cette lumière si particulière aux matins d'hiver, quand il y a du soleil, mais qu'il fait si froid. Le sol est dur et gelé. Quelques figures entament les travaux des champs.


Le Mont Saint-Michel en Cornouailles (1834 V&A).

J'espère que tout le monde connaît cet îlot charmant, l'autre Mont Saint-Michel. Représentation réaliste des pêcheurs et de leurs familles, des bateaux et des gestes de la mer, mais à l'arrière plan l'île se dresse, blanche comme l'ivoire, dans un ciel où la lumière tombe d'une trouvée miraculeuse. Les deux registres se mêlent dans le trouble d'une atmosphère commune.



Incendie du Parlement (1834 Philadelphie museum).

Un des chefs d'oeuvre du maître, avec cet éclat de lumière foudroyant. Les tours du Parlement se devinent dans l'éclat du feu et toute la toile est éclairée par l'incendie. Il nous en met plein les yeux.


 

La grotte de Queen Mab (Roméo & Juliette) (1846 Tate).

Homme du XVIIIe siècle, Turner est aussi un romantique (et il a dû lire les romans gothiques anglais). C'est un familier du théâtre et son oeuvre regorge de portraits d'actrices, de scènes de théâtre et de représentations scénographiquement très construites. Ici, dans un décor irréel, une architecture suspendue entre le ciel et l'eau, le trou d'une grotte au premier plan, et des fées qui tournoient. La touche du peintre excelle à rendre cette atmosphère magique - théâtrale, propre à la fiction et aux rêves.


Mercure et Argus (1836 Ottawa), avec un détail. 

On reste dans une lumière magique, pour un sujet mythologique. Le paysage de l'arrière-plan est vraiment digne de Claude Lorrain, un peintre que Turner admirait et connaissait bien. Au premier plan, le bétail broute dans une scène des plus bucoliques et vaguement enchantée.



Un naufrage avec bateaux de pêche (1840 Tate).


Vagues et vent (1840 Tate).
L'on épilogue souvent à propos des peintres anciens sur le thème "déjà de l'abstraction", "l'abandon du sujet", "la couleur pure". Alors évidemment ces peintures, à nos yeux, sont abstraites et ne "figurent" rien. Mais cet exercice est un peu stérile et vide de sens. Turner était peintre et en tant que tel s'intéressait d'abord... à la peinture, j'entends au pinceau, à la pâte, à la couleur, à la lumière. Il n'était pas au courant de la naissance lointaine d'un truc appelé "abstraction". Il a laissé des dizaines d'études, d'esquisses, d'essais, où la peinture à l'huile s'essaie à attraper l'écume et les embruns, les nuages et les jeux de lumière dans les gouttes d'eau et dans l'air humide en mouvement. Ce sont des merveilles de poésie, inséparable de son oeuvre tout entier.
Rien ne nous empêche de voir dans ces peintures la représentation réaliste d'un rivage sous un ciel ombrageux.


La semaine prochaine, quelqu'un que vous connaissez probablement.


jeudi 16 janvier 2025

Alors je décidai que je parlerai d’aujourd’hui, d’une journée avec les gens de la montagne.

 


Mario Rigoni Stern, Hommes, bois, abeilles, parution originale 1980, traduit de l’italien par Monique Baccelli, édité en France par La Fosse aux ours.

 

Un recueil de textes, certains autobiographiques, d’autres dressant le portrait de personnages, l’ensemble campant un monde en voie d’oubli et une région, celle de la montagne entre Italie et Autriche.

Les premiers textes se tiennent pendant la Seconde guerre mondiale et racontent l’interminable retour depuis la Russie ou l’emprisonnement dans un camp.

Il est beaucoup question de chasse, au cerf ou au petit gibier, mais surtout de la marche dans la forêt et dans la neige. L’ancien usage de la chasse à la chouette. Les caractères des différents chiens de chasse.

