La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 11 janvier 2019

Une si grande fortune couvrait d’un manteau d’or toutes les actions de cet homme.

Honoré de Balzac, Eugénie Grandet, 1834.

Une troisième lecture de ce classique exprès pour le blog.
Dans la bonne ville de Saumur, Balzac nous dresse le portrait du père Grandet, richissime avare. Dans sa maison vivent aussi la brave Nanon, madame Grandet (une sainte) et la fille, Eugénie, bonne et douce. Celle-ci (ou plus exactement sa dot) est très courtisée. Or un soir voici que débarque Charles, le cousin de Paris.
Une histoire bien connue, dont l’originalité réside avant tout dans le ton et dans la qualité des personnages. Grandet est un avare rusé, malin, qui se joue de ceux qui l’entourent, ce qui le rend plutôt sympathique et qui n’est pas totalement insensible aux larmes de sa femme et de sa fille. Eugénie est une jeune femme, pure, qui découvre tout un coup l’amour et la beauté, et dans le même temps, le chagrin et la cruauté. Quant au portrait de Charles, il est plus nuancé que ce qu’il semble. Tout d’abord un jeune fat, mais aussi un jeune homme sensible. Autour de tous ces gens, il y a Saumur, le vin de Touraine, les peupliers, le port sur la Loire, le commerce avec les villes alentours. Il y a d’ailleurs une mention de l’esclavage qui jette une lumière crue sur le caractère du personnage qui s’y livre.
À quoi tient la réussite de ce petit roman ? Son parfait équilibre, sa tension subtile et la langue, hésitant entre le lyrisme et l’ironie lapidaire. Balzac parvient tout à la fois à évoquer des tableaux subtils et délicats, où les fleurs s’allient aux tendres sentiments, et à rapporter les remarques cyniques des personnages.

Au secours, cette lecture m’a donné la mélancolie de la Touraine ! Je veux y retourner.

Il se trouve dans certaines provinces des maisons dont la vue inspire une mélancolie égale à celle que provoquent les cloîtres les plus sombres, les landes les plus ternes ou les ruines les plus tristes. Peut-être y a-t-il à la fois dans ces maisons et le silence du cloître et l’aridité des landes et les ossements des ruines. La vie et le mouvement y sont si tranquilles qu’un étranger les croirait inhabitées, s’il ne rencontrait tout à coup le regard pâle et froid d’une personne immobile dont la figure à demi monastique dépasse l’appui de la croisée, au bruit d’un pas inconnu.

Malgré ses quarante ans, malgré sa figure brune et rébarbative, flétrie comme le sont presque toutes les physionomies judiciaires, il se mettait en jeune homme, badinait avec un jonc, ne prenait point de tabac chez mademoiselle de Froidfond, y arrivait toujours en cravate blanche, et en chemise dont le jabot à gros plis lui donnait un air de famille avec les individus du genre dindon. Il parlait familièrement à la belle héritière, et lui disait : Notre chère Eugénie !
 
Un village de Touraine.

8 commentaires:

Dominique a dit…

peut être mon roman préféré de Balzac avec le Lys
un bonheur parfait c'est l'écoute du roman lu par André Dussolier

nathalie a dit…

Il est particulièrement réussi. Très court. Très équilibré dans les personnages, les temps, les lieux.

keisha a dit…

je vais craquer! Bien sûr je l'ai déjà lu, mais il y a si longtemps qu’une lecture maintenant, avec des années de plus, s'impose

nathalie a dit…

Mais grave !

Lili a dit…

Je ne l'ai jamais lu, figure-toi ! Une excellente raison pour craquer aussi :D

nathalie a dit…

C'est peut-être un des premiers Balzac que j'ai lus.

Unknown a dit…

Relu il y a quelques mois et je m'étais régalée!

nathalie a dit…

Et d'ailleurs ton billet m'a donné envie de le relire !