Saïdeh Pakravan, Azadi, 2015.
Lecture très contemporaine et
éclairante pour qui s’intéresse à l’Iran d’aujourd’hui.
Le roman suit une famille et plus
particulièrement Raha, étudiante en architecture. On est en 2009 après les
élections où les Iraniens ont cru que pour une fois leur vote allait compter.
Mais Ahmadinejad est annoncé vainqueur dès le premier tour et toute la population
descend dans la rue. Le roman décrit cet immense mouvement, l’espoir soulevé
par les rassemblements, la répression et le retour de la chape de plomb. Raha
participe aux marches, est arrêtée, avant de subir l’innommable et de, malgré
tout, essayer de continuer à vivre.
On en apprend beaucoup sur l’Iran
contemporain et c’est sans doute ce qui contribue le plus à l’intérêt du roman.
Les personnages sont tiraillés entre des contradictions insolubles :
certaines traditions sont respectées par habitude, d’autres non. Le rapport à
la religion est des plus variables, celui à l’Occident aussi. En pleine
dictature, même bien éduqués et en suivant les médias étrangers, difficile de
faire le tri entre les rumeurs sur les méfaits du tabac, la drogue, le rôle d’Israël
et autres. Il y a aussi un rapport complexe au passé du pays, glorieux,
regretté, mais repoussé. Les détails sur le régime politique sont ainsi très
intéressants. Téhéran est composé certes d’une jeunesse instruite et connectée,
mais aussi de gardiens de la Révolution loin d’être tous fanatiques, certains
même très désabusés, de générations âgées attachées aux traditions et
d’individus déracinés.
Un ou deux millions de gens ne sortent pas dans la rue par eeteghad – parce qu’ils y croient. Qu’ils croient en quoi ? Certainement pas en Moussavi.
Téhéran, tour Azadi. Wikipedia. |
En guise de bémol, je trouve que
le livre est plus documentaire que littéraire. Les personnages manquent un peu
de consistance. J’ai eu du mal à les identifier au début, à ne pas les
mélanger, à comprendre leur lien. Le plus réussi est peut-être Hossein, jeune
membre des Gardiens de la Révolution, entré là pour nourrir sa famille, très
pieux, estimant que ces manifestants ne peuvent qu’être manipulés, mais
répugnant à toute violence et abus de pouvoir. De même, j’ai aimé Gita, émigrée
aux États-Unis depuis l’âge de huit ans et revenue dans un pays qu’elle ne
connaît pas, mais où pourtant tout est chez elle. Je me rends compte que je
préfère les personnages ne participant pas aux interminables discussions
politiques, bien légitimes (là n’est pas la question), mais peu compréhensibles
(qui en Frane connaît la différence entre Moussavi et Karroubi ?) et un
poil barbantes.
Le livre est écrit en français,
mais contient beaucoup de mots et d’expressions en persan, qui sont traduits.
Cela produit un effet d’étrangeté : les personnages semblent expliquer
leurs propos aux lecteurs au lieu de parler entre eux. Mais, bien sûr, les
sonorités persanes sont à entendre.
Elle regarde vers l’avenir, elle
est pleine d’espoir. Que dire ? Elle est américaine à présent et croit
donc à la capacité des gens d’adapter le monde à leurs besoins – là où il y a
la volonté, on trouve le moyen d’agir, ce genre de chose. Je suis, moi,
fondamentalement, iranien et sais que le monde trouvera le monde de nous
écraser avant de faire la moindre concession à nos besoins.
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