La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 3 juin 2011

Les araignées pratiquaient la culture intensive sur les moulures, comme on fait sur les rives du Rhin.

Saul Bellow, Herzog, traduit de l’américain par Jean Rosenthal (1961), Paris, Gallimard, 1966.

Un roman bien compliqué à présenter mais qui est d’une très grande qualité. Le narrateur, Herzog, est philosophe, a la quarantaine, a raté deux mariages, se remet mal de ses secondes noces où Madeleine l’a ridiculisé, n’a pas vraiment de travail, et hum… ce n’est pas brillant. Herzog se perd dans ses pensées, les souvenirs de son enfance (un père juif bootlegger), les atermoiements, part se reposer, revient, laisse la sublime Ramona s’occuper de lui, part s’occuper de ses enfants, jamais très bien à sa place. Et il écrit des lettres. À son psy, à ses ex, à ses amis, aux savants, au président, à Nietzsche, à Spinoza, à son père mort, à… enfin, il n’écrit pas vraiment !

Dans le ciel calme, un hélicoptère volait vers Hyannis Port, où les Kennedy avaient leur propriété. On avait fait de grandes choses là-bas, jadis. La puissance des nations. Qu’est-ce qu’on connaît ? Moses éprouva un pincement au cœur en pensant au défunt Président. (Je me demande ce que je dirais à un Président si j’avais à lui parler vraiment.) Il eut un petit sourire en se souvenant de sa mère qui vantait à Tante Zipporah les mérites de son fils. « Quelle langue bien pendue il a ! Moschele pourrait parler au Président. » Mais en ce temps-là, c’était Harding qui était Président.


Ce roman était installé depuis quelques mois dans ma bibliothèque et heureusement le billet de Marion m'a donné envie de le sortir. Il m'a passionnée. Il conte l'errance affective et mentale de cet intellectuel, venu d'une famille très pauvre, dans l'Amérique énergique des années 60, lucide, sachant analyser ses incapacités sans se lamenter. Les personnages sont assez incertains mais très pittoresques, car on les rencontre tous au travers des yeux d'Herzog, dont on se demande s'il est très conscient ou délirant. C'est l'histoire d'un homme qui se débat avec lui-même et qui parvient à surnager, en partie grâce à sa folie  délirante aussi. Un portrait très réussi d'un être humain.
Saul Bellow, à peu près inconnu en France, a été le prix Nobel de littérature en 1976, autant dire qu'il y a de quoi lire...

Un meurtre en pensée par jour évite le psychiatre pour toujours.


2 commentaires:

Alex Mot-à-Mots a dit…

Quelle citation ! Du coup, je note ce livre.

Marion a dit…

Contente que le livre t'ait plu. Je garde Saul Bellow dans un coin de ma tête pour en lire un peu plus de lui