La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 7 août 2013

La manière, le mauvais goût du dix-huitième siècle déparent presque tous les édifices publics.


Prosper Mérimée, Notes de voyage, ouvrage présenté par Pierre-Marie Auzas, édité par Adam Biro, 2003.
1835-1839

Prosper Mérimée succède à Ludovic Vitet en 1834 au poste d’inspecteur général des Monuments historiques (et non, ce n’était pas le premier). Homme de lettres, il a plutôt un maigre bagage en matière d’art et d’architecture mais va s’appliquer à combler ses lacunes. Et surtout, il a la bougeotte et n’hésite pas, contrairement à son prédécesseur, à se lancer dans de grandes tournées d’inspection, à cheval ou par la poste (et les conditions de voyage en France au XIXe siècle nécessitaient une bonne santé). Il rédige des rapports qu’il adresse à son supérieur, Thiers, ministre de l’Intérieur (la sauvegarde du patrimoine faisant partie de l’aménagement du territoire et donc de l’Intérieur, c’est comme ça depuis la Révolution) et qui sont aussi publiés dans la presse du temps. Il relève les monuments qui nécessitent un classement et une sauvegarde, faisant le point sur leur chronologie et leur histoire. Il prend également des notes. Cet ouvrage rassemble les notes de ses quatre voyages : dans le Sud, dans l’Ouest, en Auvergne et en Corse.

J’ai lu parcouru en diagonale ce gros livre par curiosité car jadis j’ai fait cours sur l’histoire du patrimoine (il n’y a en effet aucun intérêt littéraire à l’ouvrage). Alors ?
Je retiens d’abord l’intérêt de Mérimée pour la préhistoire, même s’il s’agit d’une période pas très bien définie, datant d’avant les Romains, identifiée avec les Celtes. En Bretagne, les tumulus et dolmens l’intéressent vivement (Michelet aussi a une passion pour un fonds celte-breton très ancien). Il prend le soin de rapporter les différentes hypothèses à leur sujet sans trancher. Et il est un des premiers à s’intéresser aux pierres levées corses.


La vraie passion de Mérimée, c’est le Moyen Âge. Les églises romanes et surtout gothiques lui plaisent et excitent son intérêt pour essayer de dater les différentes parties de chaque édifice. Mérimée est connu pour avoir sauvé différents édifices et notamment Saint-Savin-sur-Gartempe (si vous êtes dans le Poitou, obligation d’aller admirer ces magnifiques fresques romanes). Il est fasciné par les tympans sculptés représentant des Jugement Dernier, qui sont très exotiques pour la sensibilité du XIXe siècle. Il s'agit d'un art simple mais représentatif du pays et de sa piété populaire.
Il est ravi par les villes au pittoresque médiéval comme Le Puy alors que l’urbanisme du XVIIe avec ses grandes percées le laisse froid.


Excepté dans le Midi de la France où il s’émerveille devant le Pont du Gard, il parle peu des ruines romaines. Quant à tout ce qui suit la Renaissance, il n’aime pas, c’est trop maniéré et froid.

Le mur de la façade porte les traces d’une réparation très maladroite dont j’ignore la date, et qui peut-être aurait eu lieu sous le règne de Louis XIV ; mais je ne hasarde cette conjecture qu’avec timidité, car, détestant l’architecture de cette époque, je suis peut-être trop porté à lui attribuer tous les traits de barbarie qui ont défiguré tant de beaux monuments du Moyen Âge.

Bref, Mérimée est un homme de son temps, un romantique. Il participe pleinement de la redécouverte du Moyen Âge et du dégoût de l’architecture classique. Quand il voyage en Corse, il est fasciné par le caractère local et on sent qu’il prend de la documentation pour ses œuvres littéraires. On a également la vision de la France provinciale par un Parisien : la Bretagne, la Corse, Avignon qui lui semble une contrée espagnole, le pays n’est pas unifié et reste très exotique.


Et le livre est évidemment une constante plainte contre les destructeurs de toutes sortes. C’est seulement en 1913 que les lois sur la protection du patrimoine s’appliqueront aux propriétés privées.

Le temple de Janus est maintenant au milieu d’un champ de pommes de terre appartenant à un particulier, qui préférerait sans doute un terrain moins classique et moins pierreux. Heureusement jusqu’à ce jour on lui a persuadé qu’il n’avait pas le droit de disposer de cette ruine. Il serait bien à désirer que la ville en fît l’acquisition, car un propriétaire qui connaîtrait ses droits, et qui aurait besoin de matériaux, ne se ferait pas scrupule d’achever l’œuvre d’Attila et de Rollon.

Destination PAL. Photographies du cloître et du portail de Sainte-Trophime à Arles, par M&M.

5 commentaires:

Lili Galipette a dit…

Voilà un ouvrage que je lirais en diagonale, comme toi. Intéressant !

nathalie a dit…

À la limite si tu le croise, contente-toi de lire l'introduction !

BEAUZAC a dit…

Il y a un autre site de pierres levées prés de Sartène, de toute beauté.
En parle-t-il?
Je lirais avec plaisir l'intro?
BISES

nathalie a dit…

Je ne sais pas, il faut que je vérifie. Mais je peux te scanner l'intro !

catherine a dit…

avec plaisir
j'aime bcp ce côté là de Mérimée
grazie mille