Les derniers textes parlent des anciens habitants et travailleurs de ces forêts : cabanes des charbonniers, four à chaux, les prés communaux, les bûcherons, les carriers de marbre, les anciennes sociabilités.

C’est un monde peuplé presque exclusivement d’hommes, si j’excepte celles qui apportent la polenta (et je précise aux curieuses que j’aime beaucoup la polenta).

Il est beaucoup question de l’individu seul dans le paysage, mais aussi de sa vie avec les bêtes, sauvages ou domestiques, et avec leur intelligence. Il y a un long texte sur les soins à apporter aux abeilles.

 

La couverture sur la tête, on marchait en silence ; en sortant de la bouche le souffle gelait sur la barbe et sur les moustaches. Mais l’air, la neige et les étoiles aussi semblaient soudés ensemble par le froid. La couverture tirée sur la tête, on continuait à marcher en silence. On s’arrêta, peut-être parce qu’on ne savait pas où aller. Le temps et les étoiles passaient au-dessus de nous, étendus dans la neige.

C’est le tout début.

Peter Vos, Carnet 333 oiseaux, graphite lavis, 1980 Custodia
 

Quand il y arrivait, d’un imperceptible signe de la queue son chien lui faisait comprendre qu’il le sentait prêt, puis, la tête tendue en avant, il lui indiquait où était la bécasse. Et si elle était loin, encre plus doucement, en bougeant une patte à la fois, il l’approchait pour qu’elle ne parte pas, éventuellement dans l’épaisseur du bois. Certaines fois il réussissait à la voir tapie parmi les feuilles du sous-bois, et il aurait même pu la prendre pour une feuille un peu plus grande que les autres sans ces yeux ronds et fixes et ce long bec posé sur la pousse, la tête fendue.

 

Le soir, des centaines d’abeilles épuisées et mortes de chaleur prenaient le frais sur le marchepied de la ruche, comme les paysans qui s’installent sur l’aire au moment des foins ou de la moisson. Et je suis également certain qu’elles se communiquaient quelque chose parce qu’elles se rassemblaient, se flairaient en se faisant face, se dispersaient puis marchaient en petits groupes sur la paroi où se trouve l’ouverture.

 

(La citation du billet correspond à la dernière page du recueil.)

 

Mon premier billet.


Rigoni Stern sur le blog :

Le Sergent dans la neige : la très longue retraite de l'armée italienne en Russie pendant la Seconde guerre mondiale, un chef d'oeuvre
Retour sur le Don : des récits de l'armée italienne dans les confins russo-ukrainiens 
Histoire de Tönle : un berger et son village à la frontière de l'Italie et de l'Empire, au temps de la Première guerre - une évocation très réussie
L'Année de la victoire : l'année 1919 dans ce même village, la reconstruction, mais manquant un peu d'épaisseur






mardi 14 janvier 2025

Je ne passerais pas ma vieillesse à regretter une promenade manquée au phare.

 

Antonio Tabucchi, Le Jeu de l’envers (recueil de nouvelles), parution originale 1981, traduit de l’italien par Lise Chapuis.

 

Des nouvelles qui permettent de se rendre compte du grand art du récit maîtrisé par Tabucchi.

Il n’est pas directement question de Pessoa, mais son nom agit pourtant comme un nom de code ou un signe de reconnaissance.

 

Le Jeu de l’envers. Un narrateur italien, de séjour à Madrid, apprend le décès d’une amie portugaise. Il ne la connaissait pas bien, mais elle le fascinait. Il est question d’enveloppes transportées dans le train par-delà la dictature, mais finalement il découvre quelque chose à ce sujet, mais le lecteur ne comprend pas très bien de quoi il s’agit.

 

Quand Maria do Carmo Meneses de Sequeira mourut, j’étais en train de regarder Las Meninas de Velázquez au musée du Prado. C’était un midi de juillet, et je ne savais pas qu’elle était en train de mourir. Je restais à regarder le tableau jusqu’à midi et quart, puis je sortis en essayant d’emporter, imprimée dans ma mémoire, l’expression de la figure du fond.

