François-Xavier Fauvelle, Le Rhinocéros d’or. Histoires du Moyen Âge
africain, 2013.
Formidable livre d’histoire à
conseiller à tout le monde, il nous fait découvrir un monde, rend humble toute
notre science, nous ouvre l’esprit.
Par une suite de petits chapitres
très courts, l’auteur nous livre des aperçus de l’histoire du continent africain,
entre le VIIIe et le XVe siècles. L’introduction présente
le projet, justifie le terme de « Moyen Âge » et nous lance.
L’auteur part souvent d’un
document : une archive écrite, une stèle, un témoignage qui semble
farfelu, un site archéologique mal fouillé par les colonisateurs, une carte.
Même si ces documents sont lacunaires ou impossibles à vérifier, leur analyse
permet d’apprendre quelques faits. L’histoire du document permet surtout de
poser des questions stimulantes qui ouvrent une immensité de réflexions.
Le livre fait la part belle aux
marchands musulmans et au commerce caravanier qui traverse le Sahara et fait le
lien entre la Méditerranée et le pays mystérieux des hommes noirs. L’Islam
n’est pas seulement la religion des élites, c’est aussi un code juridique et
donc des règles commerciales, ce qui en fait tout son attrait. Le statut de dhimmi accordé aux non musulmans permet
le commerce et rassure les acteurs venus de partout. L’or, le cuivre, les
perles, l’ivoire, les porcelaines, le sel, les esclaves, les eunuques sont
autant de biens échangés.
Silbert, Le Montreur de aras, Musée des beaux-arts de Marseille, M&M |
Le premier chapitre souligne que
les objets chinois (notamment la porcelaine) sont courants sur le continent
africain à une époque très ancienne. Notant la quasi-absence de contacts
directs entre les deux mondes, il faut en conclure à la super efficacité des
réseaux intermédiaires qui parcourent l’Océan Indien et que les Occidentaux
sont tentés de sous-estimer – tout n’a pas commencé avec le contournement de l’Afrique
par Vasco de Gama. De l’absence de sources ou de sources qui ne concordent pas,
on peut tirer des conclusions intéressantes à condition de les regarder d’un œil
neuf.
Le livre parcourt l’Éthiopie, le
Zimbabwe, le Sahel, la Corne de l’Afrique et même Madagascar dont la confusion
avec Mogadiscio révèle bien des choses. Que font des monnaies de Bactriane
(région au croisement de l’Inde et de l’Afghanistan) en Érythrée ? Pour
répondre, encore faut-il savoir analyser les trésors de monnaie qui sont des
sources paradoxales. Nous nous rendons à Sijilmâsa, cité centrale du commerce
caravanier, parcourue par des marchands en quête d’informations (mais d’où
vient ce mystérieux or ?) mais auxquels on ne répond jamais (les Berbères
ne sont pas fous).
Bompard, La Fileuse, Musée des beaux-arts de Marseille, M&M |
La suite de chapitres très courts
se lit facilement, sans fatigue. Le ton est savant et plein d’humour et
d’affection pour les personnages qui permettent à l’historien de travailler.
Mon chapitre préféré est consacré
à Ma‘aden Ijâfen, un site archéologique minuscule en plein Sahara, que Théodore
Monod atteint après 10 jours de caravane (sans GPS) sur la foi du témoignage
d’un chasseur d’antilope. Au XIIe ou au XIIIe siècle, des
hommes ont y abandonné du métal destiné à des bijoutiers ou des armuriers et
des coquillages des Maldives. Monod prend quelques photos (on est à
l’argentique) et repart pour 10 jours de caravane en dromadaire, emmenant
quelques objets pour analyse. Le site n’a jamais été retrouvé, avalé par le
désert.
Exemple de document remarquable :
une lettre de 1447 adressée à un négociant génois, représentant à Majorque
d’une maison de commerce génoise. Elle est en latin. Elle provient de l’oasis
de Touat (Centre Ouest algérien). L’auteur aussi est génois.
Si nul ne s’étonne de voir les
Portugais faire irruption depuis le sud,
c’est sans doute d’abord parce que nul dans ces eaux n’a de raison de savoir ce
qu’est le Portugal, microscopique royaume de l’extrême Occident chrétien aussi
éloigné de ces rivages que l’est le Japon à l’extrême Orient. Nul n’a de raison
non plus de savoir que ce royaume envoie une insignifiante flottille à l’assaut
de son monde, ni qu’elle entend le faire en contournant l’Afrique, ni du reste
que l’Afrique est susceptible d’être contournée. D’ailleurs, les Portugais ne
se disent pas portugais, mais chrétiens. C’est en tant que tels qu’ils entament
la remontée des côtes africaines vers le nord, en quête d’épices et d’or, d’un
pilote qui les conduira en Inde, et d’autres chrétiens s’il en existe dans ces
parages.
Ca me fait vraiment envie de lire ce livre et l'autre aussi.
RépondreSupprimerJe pourrais t'amener le Rhinocéros, il se lit très bien !
Supprimer