Le fromage
Assis sur le bord d'un chantier
Avec des gens de mon métier,
C'est-à-dire avec une troupe
Qui ne jure que par la coupe,
Je m'écrie, en lâchant un rot :
Béni soit l'excellent Bilot !
Il nous a donné un fromage
À qui l'on doit bien rendre hommage.
Ô Dieu ! quel manger précieux !
Quel goût rare et délicieux !
Qu'au prix de lui ma fantaisie
Incague la sainte Ambroisie !
Ô doux Cotignac de Bacchus !
Fromage, que tu vaux d'écus !
Je veux que ta seule mémoire
Me provoque à jamais à boire.
À genoux, Enfants débauchés,
Chers confidents de mes péchés,
Sus ! qu'à pleins gosiers on s'écrie
Béni soit le terroir de Brie ;
Béni soit son plaisant aspect,
Qu'on n'en parle avec respect,
Que ses fertiles pâturages
Soient à jamais exempts d'orages ;
Que Flore avec ses beaux atours,
Exerçant mille amoureux tours
Sur une immortelle verdure,
Malgré la barbare froidure
Au visage morne et glacé,
Y tienne à jamais enlacé
Entre ses bras plus blancs qu'albâtre
Le gai printemps qui l'idolâtre,
Que, comme autrefois, Apollon
Délaisse torche et violon,
Et s'en vienne dans ces prairies
Dans ces grandes plaines fleuries,
Garder en guise de Vacher
Un troupeau qui nous est si cher
Et dont la mammelle féconde
Fournit du lait à tout le monde.
(...) Encore un coup, donc compagnons,
Du bon Denis les vrais mignons,
Sus ! quà plein gosier on s'écrie,
Bénit soit le terroir de Brie.
Pont l'Évesque arrière de nous,
Auvergne et Milan cachez-vous,
C'est lui seulement qui mérite
Qu'en or sa gloire soit écrite :
Je dis encor avec raison,
Puisqu'il ferait comparaison
De ce fromage que j'honore,
À ce métal que l'homme adore :
Il est aussi jaune que lui,
Toutefois ce n'est pas d'ennui,
Car si tôt que le doigt le presse
Il rit et se creuse de graisse.
Ô combien sa propriété
Est nécessaire à la santé !
Et qu'il a de vertus puissantes
Pour les personnes languissantes.
Rien n'est de si confortatif,
C'est le meilleur préservatif
Qu'en ce temps malade et funeste
On puisse avoir contre la Peste.
Mais cependant que je discours
Ces Goinfres-ci brisent toujours,
Et voudraient qu'il me prît envie
De babiller toute ma vie,
Holà, Gourmands, attendez-moi :
Pensez-vous qu'un mangez de Roi
Se doive traiter de la sorte
Que votre appétit vous emporte ?
Chaque morceau vaut un ducat,
Voire six verres de muscat,
Et vos dents n'auront point de honte
D'en avoir fait si peu de conte ?
Assis sur le bord d'un chantier
Avec des gens de mon métier,
C'est-à-dire avec une troupe
Qui ne jure que par la coupe,
Je m'écrie, en lâchant un rot :
Béni soit l'excellent Bilot !
Il nous a donné un fromage
À qui l'on doit bien rendre hommage.
Ô Dieu ! quel manger précieux !
Quel goût rare et délicieux !
Qu'au prix de lui ma fantaisie
Incague la sainte Ambroisie !
Ô doux Cotignac de Bacchus !
Fromage, que tu vaux d'écus !
Je veux que ta seule mémoire
Me provoque à jamais à boire.
