Annie Ernaux, La Place, Paris, Gallimard, 1983.
Le seul livre pour le moment que
j’ai lu d’Annie Ernaux (grâce à Sylvie, merci !). Un texte biographique où
elle décrit la vie de son père et de ses parents, sans que cela ne soit un
récit continu. Des bribes, des souvenirs, rapportés dans une écriture presque
froide, d’une sobriété qui signe les émotions impossibles à dire.
Le père d’Annie Ernaux a tenu un
bistrot à Yvetôt en Normandie et a mis tous ses espoirs en la réussite des
études de sa fille. Elle passe les concours d’enseignement, elle quitte le
milieu familial, acquiert par l’apprentissage une culture étrangère, elle vit
cette acculturation comme un exil/une fuite/une conquête. Et dorénavant son
père entretient avec elle une relation ambivalente : fierté et admiration,
envie et jalousie.
L’écriture d’Ernaux est
fragmentaire, nourrie par les italiques, c’est un monde de langage,
d’expressions trahissant des habitudes mentales. Si il y a peu d’affects
exprimés, j’ai été très touchée par ce livre qui dit comment la culture et
l’ascension sociale, dans notre pays, peuvent être vécus dans la douleur et
l’incompréhension.
Aux vacances d’été, j’invitais à
Y… une ou deux copines de fac, des filles sans préjugés qui affirmaient « c’est le cœur qui
compte ». Car, à la manière de ceux qui veulent prévenir tout regard
condescendant sur leur famille, j’annonçais : « Tu sais chez moi
c’est simple. » Mon père
était heureux d’accueillir ces jeunes filles si bien élevées, leur parlait
beaucoup, par souci de politesse évitant de laisser tomber la conversation,
s’intéressant vivement à tout ce qui concernait mes amies. La composition des
repas était source d’inquiétude, « est-ce que mademoiselle Geneviève aime les tomates ? ». Il se
mettait en quatre. Quand la famille d’une de ces amies me recevait, j’étais
admise à partager de façon naturelle un mode de vie que ma venue ne changeait
pas.
Ici un entretien d'Annie Ernaux
J'ai lu "la place" quand le livre est sorti.
RépondreSupprimerelle avait été invitée à apostrophes.
je sais qu'à l'époque le livre m'a émue. je le trouvais trés trés juste.
cette différence de classe n'a pas changé.et l'arrogance des bien nés
est tjs là.
Mais elle ne parle pas de "l'arrogance des bien nés", ce qui l'intéresse c'est la fracture au sein de sa propre famille, ce qui est bien différent. Mais oui, le livre est très juste.
RépondreSupprimerc'est quand même sous-entendu.
RépondreSupprimeril y a un décalage trés fort entre ce qui est dit par les gens de la classe à laquelle elle accède par ses études : simplicité... et ce qui est vécu par les gens sans éducation , les petites gens en proie à une gêne "de classe" par comparaison quand ils se comparent , ce que fait le père d'Annie. Une grande dame !
j'avais écrit autre chose et j'ai eu deux fois la même chose.
RépondreSupprimerdommage tu n'auras pas la suite! de toutes façons elle ne t'aurait pas plu!
J'ai supprimé le commentaire en double (et tu as le droit d'écrire des choses qui me plaisent pas). Je suis d'accord avec toi, je voulais juste dire que ce roman ne porte pas sur les bien nés, elle en parle mais de façon accessoire. C'est important, c'est un roman sur les petites gens.
RépondreSupprimerUn roman que j'avais trouvé très dur, en le lisant il y a quelques années.
RépondreSupprimerOui, c'est vrai. Il est même brutal par certains aspects, il y a une vraie violence dans cette déchirure familiale.
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