Honoré de Balzac, Le Colonel
Chabert, 1832.
J’avais un souvenir vague de ce
roman, ne me rappelant que l’intrigue : le colonel Chabert a été déclaré
mort lors d’une bataille napoléonienne et sa femme s’est remariée. Le colonel
revient misérable, ne parvient pas à recouvrer son nom ni ses biens et sa femme
continue sa trajectoire vers la fortune.
Qu’a apporté cette deuxième
lecture ?
D’abord une prosaïque bonne
surprise : c’est très court ! Selon les éditions de 85 à 125 pages,
rien du tout.
Je gardais un souvenir sombre et
humide (oui) de ce roman sans doute à cause du début. J’ai relu Le Colonel
Chabert dans le cadre du challenge Justice de Yuko car nous plongeons dans les arcanes des notaires et des avoués. Le
pauvre colonel s’adresse à l’honnête Derville pour faire reconnaître ses droits. Mais les perspectives d’un procès, les détails des
mouvements de fortune entre la Révolution, l’Empire, la Restauration et la
Monarchie de Juillet campe un monde de procéduriers âpres au gain. Plus généralement, les romans de Balzac
font la part belle aux hommes du droit (héritages à contester, faillites, escroqueries,
spéculations) qu’ils soient honnêtes ou véreux – le droit étant souvent une arme
pour les puissants leur permettant d’abattre légalement un adversaire.
J. Villon, Clerc de notaire assis
de dos, 1894, Centre Georges
Pompidou, image RMN.
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Je n’avais pas de souvenir très
précis du personnage du colonel Chabert. Il m’apparaît finalement assez
contrasté. Il porte tout d’abord en lui le prestige de l’armée napoléonienne
qui a conquis l’Europe et subi de grandes souffrances, qui ne peut s’adapter
au monde bourgeois et matérialiste
de la Révolution de Juillet. Il est à la fois un peu naïf, d’une grande hauteur
d’âme, désabusé et résigné devant l’injustice qui lui est faite.
Mais je regarde différemment le
personnage de la comtesse, ex-épouse Chabert. J’avais en tête une femme dure et
sans cœur, impitoyable, ce qu’elle est effectivement. Mais aujourd’hui je vois
aussi la situation faite aux femmes au XIXe siècle, des biens
meubles dépendant du bon vouloir de leur époux. La comtesse est cynique mais
sait que si elle ne veut pas finir à l’hospice ni perdre ses enfants, elle doit
manœuvrer sans une ombre d’émotion. Sans aucun doute une garce mais il est un
peu facile d’en faire la grande coupable.
Cette Étude obscure, grasse de
poussière, avait donc, comme toutes les autres, quelque chose de repoussant
pour les plaideurs, et qui en faisait une des plus hideuses monstruosités
parisiennes.
Pour conclure je dirais que Le Colonel Chabert fait partie des très bons Balzac, sans longue description, enlevé et vivant, aux personnages plus ambigus qu’il n’y paraît, et dont il est difficile de tirer une leçon univoque.
Par ailleurs ceci est ma participation au Challenge Justice de Yuko (challenge accompli !) et une nouvelle au Challenge Balzac de Marie.
Pour une lecture approximative, vous avez été drôlement synchro toutes les deux! Et moi je suis encore à la bourre!
RépondreSupprimerTu as eu une vision du roman différente de celle de George mais tout aussi intéressante. C'est chouette de pouvoir comparer les avis.
Marie a raison sans nous consulter on publie le même jour : les grands esprits ;) !
RépondreSupprimerJ'aime ta lecture plus historique que la mienne ! quant à la Comtesse je n'ai guère de compassion pour cette femme manipulatrice, mais ton point de vue se défend très bien !
Ton billet n'est pas "approximatif" lui ! Et m'éclaire cette histoire sous un jour différent... Sûre qu'à cette époque les femmes avaient intérêt à rester vénales, aujourd'hui elles le sont par intérêt tout court, mais il en reste pas mal des Colonelles... :)
RépondreSupprimerHé ho BS exagère là, il nous faut taper DEUX mots maintenant pour "prouver qu'on n'est pas un robot" ! Un blog n'est pas une banque suisse non plus, ho ! :lol:
RépondreSupprimerJe suis tout à fait d'accord avec ce que dit George mais c'est vrai que j'ai mis en avant mon "ressenti" de relecture. Je ne peux pas dire que la comtesse me soit sympathique (non, vraiment pas) mais je suis plus mesurée qu'à mon adolescence.
RépondreSupprimerAspho : les progrès des robots sont tels que les humains doivent taper des trucs illisibles en effet ! Tu parles d'un progrès !
Petite parenthèse pas sérieuse du tout : Tu es taguée ! avec mes salutations...
RépondreSupprimerje viens de voir, je suis en train de rédiger ça...
RépondreSupprimerJe viens de voir une expression que Flaubert utilise dans Madame Bovary : " grasse de poussière " . Balzac fut un exemple pour tant d'écrivains !
RépondreSupprimerJ'ai lu Le colonel Fabert après avoir vu son adaptation au cinéma il y a une quinzaine d'années, comme quoi le ciné fait lire, et le film m'a semblé bien restituer le livre, ce qui n'est pas toujours le cas.
Bon week-end !
"Grasse de poussière" : je ne connaissais pas cette expression mais elle s'applique TB à l'étude notariale balzacienne.
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