Imre Kertész, Le Drapeau
anglais, volume comprenant 3 récits
traduits du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba, parus en
Hongrie en 1991 et 1998, Arles, Actes Sud, 2005.
Mon cinquième et dernier
Kertész !
Ce volume rassemble trois courts
textes très intéressants :
Procès-verbal raconte un voyage avorté… et prend place à cette
période de fin des régimes communistes mais alors que frontières, douaniers
tatillons, bureaucratie stupide et arbitraire existent toujours. Kertész a
connu tous les régimes absurdes, pas un ne semble meilleur que l’autre, quel
que soit l’habillage.
Le Chercheur de traces est peut-être le texte le plus troublant. Nous
sommes dans un pays inconnu, près d’une ville de culture où a vécu un grand
philosophe, un pays où a eu lieu quelque chose d’atroce mais on ne sait pas
bien quoi, où un lieu de massacre est devenu un lieu touristique… si cela vous
rappelle quelque chose… Le narrateur, une ancienne victime, revient sur les
lieux très longtemps après, essaye de voir les traces, les traces d’on ne sait
pas très bien quoi, de la culpabilité, des morts, des faits, mais tout se
dérobe, impossible de fixer son attention et de repérer quoi que soit.
Le Drapeau anglais raconte un minuscule détail de l’insurrection
hongroise à Budapest en 1956. La mémoire est un processus complexe, il est
difficile de tout se rappeler, plus encore de déterminer à quel instant
commence un événement, de déterminer ce qui a pu l’amener. Mais il est encore
plus difficile de mettre tout cela en discours bien longtemps après.
Budapest, André Kertész André, 1919
Paris, musée national d'Art
moderne - image RMN
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La salle sentait encore la
peinture fraîche, tout était agréablement illuminé, délimité par des barrières,
fourré derrière des vitres, l’ordre transcendant, l’apparat scientifique et une
délicate abstraction constituaient dans cet environnement sécurisant une
exposition étrange voire honteuse : accessoires de romans d’épouvante,
marché aux cauchemars, collection poussiéreuse ? Seul l’usage eût pu
ramener ces objets à la vie, seule l’expérience, mettre à l’épreuve leur
réalité, or là, il n’y avait d’autre vérité que la foule et la touffeur de la
salle – mais celle-ci était-elle suffisamment étouffante et y avait-on entassé
une foule assez compacte ?
Ces récits me paraissent former
une très bonne clef de voûte à l’édifice romanesque bâti par Kertész. La
presque impossibilité de dire le génocide mais l’impossibilité de ne pas sans
cesse le dire, le jeu infini sur la langue et l’attention aux mots, la faible
vie de l’individu sous des régimes politiques absurdes, autant de nœuds de son
œuvre. L’Holocauste devenu accessoire de mauvais romans, une insurrection
incarnée dans un drapeau agité au vent. Rien ne sert d’indiquer les noms de
lieux, les époques, les noms des personnages (beaucoup de ses romans sont
anonymes), c’est le récit et le mouvement de la langue qui comptent.
Mes billet sur la trilogie de Kertész : Être sans destin, Le Refus et Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas et sur Liquidation. Une nouvelle participation au Challenge sur la littérature juive de Mazel.
bravo Nathalie pour ta constance envers cet auteur.
RépondreSupprimerrajouté ton avis : http://challenges-mazel.blogspot.com/search/label/kert%C3%A9sz-imre
je le rajoute également sur ma liste d'envie de lire... j'aime assez les nouvelles. Et surtout, les pavés commence légèrement à me prendre la tête...
bonne journée
bises
Oh merci, tu ajoutes les liens plus vite que ton ombre ! J'en ai fini dans ma relecture de Kertész, est-il nécessaire de préciser que je recommande vraiment cet auteur ? Deux titres pour commencer : Être sans destin qui est le chef d'oeuvre massif et difficile et ce volume, Le Drapeau anglais, avec des nouvelles, très intéressant.
RépondreSupprimerun article de lui auj. DS LE MONDE DES LIVRES, un entretien: pas du tout positif sur l'esprit hongrois actuel, esprit de haine dit-il.
RépondreSupprimerJe vais essayer de le lire dans la semaine oui. Sinon Mazel l'a retranscrit.
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