La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 17 avril 2014

Elle espérait mourir ; mais le chagrin rive la chaîne de notre vie au lieu de la briser.


George Sand, Indiana, 1832.

Un des grands romans de Sand que je ne suis pas certaine d’apprécier totalement.

Indiana est une jeune créole, à la sensibilité trop vive, mal mariée à un vieux colonel de l’armée napoléonienne. Autour d’elle trois personnages d’importance : Noun, la sœur de lait, Ralph l’ami d’enfance et Raymon, le jeune homme à succès.

C’est le roman de ses amours et de ses douleurs, comment une jeune femme a soif d’aimer et d’être aimée, comment elle se trompe, comment elle est abusée, comment un jeune homme croit à ses propres mouvements passionnels à une époque où la femme appartient à l’époux et ne peut avoir qu’une résistance intérieure.

Pourvu qu’il respecte religieusement la vie et la bourse de ses concitoyens, on ne lui demande pas compte d’autre chose. Il peut battre sa femme, maltraiter ses gens, ruiner ses enfants, cela ne regarde personne. La société ne condamne que les actes qui lui sont nuisibles ; la vie privée n’est pas de son ressort.

La peinture de la société n’est guère glorieuse. Paris est le lieu des masques et des stratèges. Les petites villes de province sont le lieu des rumeurs malsaines et du poids des conventions sociales étouffantes et accusatrices. Le bonheur ne se trouve qu’en l’île Bourbon, loin des êtres humains,  dans la nature généreuse capable de se régénérer face à toutes les adversités.
 
Steck, Ophélie, vers1894, Paris, Petit Palais, M&M
Chez elle, tout se rapportait à une certaine faculté d’illusions, à une ardente inspiration vers un point qui n’était ni le souvenir, ni l’attente, ni l’espoir, ni le regret, mais le désir dans toute son intensité dévorante. Elle vécut ainsi des semaines et des mois sous le ciel des tropiques, n’aimant, ne connaissant, ne caressant qu’une ombre, ne creusant qu’une chimère.

J’avoue avoir lu le livre dans un grand état de fatigue et n’avoir guère été intéressée par les personnages. De façon générale, je n’aime pas trop ceux qui s’aveuglent trop sur eux-mêmes et les autres. J’ai été plus intéressée par ce portait de la société humaine et par l’hymne à la retraite dans la nature. Sand a fait le choix d’héroïnes créoles et de placer une partie de l’action dans l’île Bourbon, lieu où une femme peut se promener seule pour aller contempler l’horizon. Les passions douloureuses s’y endorment et peuvent espérer cicatriser.

Noun et Indiana sont dans l’incapacité de s’adapter aux exigences sociales de la métropole, comme de se résoudre à n’être que des objets obéissants. Les femmes sont victimes du manque d’éducation et du mépris dans lequel elles sont tenues, Sand décrit cette situation avec dureté et sans angélisme. Indiana est à plusieurs reprises désignée comme une lectrice de romans, avide d’amours romanesques, parce qu’elle érige l’amour en valeur suprême. On ne peut s’empêcher de penser qu’Indiana et Sand ont lu toutes deux La Nouvelle Héloïse, Paul et Virginie et sans doute Manon Lescaut.

Raymon fut tenté d’avoir peur de ce sang-froid et de prendre au mot ces folles menaces ; et puis il se retrancha dans l’opinion où il était qu’Indiana ne l’aimait point, et qu’elle appliquait maintenant à sa situation l’exagération des sentiments qu’elle avait puisée dans les livres.

Ce roman m’a fait penser à la Relation d'un voyage chez les Sauvages de Paris qui portait la même opposition entre civilisation moderne urbaine et un monde primitif rêvé.
Enfin, hymne à la liberté, le roman rappelle discrètement les horreurs de l’esclavage.

Les hommes, et les amants surtout, ont la fatuité innocente de vouloir protéger la faiblesse plutôt que d’admirer le courage chez les femmes. L’avouerai-je ? Raymon se sentit épouvanté de tout ce qu’un esprit si intrépide promettait de hardiesse et de ténacité en amour.





6 commentaires:

Eimelle a dit…

je l'ai lu l'année dernière, et j'avais bien accroché dans l'ensemble, même s'il me semble avoir lu qqs pages en diagonale... !
bonne journée!

Anonyme a dit…

Oui Sand a bien lu et relu Rousseau qu'elle aimait beaucoup et effectivement elle s'est inspiré de Paul et Virginie !
A chaque fois que je lis un billet sur ce roman je me dis qu'il faudrait que je le relise encore. Il comprend déjà tous les grands thèmes de Sand : la place de la femme, le mariage, l'intelligence du coeur, la nécessité de la nature, la toute puissance masculine et bien sûr le romantisme surtout en 1832 ;) avec la touche d'exotisme ! Merci pour cette lecture !

Syl. a dit…

Je me souviens l'avoir lu un hiver, dans une quiétude toute chaude, seule, sans bruit... et j'ai dévoré le roman... Certains portraits ne m'ont pas plu, mais je garde un bon souvenir de l'ensemble.

nathalie a dit…

George : j'ai constaté à plusieurs reprises ce goût pour Rousseau, reste d'une éducation sous le signe du XVIIIe !
Eimelle : reconnaissons quelques longueurs en effet.
Syl : en effet, les personnages ne me semblent pas si réussis que l'ambiance générale.

Tania a dit…

C'est son premier roman signé George Sand et elle y dénonce les conventions de l'époque à l'égard des femmes - c'est surtout le point de vue de la romancière sur ses personnages qui m'a intéressée dans "Indiana".

nathalie a dit…

Tania : j'ai vu ces infos sur le contexte mais ce n'est pas ce qui m'intéresse le plus. J'ai souvent du mal avec ses personnages et leurs tergiversations sans fin...