La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 10 janvier 2017

Cette barbarie est tellement folklorique.

Frederik Peeters et Loo Hui Phang, L’Odeur des garçons affamés, 2016.

Balade dans un Ouest américain tout à fait fantastique.

Nous suivons un trio : Oscar, photographe, fuyant diverses affaires et attiré par les garçons, Stingley, homme d’affaires repérant la zone où implanter sa ville idéale et cherchant une terre vierge (les Comanches ne comptent pas) et Milton, le garçon chargé des chevaux et de la cantine. Ces trois-là ne sont pas exactement ce dont ils ont l’air et cachent chacun un projet, une honte, un secret. Ils évoluent dans les paysages superbes du grand Ouest américain, suivis par un homme étrange (chasseur de primes ou zombie ?) et un guerrier comanche qui a l’air d’en savoir bien long. Les événements bizarres, voire franchement anormaux, ne tardent pas à se multiplier.
C’est un album surprenant. Il met au contact d’une imagerie traditionnelle (western, Indiens, chevaux) les clichés de la modernité (la photographie et la très grande ville), en montrant comment les deux sont liés de façon très étroite. La photographie marche avec le spiritisme et les Indiens semblent capables de maîtriser les deux et de faire appel à la sorcellerie si besoin. Les personnages sont assez réussis et inattendus. Les jeux de désirs entre les uns et les autres sont assez complexes, symbolisés par ces cavalcades de mustangs qui envahissent quelquefois la plaine et la page. L’atmosphère est pleine de sensualité (et plus si affinités).
La narration est complexe, car le lecteur doit être attentif à certains petits détails, tout en sachant plus ou moins de chose que les personnages. C’est un jeu que j’apprécie.


J’ai apprécié la narration et la composition des cases. Les dessins ne racontent pas exactement la même chose que les textes, les deux sont complémentaires. Les découpages de certaines actions offrent des points de vue singuliers. Cet art du cadrage est sans doute ce qui m’a le plus plu. En revanche, j’ai trouvé que l’on nous montrait trop souvent les personnages de biais, avec un petit regard en coin, façon « j’ai quelque chose en tête », c’est une facilité pour moi. Et les couleurs me laissent sceptique. J’apprécie le choix de certaines harmonies colorées, qui campent des atmosphères, les scènes nocturnes étant particulièrement réussies, mais je n’aime vraiment pas ces aplats synthétiques qui manquent de vie.

Merci à Babelio et à Casterman pour cette lecture.


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