J’ai assisté vendredi dernier à
l’opéra La Chartreuse de Parme, composé
par Henri Sauguet en 1939 d’après le roman de Stendhal. Je ne suis pas critique
d’opéra mais je vais tout de même essayer de vous en parler.
(pour les distraits mon billet sur le roman)
Je commence par le livret
d’Armand Lunel. Il n’était pas question de caser l’intégralité de La
Chartreuse dans un opéra en 4 actes et
Lunel a choisi de se concentrer sur l’intrigue sentimentale. L’action démarre
donc directement à la rencontre entre Fabrice, la duchesse et Clélia et son
père, sur une route de campagne. Lors ce premier échange de regards, on y
apprend vaguement que Fabrice s’est battu dans les troupes de l’empereur et qu’il
est recherché par la police.
Il y a ensuite un enchaînement
rapide de scènes qui n’ont pour but que d’amener l’emprisonnement de Fabrice
dans la tour. L’intégralité du troisième acte se déroule dans la prison, entre
les deux amants. Il se conclut par le mariage de Clélia avec le marquis et la
fuite de Fabrice. Au dernier acte, la duchesse accepte finalement d’épouser le
fidèle Mosca, Clélia fait savoir à Fabrice qu’elle a fait vœu de ne jamais le
revoir et Fabrice, prêtre, annonce qu’il se retire à la Chartreuse de Parme.
À mon sens, le livret est
le seul (mais gros) point faible de l’opéra. Lunel a privilégié le face à face amoureux en
le dépouillant de l’énergie stendhalienne. Fabrice sans Waterloo et les
motivations du personnage semblent vides. Ont disparu aussi les intrigues de la
cour de Parme, ce qui fait que tout le début manque de cohérence. Apparemment
la trame est difficile à suivre sans avoir lu le roman. Une fois l’intrigue
resserrée autour de Fabrice et Clélia, l’opéra gagne en force et en intensité, même si certaines scènes sont un peu longuettes.
Enfin, le catholicisme est démonstratif et sérieux, on est loin de l’ironie du
roman quant au vœu de Clélia.
Enregistrement de 1958 : arrivée de Fabrice dans la prison
Je manque de mots pour vous parler de la très belle musique de Sauguet. J’ai immédiatement pensé à la Belle Époque et à Offenbach, pour sa tonalité vive. Les flonflons qui accompagnent les tirades du père de Clélia ont un petit air d'opéra comique. Dans la suite de sa carrière Sauguet a travaillé pour la télévision et la partition a de beaux élans lyriques et expressifs. Il y a des airs festifs, des cuivres qui évoquent les fêtes et la musique militaire.
Quelques très beaux airs : la flûte qui joue entre Clélia et son oiseau, l’air de la duchesse quand elle comprend l’amour de Fabrice pour Clélia et le dernier tableau où alternent le chant de Fabrice annonçant sa retraite, les larmes du public et les chants des moines.
Photo de Bruno de Lavenère, prise sur le site de l'Opéra de Marseille. |
Il s’agissait d’une création de l’Opéra de Marseille, avec l’Orchestre (dirigé par Lawrence Foster qui a reconstitué la partition) et le Chœur
de l’Opéra, qui sont toujours très bons. Difficile pour moi d’émettre une
opinion envers les chanteurs, je manque d’éléments de comparaison mais je les
ai trouvés très bons. Sébastien Guèze est un Fabrice plein
d’énergie, Marie-Ange Todorovitch est une très belle Gina, passionnée, à la voix chaude, Jacques Calatayud dans celui de Barbone, le chef des gardiens de
la prison. Je pense que Nathalie Manfrino pour Clélia était très bien mais son
rôle languissant ne m’a pas convaincue.
Quant à la mise à scène de Renée
Auphan, elle a tiré le meilleur de ce livret, c’était réellement très beau.
Mention spéciale aux lumières de Laurent Castaingt !
Le décor est simple, avec peu
d’accessoires, privilégiant des tableaux esthétiques. Les personnages évoluent
souvent dans un espace réduit, dans des lumières à l’effet expressif
saisissant. J’ai fait la liste des moments les plus réussis mais ils sont trop
nombreux. Tout de même : la scène entre Clélia et Fabrice dans la prison où
le dialogue se déroule en parallèle sur le mur, en ombres chinoises. Il est
intéressant que le jeu de lumières transforme le personnage de Clélia :
assez active chez Stendhal, elle apparaît ici comme une victime. La lumière
fait se dessiner les barreaux de la prison sur son corps, plus que sur celui de
Fabrice.