C’est le début de la nouvelle et du recueil.

 

De la fenêtre nous parvint le son d’une sirène, c’était peut-être un bateau qui entrait dans le port, et je sentis soudain un immense désir d’être un des passagers de ce bateau, d’entrer dans le port d’une ville inconnue qui s’appelait Lisbonne, et de devoir appeler au téléphone une femme inconnue pour lui dire qu’une nouvelle traduction de Fernando Pessoa venait de paraître, et cette femme s’appelait Maria do Carmo, elle viendrait à la librairie Bertrand vêtue d’une robe jaune, elle aimait le fado et les plats séfarades, et moi je savais déjà tout cela, mais le passager que j’étais et qui regardait Lisbonne du bastingage du bateau ne le savait pas encore, et pour lui tout serait nouveau et identique.

Pardon pour cette longue citation, mais je trouve que cette langue a un charme envoûtant.

 

Il y a aussi une lettre écrite par un homme à sa sœur qu’il n’a pas vue depuis des années. Il raconte comment il est devenu une fabuleuse chanteuse de fado en Argentine.

Une histoire qui prend place au milieu de la forêt tropicale, dans la colonie portugaise du Mozambique, avec un immense acteur de théâtre anglais qui récite du Shakespeare.

 

Mais, à ce moment-là, le duc de Cornouailles se mit à parler. Il avait une voix profonde, troublée, pleine de présages. « Let us wthdraw, t’will be a storm ! » Partons, dit-il, il va y avoir un ouragan. Et ainsi la tragédie reprit de la vigueur, les voix s’animèrent, Gloucester bondit en avant pour dire que le roi était au comble de la fureur, que la nuit avançait et que les vents étaient déchaînés. Et à ce moment-là la voix profonde de Cornouailles, qui semblait résonner dans une immense salle de château aux plafonds très hauts, cria de verrouiller les portes, dans cette nuit de tempête, pour se protéger de l’ouragan.

Vieira da Silva, La Ville au bord de l'eau, 1947 Dijon BA
 

Un adolescent, dans une grande maison sous chaleur de l’été, se rend compte qu’il arrive quelque chose à sa mère. Il en est profondément agacé, mais il préfère ne rien dire, et son malaise irrigue tout le récit – là encore le lecteur en est réduit aux conjectures, avant d’entrevoir, mais ce qui importe, c’est le récit de cette tension intérieure.

 

Mon esprit était ailleurs, il courait, affolé, derrière cette phrase qu’avait prononcée Néna, que j’avais peut-être mal comprise, que j’avais très certainement mal comprise, et dont maman m’aurait dit que je l’avais mal comprise si seulement je le lui avais demandé. Mais le fait est que je n’avais aucune envie de le lui demander.

 

Une nouvelle sur la Riviera en hommage doux-amer à Tendre est la nuit et à Gatsby de Fitzgerald.

 Une délicieuse soirée entre gens chics sur la Riviera, avec un décor japonisant – mais l’argent provient de ventes d’armes en Afrique.

Un rendez-vous en train, manqué.

Un vagabond poète.

 

De Tabucchi, j’ai également lu - deux fois - Pereira prétend, que je vous conseille vivement.

Et maintenant, comme une envie de prendre le train jusqu’à Lisbonne.


Ce sont encore de bonnes nouvelles pour Je lis, Je blogue.





samedi 11 janvier 2025

Weegee - Je n’ai pas de tabou – et mon appareil photo non plus.

 

Ascher Fellig (1899-1968) dit Weegee est un photographe américain.

Né en Galicie dans une famille juive, immigré à New York, il a photographié sa ville de prédilection, ses crimes, sa population, ses flics, mais aussi les studios d’Hollywood. 


