Francis Scott Fitzgerald, Le dernier Nabab, traduit de l’américain
par Suzanne Mayoux, 1940, laissé inachevé par la mort de l’auteur.
Une excellente lecture.
La narratrice, Cecilia, est fille
d’un producteur d’Hollywood. « Je n’ai jamais paru à l’écran, mais j’ai
été élevée dans le cinéma. » Elle raconte une histoire, que l’on devine
peu à peu, celle de Monroe Stahr, lui aussi producteur, mais d’une autre
trempe. Elle reconstitue sa passion pour une femme, ressemblant étrangement à
son épouse disparue, mais fait également le récit des folles journées d’un
homme régnant sur la grande industrie d’Hollywood, chérissant les acteurs,
houspillant les scénaristes, jouant des rivalités et des jalousies, prenant des
décisions sur les histoires, sur les rushes, sur les plans…
Les yeux de Stahr et ceux de Kathleen se croisèrent, se lièrent. Pendant un instant, ils firent l’amour comme personne n’ose plus jamais le faire ensuite. Leur regard fut plus lent qu’une étreinte, plus pressant qu’un appel.
Ce roman m’a beaucoup plu. Il y a
d’abord la belle évocation d’Hollywood, loin des paillettes, du côté des
bosseurs et des décisions douloureuses, des tractations, des petites passions
du quotidien, tout cela côtoyant la mer, la plage, les soirées, les robes de
bal, les décapotables. Monroe apparaît comme un personnage insaisissable,
enfoui dans le travail, indifférent à tout, se réveillant subitement à la vue
de cette femme immédiatement mystérieuse. Il nous est décrit de l’extérieur et
conserve son impénétrabilité. J’apprécie aussi de rencontrer des héros de
Fitzgerald qui bossent et qui ne se contentent pas de picoler, Tendre est la nuit m’avait agacée sur ce
plan et en paraît encore plus affaibli. Le roman est ici en plein soleil.
Photo extraite de La Marie sur le port de Michel Carné, 1949, Médiathèque de Charenton-le-Pont, image RMN. |
Est-ce à cause de son
inachèvement ? Plusieurs pistes s’ouvrent au lecteur qui se demande où
veut nous emmener l’auteur. J’ai apprécié cette errance qui rend ces quelques
200 pages très riches. On se demande ainsi quel est le rôle de Cecilia.
Pourquoi s’intéresse-t-elle à Monroe ? Pourquoi raconte-t-elle certains
événements qui semblent sans rapport avec lui ? Est-elle un simple témoin
ou va-t-elle intervenir ? Le dossier du livre nous indique quel était le
projet de Fitzgerald et on peut supposer que certaines pistes se seraient
refermées. Mais tel quel, dans son flou, j’ai vraiment apprécié ce roman et je
me demande même si j’aurais aimé sa version définitive.
C’était pour moi la première
indication qu’il fût scénariste. Certes, j’aimais bien les écrivains – on peut
leur poser n’importe quelle question, on obtient presque toujours une réponse –
mais cette révélation le diminuait un peu à mes yeux. Les écrivains ne sont pas
tout à fait des personnes. Ou alors, s’ils ont du talent, ils sont tout un tas
de gens à la fois qui s’efforcent désespérément d’être une seule personne.
Du coup j’ai relu Gatsby dans la
foulée !
Depuis que j'ai lu Gatsby, je me tiens loin de tout autre texte de Fitzgerald. Je veux que rien n'amoindrisse mon souvenir de ce roman.
RépondreSupprimerAlors surtout ne lis jamais Tendre est la nuit, en revanche Le dernier nabab peut avoir une chance s'il te passe sous le nez.
SupprimerJ'avais adooooré Gatsby... il faudrait que je me replonge dans cet univers.
RépondreSupprimerJe viens de le relire et je l'ai encore plus apprécié que la 1e fois.
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