La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 7 janvier 2011

2e épisode pédagogique ou comment faire connaissance avec Marcel

Depuis 2006, Antoine Compagnon, professeur au Collège de France, occupe la chaire de littérature. Il a consacré les deux premières années de son cours à Proust. Et les cours du collège sont écoutables, téléchargeables, gratuitement, alors, autant en profiter en cliquant ici.
Le premier s’intitulait Mémoire de la littérature et le second Morales de Proust. Les deux sont palpitants. Un des atouts de ces cours à l’oral, faits en public, c’est que l’humour de Proust apparaît plus qu’à la simple lecture : toutes les mesquineries, les remarques ironiques, les moqueries deviennent très évidentes. L’idéal est sans doute de les écouter alors que l’on a déjà lu tout ou une partie de la Recherche mais je me demande si ce n’est pas bien aussi si on n’a rien lu de Proust, un peu comme une super introduction. Une chose certaine : le site du Collège de France est à explorer de fond en comble !

Et pour donner un exemple promis dans le billet précédent, je cite À l’ombre des jeunes filles en fleurs :

Je crois que soucieuse avant tout qu’une règle d’existence disciplinât les caprices de mes nerfs, ce que [ma mère] regrettait, c’était moins de me voir renoncer à la diplomatie que m’adonner à la littérature. « Mais laisse donc, s’écria mon père, il faut avant tout prendre du plaisir à ce qu’on fait. Or il n’est plus un enfant. Il sait bien maintenant ce qu’il aime, il est peu probable qu’il change, et il est capable de se rendre compte de ce qui le rendra heureux dans l’existence. » En attendant que grâce à la liberté qu’elles m’octroyaient, je fusse, ou non, heureux dans l’existence, les paroles de mon père me firent ce soir-là bien de la peine. […] Mais surtout en parlant de mes goûts qui ne changeraient plus, de ce qui était destiné à rendre mon existence heureuse, il insinuait en moi deux terribles soupçons. Le premier c’était que (alors que chaque jour je me considérais comme sur le seuil de ma vie encore intacte et qui ne débuterait que le lendemain matin) mon existence était déjà commencée, bien plus, que ce qui en allait suivre ne serait pas très différent de ce qui avait précédé. Le second…

Je crois que tout le monde a un jour eu ce genre de révélation sous les yeux. Plus question de se dire « plus tard je ferai ceci ou cela », « quand j’ai un peu plus de temps, je me mets à… », on y est déjà, une partie du « plus tard » a déjà eu lieu et le temps est entamé.

3 commentaires:

Bidule a dit…

Pour montrer qu'on peut laisser des commentaires facilement sur ce blog, démonstration...

Dominique a dit…

Les podcast d'Antoine Compagnon sont un vrai plaisir, et écouter Proust aussi surtout lu par André Dussollier
Je viens de faire connaissance avec ce blog, Twain et Proust c'est plutôt de bonne augure

claudialucia a dit…


Certes le temps est entamé dès que l'on arrive dans ce monde. Mais on peut toujours dire "plus tard" ! Il n'est jamais trop tard, c'est ce que je vais faire avec Proust. Le père a tort : Les goûts évoluent, nous sommes en perpétuel changement et " il y a autant de différences de moi à moi-même que de moi à autrui." dit Montaigne. Arriverai-je jusqu'au bout, c'est autre chose !