J'ai visité au mois de mai une exposition qui lui était consacrée, mais j'ai aussi lu son autobiographie, Weegee par Weegee (traduit de l’anglais par Myriam Anderson, parution originale 1961, édité en France par La Table ronde).

C'est le récit plein d’énergie d’un self-made-man depuis la naissance en Autriche, l’enfance pauvre à New York et puis l’ascension, jusqu’à Hollywood, du photographe star. C’est le récit d’une époque qui est profondément datée et d’un homme qui se vante beaucoup, mais qui a révolutionné la photo, qui photographie les pauvres et les stars, et qui n’a pas eu de vie en dehors de la photo.

 

Ma machine à écrire est cassée. Je n’ai pas de dictionnaire, et je n’ai jamais prétendu avoir le moindre sens de l’orthographe, mais si Shakespeare, Balzac et Dostoïevski y sont arrivés à la dure – à la main – pourquoi pas moi ?



Weegee devant sa machine à écrire installée dans le coffre d'une Chevrolet (NY 1943)


Weegee fut le photographe du crime, des criminels, des tués et de la police. Il louait une chambre derrière le commissariat et avait sa radio branché sur la fréquence de la police (avec son autorisation). Sa voiture était son bureau et son appartement : machine à écrire, appareils photo et tout le nécessaire (les cigares ne devaient pas manquer).



Meurtre à Hell's Kitchen (NY 1941)

C'est le genre de photo qui a fait sa célébrité. Premier sur les lieux, hop photo, puis premier dans les rédactions avec ses clichés.

On l'a accusé de voyeurisme et d'avoir participé à l'essor des tabloïds et de jouer sur le sensationnalisme.


 


Charles Sodokoff et Arthur Webbeer se cachant le visage avec leurs chapeaux (NY 1942) et Henry Rosen et Harvey Stemmer arrêtés (1945 NY).
Un coup de flash dans le panier à salades et vous passez à la postérité. Ces photos sont composées comme des scènes de théâtre et sont immédiatement évocatrices. Ce qui est intéressant, c'est que Weegee a pris des photos tout à fait voyeuristes, a photographié les gens qui cachent leur visage, mais aussi les spectateurs, et puis les stars qui se mettent en scène sous son regard.


Leur premier meurtre (Brooklyn 1941)
De nombreuses photos montrent tout ce qui entoure la scène du meurtre : les policiers, entre leur travail et l'attente, la foule, curieuse et horrifiée, les commerces qui continuent leur vie.

Les affaires marchaient bien. Je me régalais. Les journaux commençaient à compter sur moi. Un bon meurtre par soir, un petit incendie et un hold-up pour faire bonne mesure, et je m’assurais ma ration quotidienne de blintzes, de knishes et de pastrami, avec l’agréable sensation des billes verts pliés dans ma poche.

Cynique le photographe ? Mise en scène de soi ? Weegee a beaucoup photographié les habitants de ces quartiers populaires, mendiants, enfants, vendeurs des rues, ainsi que les asiles de nuit et les cages d'escalier. C'est là d'où il venait. Ils connaissaient ces gens puisqu'il était l'un d'eux.


Simply Add Boiling Water (NY 1943).

Plusieurs photos d'incendie dans ces vieux immeubles mal protégés du feu, avec la foule qui regarde. Le titre ? C'est l'enseigne qui le donne. Et cela peut produire un curieux effet.

Il y a aussi des photos de nudistes (produites pour des nudistes), des photos de mode pour Vogue, des studios de cinéma, des strip-teaseuses… et les diverses commandes des journaux. C’est aussi le créateur de photos déformées ou de caricatures photographiques (je pense à certaines créations de Dalí)  comme cet autoportrait.


C’était l’East Side des années 1920, avec sa maison de jeux de Grand Street, son centre d’hébergement de Henry Street, sa maison des jeunes, ses écoles de musique, ses synagogues, et ses bordels. J’aimais et je fréquentais tous ces endroits.

 

La semaine prochaine, un grand peintre.