Stendhal, Le Rouge et le noir, 1830.
Je viens de lire pour la 3e
fois ce roman où Julien Sorel est le héros et c’est une relecture accomplie
avec plaisir.
Parmi les héros pleins d’orgueil
du monde stendhalien, Julien est peut-être celui que je préfère parce que c’est
le plus pauvre et qui a les plus hautes ambitions, alors qu’Octave ou Lucien Leuwen ont simplement du mal à faire cohabiter leur idéal et leur fortune. Né
un peu plus tard que le Fabrice de La Chartreuse de Parme, mais plein des souvenirs de la geste napoléonienne,
il ne cesse d’espérer une carrière militaire, tout en étant promis par la
médiocrité du temps à la cléricature. Dans ses rêves de gloire, Julien fuit le
médiocre comme la peste, en bon héros romantique et absolu qu’il veut être.
La voilà donc, cette orgueilleuse, à mes pieds ! se dit Julien.
Fils d’un charpentier, avec
quelques lettres, il entre comme précepteur chez madame de Rênal. L’amour qui
l’unit à elle est d’une grande beauté. Puis, après un passage au séminaire de
Besançon, Julien devient secrétaire chez le marquis de La Mole, un des hommes
les plus en vue de Paris. C’est alors Mathilde, la fille de son protecteur qui
attire tous les regards. La confrontation entre ces deux orgueils est un combat
pas toujours compréhensible, mais passionnant.
Entre Julien et moi, il n’y a point de signature de contrat, point de notaire ; tout est héroïque, tout sera fils du hasard.
Je ne me souvenais pas de
l’importance chez Mathilde de La Molle de l’imagerie médiévale et renaissance,
elle puise ses modèles de comportement à une époque évoquée comme sincère et
passionnée (en opposition à l’hypocrite XIXe siècle français) qui
est aussi celle des Chroniques italiennes.
En revanche, je me suis mieux débrouillée des grandes batailles politiques
entre ultras ou libéraux, on ne peut qu’être frappé de l’importance chez
Stendhal de l’évocation des classes sociales, notamment la bourgeoisie de
province ou la grande aristocratie parisienne, avec leurs préjugés, leurs
manières, leurs habitudes. La société est le lieu d’une lutte d’influences, le
gouvernement est fragile et l’on sait que les ministères peuvent se renverser
ou se conquérir facilement comme dans Lucien Leuwen.
Depuis la chute de Napoléon, toute apparence de galanterie est sévèrement bannie des mœurs de la province. On a peur d’être destitué. Les fripons cherchent un appui dans la congrégation ; et l’hypocrisie a fait les plus beaux progrès même dans les classes libérales. L’ennui redouble. Il ne reste d’autre plaisir que la lecture et l’agriculture.
Stendhal traduit la violence de
ces rapports sociaux où les maîtres conforment les domestiques à leur vue si
bien que, comme dans la Chartreuse, la
prison, lieu à l’écart du monde et de ses luttes, se révèle un lieu de paix et
d’amour, comme une thébaïde d’où l’on peut tout surplomber.
Je retiens les personnages, la
vivacité de leurs personnalités, en particulier Julien, Mathilde ou l’abbé
Pirard. Madame de Rênal a moins de relief que Mathilde de La Mole, son portrait
est tout entier associé à la province, à la nature de la Franche-Comté, à la
douceur et à la rêverie. J’aime aussi l’éclat des ambitions romanesques de
Julien, imperméable à la petite mesquinerie de la vie quotidienne.
Au séminaire, il est une façon de manger un œuf à la coque qui annonce les progrès faits dans la vie dévote.
La langue est rapide, sans longue
description. Si le temps de l’action s’arrête quelquefois, il n’y a jamais
d’ennui. Les phrases courtes et les formules entraînent leur lecteur.
Tous les jours elle se félicitait
du parti qu’elle avait pris de se donner une grande passion.
Cette expression « grande
passion » apparaît aussi chez Lucien Leuwen, qui comprend qu’il ne réussira dans son ministère à Paris sans avoir
une « grande passion » qui pose son homme.
Deux cent mille jeunes gens
appartenant à la petite bourgeoisie sont amoureux de la guerre…
De l’importance de ne pas tomber de
cheval quand on veut être un jeune héros stendhalien.
lu il y a bien longtemps, ça donne envie de s'y replonger!
RépondreSupprimerQuelle serait ma lecture aujourd'hui ? Depuis "Chéri", j'ai envie de relire mes classiques.
RépondreSupprimerJe suis sûre que je ne m'arrêterai pas sur les mêmes choses.
C'est toujours étrange et intéressant de faire des relectures.
RépondreSupprimerVive les relectures ! J'ai repris "La malvenue" de Seignolle. Et j'avais adoré "Le rouge et le noir" qunad je l'ai lu, à 12 ans. Faudra que je le relise il y a des choses qui ont dû m'échapper alors.
RépondreSupprimerJe l'ai aussi lu plus de trois fois car c'est l'un de mes romans préféré ! J'adore l'ironie de l'auteur. Et aussi le personnage de Mathilde, très romanesque
RépondreSupprimerJe connais pas Seignolle (ou alors j'ai oublié) mais ce que tu en dis fait envie, Lili !
RépondreSupprimerMaggie : je ne me rappelais plus justement de cet aspect romanesque de Mathilde, et pourtant c'est vraiment important.
Depuis le temps que je me dis qu'il faut que je le relise....
RépondreSupprimerUn des rares romans que j'ai lus à l'école. Et j'avais adoré, à la stupéfaction générale de ma classe. À lire ton billet, je crois que je serais due pour une relecture.
RépondreSupprimerLa première fois je n'avais été fan, ne comprenant rien aux sous-entendus politique, à l'orgueil... Maintenant ça va mieux !
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