John-Antoine Nau, Force
ennemie, 1903, édité chez ArcheoSF, acheté
chez Publie.net
Voilà un roman très surprenant.
Le narrateur (apparent) se réveille au début du livre et découvre qu’il est
interné dans un asile. Commence la découverte des lieux et le lecteur
s’interroge : a-t-on affaire à un vrai fou ? à un homme interné
contre son gré par sa famille ? ou bien un peu des deux ? En réalité,
le narrateur se révèle habité par une créature… étrange et étrangère. Et le
roman bascule dans la SF. Mais le roman est riche. Tout le début se déroule à
l’asile, le personnel semblant à peine moins fou que les malades, dans un
climat propice à l’érotisme. Et ensuite nous sortons…
Mon gardien n’a même pas la peine d’aller jusqu’à la mairie. Il rencontre à sa descente du fiacre le premier magistrat du bourg, éléphantin paysan au nez bleu orné de narines poilues et aux yeux si invraisemblablement rusés que cela doit lui faire mal de les tenir tout le temps à ce cran d’expression-là.
H. Rousseau, La Fabrique de chaises à Alfortville
Paris, musée de l'Orangerie, image RMN.
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J’ai été d’abord impressionnée
par la variété des sources d’inspiration : difficile de ne pas songer au Horla de Maupassant quand le narrateur dialogue avec sa
créature. De la science fiction également mais la fin baigne dans un climat rousseauiste
(le Douanier Rousseau, pas Jean-Jacques) remarquable de poésie.
Par ailleurs,
le travail sur la langue est remarquable puisque chaque personne a son langage
à soi. Le narrateur a un vocabulaire un peu précieux, se revendique de
Baudelaire, mais Huysmans n’est pas très loin. Les affectations de langage des
gens « comme il faut » sont très bien rendues (passages à lire à
haute voix). Mais le personnage le plus réussi est sans conteste Léonard, un
des gardiens de l’asile, qui déforme tous les mots un peu compliqués pour les
adapter à son sabir, disant "egzitation" pour excitation, "journaux illuscrês" pour illustrés et "domieure" pour demi-heure.
Il fait passer la Françoise de La Recherche pour une puriste. C’est tout à fait savoureux.
Moi qui suis habitué, je reconnais leurs voix l’une de l’autre, les yeux fermés. Celle du petit, du Dr Bid’homme, c’est bien plus râpeux, plus essolent, tandis que le père Froin c’est que magistueux. Mais des « nouvelles gens » comme vous, ça sait-y, la première fois ?
H. Rousseau, Les Joueurs de Football,
New-York, the
Solomon R. Guggenheim Museum, image RMN
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Par ailleurs, le roman mêle une
grande violence anti-bourgeoise, met en scène un viol et laisse libre cours à
des rêveries érotiques (le roman est contemporain des débuts de la
psychanalyse) (en revanche les personnages féminins ne sont pas aussi réussis).
Tenez, moi, j’étais dans les
Ponts-et-Chaussées ; j’aimais les Chaussées ! J’aurais voulu inventer
des rouleaux en velours pour les égaliser et je rêvais de les bourrer de nougat
en guise de cailloux ! J’adorais les Ponts ! Au point de festonner
leurs tabliers, si j’avais pu ! Mais pas de plaisanteries tintamarresques,
alors qu’il s’agit de choses graves ; j’étais donc un employé
modèle ! Eh bien ! mon atroce femme m’a si vilainement persécuté, m’a
si bien fait prendre tout en dégoût qu’il fallait se mettre à quatre – et de
forts gaillards ! – pour m’extraire des caboulots mal fréquentés où je
mangeais mon bien aux dominos et où j’ai fini par me soûler à l’heure et à la
journée.
Ce roman est une réussite. C’est aussi un objet curieux dont on se demande d’où il sort.
Il s’agit du premier roman décoré par le jury Goncourt. Il faut préciser que ledit jury était précisé par Huysmans.
Intéressant car c'est la toute première fois depuis que je lis des blogs et des articles littéraires que quelqu'un écrit sur le premier Prix Goncourt.
RépondreSupprimerJe l'ai lu car je l'ai trouvé en numérique mais il existe aussi en papier. C'est un livre curieux, d'un auteur qui vivait retiré à la campagne, loin de tout.
RépondreSupprimerMoi je voudrais le lire aussi Mais en numérique ... c'est dur . Se mettre à la liseuse ou à la tablette ? Bon c'est peut-être une solution ultime pour tous ceux qui,devant leur ordinateur sont assis sur une fesse, jambes croisées ou plutôt nouées avec le sentiment coupable qu'ils ne peuvent pas y passer trop de temps ... La tablette au lit est-ce aussi bien ou mieux ou moins bien qu'un bon (ou mauvais ) bouquin?
RépondreSupprimerEclairez-moi si vous avez une opinion
Je crois qu'il existe en papier (c'est quand même le 1er Goncourt. La liseuse permet très bien de lire au lit ou dans les transports (et allège les sacs et valises).
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