Fabrice et Clélia. Photo de Christian Dresse, prise sur Classique.news |
Les costumes (par Katia Duflot)
évoquaient les années 1900 (en accord avec la musique), ce qui renforce le ton
futile et l’atmosphère de fête du livret. L’intéressant est que ces costumes
évoquent l’avant Première guerre mondiale alors que l’opéra a été créé en 1939,
la déclaration de guerre interrompant les représentations.
J’ai envie de dire que cette mise
en scène tire le maximum du livret. La duchesse en grande bourgeoise
parisienne, l’implantation du roman en pleine IIIe République (alors que
Stendhal est un amoureux de l’Italie et du XVIIIe siècle) évoque un tout autre
monde. Le spectacle était très beau mais n’avait de Stendhal que le nom.
Dernière représentation mardi 14 février à
Marseille, il reste des places !
L'opéra a été enregistré et sera retransmis par France Musique le 28 avril 2012 à 19h30.
Un point supplémentaire dans le Challenge Stendhal de George et le Challenge Des notes et des mots de Anne.
Une semi-déception donc dira-t-on ! merci pour ta participation !
RépondreSupprimerJe ne suis pas vraiment déçue, c'était vraiment un très beau spectacle même si je n'ai pas retrouvée Stendhal.
RépondreSupprimerHou bé ma chère ! Avais-tu mis tes longs gants noirs et tes perles roses pour cette sortie ! Très beau billet en tout cas... (j'avoue que j'ai eu ma période opéra, opéras comiques, j'avais une tante mezzo-soprano qui y a travaillé 40 ans) là ça me dit moins qu'avant ! J'attends que ça revienne mais j'écoute souvent La Callas...
RépondreSupprimerJ'avais mis un gros blouson, un bonnet, deux écharpes et mes gants super chauds... Moi je n'ai pas du tout la culture opéra, j'y vais seulement depuis 2-3 ans pour me cultiver un peu. J'avoue être très sensible à la musique live même si je vais finalement peu en écouter.
RépondreSupprimerPour quelqu'un qui dit ne pas savoir parler d'opéra, tu t'en sors très bien ! Il faut dire que tu connais bien le livre et l'univers du théâtre. Personnellement, je n'ai rien compris à ce livre, je ne comprends rien à Stendhal, je pense, donc... je n'irais pas voir ce spectacle si l'occasion s'en présentait!
RépondreSupprimerJe suis ravie d'avoir lu ton compte-rendu, c'est comme si j'avais vu le spectacle ! Je crois que j'aurais aimé, j'aime l'aspect sentimental du roman, les intrigues politiques me barbent, aïe, on ne se refait pas !
RépondreSupprimerTu as raison pour le côté comique de la dévotion de Clélia, elle fait le voeu à la madone mais elle attend un enfant !
Bonne semaine !
Merci Anne ! L'intérêt d'avoir un blog est que cela oblige à se poser des questions et à réfléchir, impossible d'être une spectatrice passive !
RépondreSupprimerMerci aussi Grillon. Je précise qu'à l'opéra j'aime assez les choses sentimentales, c'est assez facile de me tirer ma petite larme. Mais là, ça manque un peu d'intensité. Et effectivement la dévotion de Clélia est prise très au sérieux dans l'opéra, je dirais que c'est plutôt saint-sulpicien même.
dommage qu'il n'y ait pas plus de représentations, j'aurais bien aimé le voir quand je viendrais à Marseille en mars. Un beau billet :)
RépondreSupprimerj'aime l'opéra...
RépondreSupprimermais j'avoue que je n'y vais jamais...
Aymeline : ah oui, les opéras faut les saisir au vol !
RépondreSupprimerLystig : ben alors ? un peu d'organisation que diable !
Une émission sur France Musique en parlait justement vendredi midi. Le chroniqueur démontait le livret en expliquant que cet opéra était impossible à chanter, ou au moins très difficile. Mais grâce était rendu aux solistes, justement.
RépondreSupprimerAh mais je vais essayer d'écouter ça ! merci beaucoup pour l'info !
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