Rick Bass, Toute la terre qui nous possède, traduit de l’américain par Aurélie
Tronchet, parution originale en 2013.
J’ai découvert Rick Bass avec son
livre sur les grizzlys, j’avais alors été séduite par le caractère apaisant
d’une écriture en lien étroit avec un paysage et un territoire.
Ce roman-ci prend place dans les
années 70, au Texas, à Odessa, ville vivant du pétrole, installée en plein
désert. Nous y suivons principalement Richard, géomètre, capable de dresser les
cartes historiques et géographiques du sous-sol. Il fore des puits de pétrole
et part des jours dans le désert. Le roman part aussi dans le passé de la
région, auprès des animaux dont le corps s’est fossilisé, des Indiens, des pionniers
qui exploitaient le sel. Nous allons au-delà des apparences, dans un temps
long, où l’on suit des couches sédimentaires, les mouvements des dunes et les
anciens ruisseaux disparus. Autour de Richard se trouvent une institutrice, un
vieil homme chasseur de trésor, une très belle femme craignant le soleil et des
enfants.
Red considéra le jeune homme pendant un moment en essayant de se rappeler ce que c’était de se trouver encore entre le passé et le futur, dans cette somptueuse zone tampon entre les deux : avoir la possibilité de retourner en arrière pour chercher les morceaux perdus d’une vie, si on le désirait, ou continuer sur sa lancée vers l’avenir, avide, passionné et sans peur, sans ressentir de fatigue.
Ce roman est très beau, même s’il
est un peu difficile de dire en quoi. Bass a une connaissance précise des
forages pétroliers et cette inscription dans la modernité et l’industrie
contrebalance avec originalité et efficacité la rêverie devant le paysage. Le
personnage de Richard permet à l’écriture de voyager dans différentes
épaisseurs, ce qui m’a particulièrement plu. Si les personnages cherchent à
remplir ou vaincre le vide qui se trouvent en eux, il n’est pas pour autant
question d’un quelconque épanouissement personnel, mais plutôt d’une place au
sein d’un territoire et d’une communauté qu’il s’agit de trouver.
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W. Wenders, Ray & Grace, Big Bend, Texas, 1983, Centre Pompidou, image RMN. |
Le livre a une certaine lenteur
apaisante. En dépit des drames qui peuvent survenir, les émotions semblent des
vagues de fond plus que des remous, comme s’il suffisait de trouver son filon
et de le suivre. Enfin, le roman est empreint de magie. Un éléphant traverse le
désert, un chariot et ses mules apparaissent dans le sable, des marionnettes
s’agitent dans la ville… Tout a une explication très simple et logique, mais
ces moments de magie illuminent le livre.
Une centaine, puis deux cents,
puis trois cents signaux similaires étaient ainsi visibles, délinéant l’ombre
en développement du gisement géant du pétrole, les colonnes de flammes
s’apparentant peut-être aux barreaux en feu d’une cage aux yeux des invités de
la fête ou, pour ceux qui les survolaient en avion, à la forme ou aux contours
d’un dragon formidable ou d’un monstre sous-marin en contrebas, ou bien même
d’un immense poisson.
De la magie dans un roman ? Pourquoi pas....
RépondreSupprimerÇa m'arrive souvent de trouver de la magie dans un roman, pour mon compte !
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