Joséphine Lesur, Et la gazelle devint chèvre. Pré-histoires
africaines d’hommes et d’animaux, 2017, édité par les PUM et le Muséum.
Cet ouvrage nous emmène sur le
continent africain*, quelques milliers d’années avant notre ère (à partir de –
10 000 ans jusqu’à des vues plus récentes) et s’intéresse aux animaux. Les
animaux domestiques, sauvages, domestiqués, mangés, chassés, élevés (ou pas).
Autant dire que c’est passionnant.
Il s’agit d’un ouvrage
scientifique qui présente tout d’abord plusieurs chapitres centrés sur un type
d’animal (la chèvre, le mouton, le cochon, le bœuf) avant de tenter une interprétation
plus globale et de s’interroger sur la notion de Néolithique africain. Certains
le trouveront compliqué à lire, mais sachez que tous ces chiffres, graphiques
et tableaux comparés sont là pour prouver que l’on est en présence d’un
discours scientifique et que la démonstration est vérifiable, c’est-à-dire
qu’elle peut être reproduite ou contredite. Si cela vous barbe, passez les
analyses de sites et allez directement aux articles de synthèse pour ne lire
que les conclusions. Si l’effort vous tente, les notes, les cartes et le
glossaire sont là pour vous aider.
Pour moi, parfaite néophyte, le
premier mérite de ce livre est de nous sortir de l’Europe et du Croissant
fertile où tout aurait été inventé. La révolution néolithique a eu lieu dans plusieurs
endroits du monde presque en même temps et le continent africain ne s’est pas
contenté d’être le berceau de l’humanité avant de disparaître de l’horizon. Et
même si Joséphine Lesur pense que le terme de néolithique n’est en l’occurrence
pas adapté, elle passe en revue toutes les hypothèses et débats sur le sujet.
C’est passionnant. Je me contenterai donc de relever quelques-unes des
questions qu’elle pose :
Les animaux ont-ils été
domestiqués en Afrique ? Ou bien au Moyen-Orient ? Et dans ce cas
comment sont-ils parvenus en Afrique ?
Si sur un site archéologique, on
trouve des ossements de bovins, comment savoir s’il s’agit d’animaux sauvages
chassés ou d’animaux domestiques ? Le distinguo entre les différentes
espèces est tout simplement vertigineux.
L’élevage ne s’accompagne pas
automatiquement de l’agriculture. Mieux, l’élevage ne signifie pas toujours
sédentarisation (la richesse des modes de vie des humains est infinie). Des
groupes humains se déplacent avec leurs troupeaux et peuvent continuer à
chasser, mais dans ce cas les animaux domestiqués sont choisis pour leur
mobilité (ce qui exclut le cochon).
L’élevage ne signifie pas
forcément consommation de viande, mais plutôt consommation de lait et de sang.
Et même si le lait ne laisse pas d’ossements, les archéologues peuvent quand
trouver des traces de sa consommation. Ils sont forts !
Le choix d’avoir des troupeaux
mixtes bovins-caprins-ovins pour faire face à toutes les péripéties
climatiques.
Le rôle de la chasse une fois que
l’être humain s’est mis à consommer majoritairement des animaux domestiques et
notamment de la chasse aux hippopotames.
Des sépultures avec plein
d’animaux (et là j’avoue qu’il y a des chiffres vertigineux !).
Oui, un boeuf scarifié et dont le corps fait l'objet de multiples décors. Un grand chapitre lui est consacré. |
D’ailleurs, la diversité des
techniques mises en œuvre pour analyser le passé laisse songeur :
génétique des humains et des animaux, analyse du climat, de la faune et de la
flore à diverses époques, ethnologie, techniques de sioux pour savoir à quelle
époque de l’année un campement pouvait-il bien être habité il y a
8 000 ans, etc. C’est tout
à fait remarquable.
Un livre qui complexifie l’esprit,
on ne va pas dire non.
*Moi je parle de l’Afrique, mais
évidemment le livre donne des lieux précis. Je vous laisse prendre la route.
Merci Babelio, PUM et Muséum pour
la lecture.
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Bonjour, je cherche à trouver des réponses à la question suivante : pourquoi l'homme a t-il "soudainement" domestiqué les animaux ? Pourquoi le chasseur est-il devenu éleveur ? Quelles ont été ses motivations ?
RépondreSupprimerAvez vous la possibilité de me dire si cet ouvrage donne des réponses à ces questions ? J'hésite encore à acheter ce bouquin. Merci :) Fred
Bonjour, ma lecture est un peu lointaine et j'hésite à vous répondre. Ce livre ne s'intéresse pas à "l'homme" en général, mais à des groupes humains bien concrets, vivant sur un continent donné. Je pense qu'il répond en partie à certaines de vos questions, mais pas à la totalité, parce qu'il n'y a aucune raison que la domestication ait été identique dans tous les endroits du monde. Ce livre doit en compléter d'autres.
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