À genoux, Enfants débauchés,
Chers confidents de mes péchés,
Sus ! qu'à pleins gosiers on s'écrie
Béni soit le terroir de Brie ;
Béni soit son plaisant aspect,
Qu'on n'en parle avec respect,
Que ses fertiles pâturages
Soient à jamais exempts d'orages ;
Que Flore avec ses beaux atours,
Exerçant mille amoureux tours
Sur une immortelle verdure,
Malgré la barbare froidure
Au visage morne et glacé,
Y tienne à jamais enlacé
Entre ses bras plus blancs qu'albâtre
Le gai printemps qui l'idolâtre,
Que, comme autrefois, Apollon
Délaisse torche et violon,
Et s'en vienne dans ces prairies
Dans ces grandes plaines fleuries,
Garder en guise de Vacher
Un troupeau qui nous est si cher
Et dont la mammelle féconde
Fournit du lait à tout le monde.
(...) Encore un coup, donc compagnons,
Du bon Denis les vrais mignons,
Sus ! quà plein gosier on s'écrie,
Bénit soit le terroir de Brie.
Pont l'Évesque arrière de nous,
Auvergne et Milan cachez-vous,
C'est lui seulement qui mérite
Qu'en or sa gloire soit écrite :
Je dis encor avec raison,
Puisqu'il ferait comparaison
De ce fromage que j'honore,
À ce métal que l'homme adore :
Il est aussi jaune que lui,
Toutefois ce n'est pas d'ennui,
Car si tôt que le doigt le presse
Il rit et se creuse de graisse.
Ô combien sa propriété
Est nécessaire à la santé !
Et qu'il a de vertus puissantes
Pour les personnes languissantes.
Rien n'est de si confortatif,
C'est le meilleur préservatif
Qu'en ce temps malade et funeste
On puisse avoir contre la Peste.
Mais cependant que je discours
Ces Goinfres-ci brisent toujours,
Et voudraient qu'il me prît envie
De babiller toute ma vie,
Holà, Gourmands, attendez-moi :
Pensez-vous qu'un mangez de Roi
Se doive traiter de la sorte
Que votre appétit vous emporte ?
Chaque morceau vaut un ducat,
Voire six verres de muscat,
Et vos dents n'auront point de honte
D'en avoir fait si peu de conte ?
(...) Réponds, toi qui fais le Devin,
Crois-tu qu'un manger si divin,
Vienne d'une Vache ordinaire ?
Non, non, c'est chose imaginaire.
Quant à moi je crois qu'il soit fait
De la quintessence du lait
Qu'on tira d'Io transformée,
Qui fut d'un Dieu la bien aimée,
Garçons pour vous en assurer,
Je ne craindrai pas d'en jurer,
Puisque sans contredit je trouve
Que sa vieillesse me le prouve.
Ô doux Cotignac de Bacchus,
Fromage, que tu vaux d'écus !
Je veux que ta seule mémoire
Me provoque à jamais à boire.
Verse laquais.
Vienne d'une Vache ordinaire ?
Non, non, c'est chose imaginaire.
Quant à moi je crois qu'il soit fait
De la quintessence du lait
Qu'on tira d'Io transformée,
Qui fut d'un Dieu la bien aimée,
Garçons pour vous en assurer,
Je ne craindrai pas d'en jurer,
Puisque sans contredit je trouve
Que sa vieillesse me le prouve.
Ô doux Cotignac de Bacchus,
Fromage, que tu vaux d'écus !
Je veux que ta seule mémoire
Me provoque à jamais à boire.
Verse laquais.
Saint-Amant, "Le Fromage", Les Œuvres du sieur de Saint-Amant, augmentées, Rouen, J. Boulley, 1642 et François Bonvin, Nature morte au brie, 1863, musée d'Orsay.
Dédicace spéciale à David (qui est de Meaux).
Ah, drôle, ce poème !
RépondreSupprimerJ'ai signalé ton blogue dans mon article d'hier consacré à Marcel :
http://doudou.gheerbrant.com/?p=15301
Bon week-end, Nathalie :-) !
Oui, j'ai vu, merci du clin d'oeil.
RépondreSupprimerquel hommage au fromage ! il donne faim ^^
RépondreSupprimerIls sont très forts ces gens du XVIIe, il a aussi composé un poème sur le melon qui est plus connu.
RépondreSupprimer