Nick Stone, Tonton Clarinette, traduit de l’anglais par Marie Ploux et Catherine
Cheval, 1e éd. 2006, Paris, Gallimard, 2008.
Un titre suggéré par Anne au
moment où je cherchais à trouver un roman en rapport avec la clarinette avec
cette précision : « je ne suis pas sûre que ça parle vraiment de
clarinette ». Ah bien, effectivement, les 10 lignes consacrées à la
clarinette ne sont pas vraiment à l’honneur de cet instrument. Mais c’est un
très bon polar.
Le héros est Max Mingus, un privé
de Miami qui sort d’une période un peu difficile. Il accepte une mission
infaisable : retrouver Charlie Carver, un enfant kidnappé sur l’île
d’Haïti. L’affaire est ancienne, l’île est sous la double occupation des
troupes américaines et de celles de l’ONU (on est avant le tremblement de
terre), tout indique que l’enfant a été massacré mais Mingus débarque car il
n’a guère le choix… L’intrigue en elle-même n’est pas mal foutue du tout, de
bons retournements de situations et une atmosphère bien campée. La langue est
de bonne tenue, les images sont originales sans être folkloriques (sauf qu’une
comparaison, même très bonne, n’a pas vocation à être reprise trois fois en 600
pages).
Mais le livre vaut surtout par
son évocation d’Haïti. C’est la première fois que je lis quelque chose sur
cette île même si les documentaires et reportages n’ont pas manqué. Je dois
dire qu’il s’agit des pages les plus impressionnantes, sans doute parce que
l’intrigue est à la cool, on peut se concentrer sur les descriptions du
quotidien le plus simple des Haïtiens. La ruine, les enfants qui mangent de la
terre comme repas, les routes défoncées, les véhicules luxueux qui côtoient les
épaves, les maisons et leurs réutilisations, les rapports sociaux entre
richissimes propriétaires et population asservie, le vaudou, la nature
luxurieuse et Cité-Soleil. Ce sont des choses connues, pas de révélation ici,
mais décrites avec précision dans les moindres détails et donc très frappantes.
C’est pourquoi je conseille vivement la lecture de ce polar.
On aurait dit une armée en
déroute, un peuple conquis, brisé, qui se traînait vers un non-avenir. C’était
Haïti, à peine sorti de l’esclavage. Nombre de ces gens poussaient des
carrioles bricolées avec des planches, des morceaux de tôle ondulée et des
pneus bourrés de sable, tandis que d’autres portaient sur la tête ou l’épaule
de grands paniers tressés et de vieilles valises. Les animaux se mêlaient
librement à la foule, à égalité. Il y avait des cochons noirs, des chiens
brûlés par le soleil, des ânes, des chèvres squelettiques, des vaches aux côtes
protubérantes, des poulets.
Malgré la faible place de la
musique dans le roman, sa présence dans le titre me permet de valider cette
lecture dans le cadre du challenge d’Anne Des mots et des notes.Vous pouvez aussi lire l'avis de Miss Alfie et un entretien de l'auteur.
Nota Bene : quand on fait
l’apologie du « printemps arabe » on remonte volontiers à la Révolution
française (c’est tellement flatteur), laquelle est tout autant volontiers
raccrochée à la Révolution américaine (ah, cet hymne à la liberté !) ou
anglaise (enfin, un vrai parlement). Il est toujours de bon ton d’
« oublier » la Révolution haïtienne, on se demande bien pourquoi.
Oui, ça aussi, ça m’énerve.
vrai pour la révolution haitienne.
RépondreSupprimersinon je te conseille de lire sur Toussaint Louverture .
et le serpent à plumes a publié les premiers livres de Laferrière sur Haiti sur la touffeur du pays, l'inertie et les superstitionS.
LIONEL TROUILLOT pour la cité soleil....Ayant vécu 3 ans en Guadeloupe je connais bien la littérature antillaise. je te conseille aussi Maryse Condé et Chamoiseau.
Pour être honnête, pour le moment, je ne suis pas très intéressée par les Caraïbes, cela viendra sans doute car je sais qu'il y a de très grands écrivains dans cette région du monde.
RépondreSupprimerEn effet, il n'y a guère de musique... :)
RépondreSupprimersi tu veux lire un excellent livre qui montre aussi les clichés et autres idées reçues sur Haïti je tiens à ta disposition "La belle amour humaine" d Lyonel Trouillot, son écriture imagée et poétique, des réflexions intéressantes ! Les Caraïbes ne m'intéressent plus beaucoup (enfin j'en ai fait un peu le tour on va dire) et ce livre m'a transportée ! Tu me diras quand tu le voudras, je te l'enverrai avec plaisir^^ Bises
RépondreSupprimerAnne : en effet. En réalité je compte lire les Nocturnes d'Ishiguro pour ton challenge, histoire d'avoir une vraie participation ! Patience...
RépondreSupprimerAsphodèle : pareil, ça ne m'intéresse pas tellement, du coup c'était une bonne surprise. En plus dans un polar, c'est inattendu.
Comment, pas de musique en Haïti? Et Toto Bissainthe alors?!
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé Laferrière, Tout bouge autour de moi et Vers le sud. Parmi les clichés, il faut aussi dire que les haïtiens sont de très bonne humeur et encore qu'ils sont très artistes. Leur artisanat, leurs peintres (plus ou moins naïfs) en témoignent. Je note le Nick Stone, ça m'intéresse. Merci!
C'est comme ça, le livre parle un peu de musique mais un peu seulement....
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