La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 9 mars 2012

Les paupières fermées très lentement sur les yeux pour sentir la pluie douce de ce bonheur qui les couvrait, les inondait.


José Luís Peixoto, Le Cimetière de pianos, traduit du portugais par François Rosso, paru en 2006, Paris, Grasset, 2008.

Le 15 janvier dernier, je laissais le micro à Ysabel pour nous parler de ce livre, elle me l’a prêté, je l’ai lu, je suis à mon tour charmée et j’aimerais vous convaincre de le lire.

C’est l’histoire d’une petite famille de Lisbonne, une famille ordinaire, dans ses joies et ses malheurs. Mais tout tient dans la langue, si le livre m’avait appartenu, il aurait été corné de partout.
Il y a deux narrateurs qui se relaient, chacun à la première personne, le père, qui prend la parole juste après sa mort, à l’hôpital. Et Francisco, un de ses fils, juste avant sa mort, lors du marathon de Stockholm.
Chacun d’entre eux raconte sa vie, allant, venant, repartant dans leur mémoire et nous découvrons ainsi l’histoire d’une famille sur plusieurs décennies. Le père travaille dans un atelier de menuiserie, il répare quelquefois les pianos et quand il raconte sa rencontre avec sa future femme, tout semble si heureux. De même Francisco. Et puis il y a les verres à la taverne, les colères, les coups, les trahisons, les incompréhensions, l’impossibilité de prononcer les mots qui pardonnent, les accidents aussi. Cette famille est comme toutes les autres, heureuse et malheureuse, unie et divisée. Mais la langue de ce roman est unique. Très poétique, avançant lentement dans la narration, s’arrêtant sur les bruits, les objets, les couleurs, les sensations, presque prudente dans sa façon délicate de dire les souffrances et les bonheurs.

Je choisissais un piano, je l’ouvrais et je regardais son mécanisme immobile. Et toutes les fois, je ne pouvais m’empêcher de penser que ma vie, diluée dans l’immensité des après-midi, était exactement comme le mécanisme immobile d’un piano : le silence fragile de ses cordes alignées, la perfection géométrique de sa presque mort, sa possible résurrection à un moment qui n’arrivait jamais, un moment simple comme tant d’autres aurait été suffisant, un moment qui pouvait arriver mais qui n’arrivait jamais.


Arman, Chopin's Waterloo, 1961, 
Paris, Centre Georges Pompidou, image RMN




2 commentaires:

  1. Tu m'as au moins convaincue de le noter ;-)

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Nymphette ! Je préférerais t'avoir convaincue de le lire mais bon... c'est un début !

    RépondreSupprimer

N’hésitez pas à me raconter vos galères de commentaire (enfin, si vous réussissez à les poster !).