La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 6 janvier 2012

Elle était la mère, investie en tant que telle d’une autorité mystérieuse et incontestable.*


* « Et Doughnut, maman ? – un des chats des granges. Elle a eu trente chatons, quel genre d’autorité cela lui donne-t-il ? »

Joyce Carol Oates, Nous étions les Mulvaney, traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude Seban, 1e éd. 1996, Paris, Stock, 1998.
Un livre que j’ai eu du mal à lire, mais en raison de sa qualité…

Le narrateur principal est Judd, le dernier né de la famille Mulvaney, mais en réalité les points de vue vont osciller tout au long du roman entre certains des membres de la famille. L’histoire est globalement rétrospective mais les souvenirs des uns et des autres vont d’avant en arrière et on en vient à douter de la chronologie exacte du tableau.
Les Mulvaney, le père entrepreneur et couvreur, la mère Corinne avec ses cheveux carottes, les quatre enfants Mike, Patrick l’intello timide, Marianne la fille parfaite et Judd, arrivé en dernier, qui ne possède pas les souvenirs de tout le monde mais seulement des bribes et des photos. La maison gigantesque, les animaux, chiens, chats, chevaux, oiseaux, biches, etc. La famille que tout le monde envie dans les environs. Jusqu’à un certain jour de 1976 où quelque chose arrive à Marianne… un viol.
À partir de là, tout se met à aller mal. Car la faute est sur la fille et la honte retombe sur toute la famille, peu à peu exclue de la vie sociale du comté. Parce que le père ne peut plus regarder sa fille, qui est quasiment chassée de la maison. Etc, etc.

Wesselman, Bedroom painting n°31, 1973, Grenoble,
musée municipal, image M&M

   Il s’agit d’une histoire très violente, pas physiquement, mais affectivement et moralement, ce qui en rend la lecture plutôt éprouvante. Aucun personnage n’est intact, tous, terriblement humains, oscillent, hésitent, font ce qu’ils peuvent. Certains sont insupportables (le père), d’autres attachants malgré tout (cette pauvre Marianne, Corinne, Judd) mais Oates parvient malgré à rendre magnifiquement ce qu’est une famille, ses liens et ses imbrications. Les personnages n’existent pas seuls mais sont en constante relation les uns avec les autres. Le thème de la famille est fréquent chez Oates (Bellefleur ; Petite sœur, mon amour), elle indique à plusieurs reprises combien la famille est importante en Amérique mais ce qu’elle écrit est proprement universel.
Une lecture très forte, vaut mieux être en forme.

Toute mon enfance, j’ai été le bébé de la famille Mulvaney. Dans une famille pareille, c’est se savoir le dernier fourgon d’un long train rugissant. Ils m’aimaient si fort, quand ils consentaient à faire attention à moi, que j’étais comme ébloui par une lumière intense, incandescente, qui pouvait s’éteindre soudainement et me laisser dans les ténèbres. J’avais du mal à déterminer qui j’étais, si j’avais un nom ou plusieurs, tous affectueux et souvent moqueurs, comme « Fossette », « Mon-Joli », « Grognon », ou encore « Ranger » – mon préféré.

Vous pouvez lire les avis enthousiastes de George et de Dominique.






5 commentaires:

  1. Une auteure que j'aime beaucoup, même si certains de ses romans me restent hermétique.

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  2. Oui je ne lirai certainement pas tout, son univers est à la fois très fort et très particulier.

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  3. Beau billet enthousiaste qui m'encourage à découvrir cette auteure cette année, je vais bientôt recevoir "Délicieuse pourritures " oaich pour un premier contact, c'est hard !^^) mais bon ! :)

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  4. Merci pour ce billet. J'envisage de le lire du coup, même s'il ne semble pas hilarant, il devrait être très touchant. Mais d'abord, je termine mon truc sur les épluchures de patates :-))

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  5. Aspho : je crois que je n'ai lu que deux livres d'elle pour le moment, mais je suis encouragée à piocher dans sa bibliographie.
    Stella : ce n'est pas évident à lire mais c'est assez fort en effet.

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