* « Et Doughnut, maman ? – un des chats des granges. Elle a eu trente chatons, quel genre d’autorité cela lui donne-t-il ? »
Joyce Carol Oates, Nous étions
les Mulvaney, traduit de l’anglais
(États-Unis) par Claude Seban, 1e éd. 1996, Paris, Stock, 1998.
Un livre que j’ai eu du mal à
lire, mais en raison de sa qualité…
Le narrateur principal est Judd,
le dernier né de la famille Mulvaney, mais en réalité les points de vue vont
osciller tout au long du roman entre certains des membres de la famille.
L’histoire est globalement rétrospective mais les souvenirs des uns et des
autres vont d’avant en arrière et on en vient à douter de la chronologie exacte
du tableau.
Les Mulvaney, le père
entrepreneur et couvreur, la mère Corinne avec ses cheveux carottes, les quatre
enfants Mike, Patrick l’intello timide, Marianne la fille parfaite et Judd,
arrivé en dernier, qui ne possède pas les souvenirs de tout le monde mais
seulement des bribes et des photos. La maison gigantesque, les animaux, chiens,
chats, chevaux, oiseaux, biches, etc. La famille que tout le monde envie dans
les environs. Jusqu’à un certain jour de 1976 où quelque chose arrive à
Marianne… un viol.
À partir de là, tout se met à
aller mal. Car la faute est sur la fille et la honte retombe sur toute la
famille, peu à peu exclue de la vie sociale du comté. Parce que le père ne peut
plus regarder sa fille, qui est quasiment chassée de la maison. Etc, etc.
Wesselman, Bedroom painting n°31, 1973, Grenoble, musée municipal, image M&M |
Il s’agit d’une histoire très
violente, pas physiquement, mais affectivement et moralement, ce qui en rend la
lecture plutôt éprouvante. Aucun personnage n’est intact, tous, terriblement
humains, oscillent, hésitent, font ce qu’ils peuvent. Certains sont
insupportables (le père), d’autres attachants malgré tout (cette pauvre
Marianne, Corinne, Judd) mais Oates parvient malgré à rendre magnifiquement ce
qu’est une famille, ses liens et ses imbrications. Les personnages n’existent pas
seuls mais sont en constante relation les uns avec les autres. Le thème de la
famille est fréquent chez Oates (Bellefleur ; Petite sœur, mon amour),
elle indique à plusieurs reprises combien la famille est importante en Amérique
mais ce qu’elle écrit est proprement universel.
Une lecture très forte, vaut
mieux être en forme.
Toute mon enfance, j’ai été le
bébé de la famille Mulvaney. Dans une famille pareille, c’est se savoir le
dernier fourgon d’un long train rugissant. Ils m’aimaient si fort, quand ils
consentaient à faire attention à moi, que j’étais comme ébloui par une lumière
intense, incandescente, qui pouvait s’éteindre soudainement et me laisser dans
les ténèbres. J’avais du mal à déterminer qui j’étais, si j’avais un nom ou
plusieurs, tous affectueux et souvent moqueurs, comme « Fossette »,
« Mon-Joli », « Grognon », ou encore « Ranger » –
mon préféré.
Une auteure que j'aime beaucoup, même si certains de ses romans me restent hermétique.
RépondreSupprimerOui je ne lirai certainement pas tout, son univers est à la fois très fort et très particulier.
RépondreSupprimerBeau billet enthousiaste qui m'encourage à découvrir cette auteure cette année, je vais bientôt recevoir "Délicieuse pourritures " oaich pour un premier contact, c'est hard !^^) mais bon ! :)
RépondreSupprimerMerci pour ce billet. J'envisage de le lire du coup, même s'il ne semble pas hilarant, il devrait être très touchant. Mais d'abord, je termine mon truc sur les épluchures de patates :-))
RépondreSupprimerAspho : je crois que je n'ai lu que deux livres d'elle pour le moment, mais je suis encouragée à piocher dans sa bibliographie.
RépondreSupprimerStella : ce n'est pas évident à lire mais c'est assez fort en effet.