Jón Kalman Stefánsson, Lumière d’été, puis vient la nuit, traduit de l’islandais par Éric Boury, parution originale 2005, édité en France par Grasset.
Des années dans un village perdu, dans un fjord, 400 habitants et les fermes autour. Tout commence, quand le directeur de l’Atelier de tricot (ah on est bien en Islande) commence à lire des livres en latin et à se préoccuper des étoiles. Il devient dès lors l’Astronome. Et puis, nous suivons la vie de son fils, Daviđ, et celle de la voisine et puis du maire et puis de tel ou tel fermier. Il ne se passe rien ou plutôt il se passe la vie, avec ses riens. Des gens tombent amoureux ou des gens couchent ensemble, un homme revient du bout du monde, un fils tente de s’inscrire à la suite de son père mais n’y parvient pas. On se met au sport, on essaie de suivre la modernité. On préfère être avec ses moutons. Il y a quand même l’Entrepôt qui est hanté.
Une chronique, mais pas dans l’ordre chronologique, ce qui perturbe nos impressions. Le livre se clôt sur une note tragique, alors que la fin a été racontée précédemment, pleine de vie. Il n’y a pas à tirer de conclusion, parce que l’existence humaine est à la fois triste et joyeuse, pleine d’espoir et désespérée, parce que rien n’a de sens.
Nous parlons, nous écrivons, nous relatons une foule de menus et grands événements pour essayer de comprendre, pour tenter de mettre la main sur les mystères, voire d’en saisir le cœur, lequel se dérobe avec la constance de l’arc-en-ciel.
Et qui est le narrateur ? Ce « nous » qui raconte, qui représente la communauté, mais qui connaît tous les secrets, toutes les pensées, toutes les peurs enfouies sous les doudounes et enfermées dans les maisons. Qui juge un peu, en prétendant ne pas juger, qui choisit les épisodes racontés et qui les ordonne, qui décide de débuter le roman et de le terminer. Il y a des histoires dont nous n’avons ni le début ni la fin. C’est un aperçu sur des existences dont on ne sait ce qu’il adviendra d’elles. Beaucoup de sexe et de désir et d’amour dans ce roman – est-ce que dans la vraie vie les gens ne sont pas un peu plus seuls ?
Les ténèbres sont parfois bienveillantes, elles nous apportent la lune et les étoiles du ciel, la lumière de la maison des voisins, le programme télé, le sexe, une bouteille de whisky, gardons-nous de trop les dénigrer.
J. Cuvenes, XVIIe siècle, Nature morte aux fruits, Fondation Bemberg |
J’ai beaucoup aimé ma lecture, mais j’avoue une préférence pour Ásta. J’éprouve un léger sentiment de vide, voire de facilité, mais aussi de tristesse (ce qui est fréquent avec ce romancier, où je me sens toujours un peu plus seule après ma lecture). Encore une fois, je réaffirme mon envie de relire Entre ciel et terre et de lire la trilogie associée. Hem. Va peut-être falloir s’y mettre.
Il regardait ce qu’il avait écrit, ce bout de phrase ressemblait à un nuage de pluie au sommet de la feuille, un nuage lourd de souvenirs, lourd de trente-sept années, ce qu’est une vie d’homme, pensait Finnur, il s’est reculé au fond de son fauteuil et les semaines ont passé. La lune grossissait et mincissait. Le clair de lune est blanc et parfois transparent, il fait naître des pensées, des sentiments que nous peinons à maîtriser, certains tirent les doubles rideaux pour ne pas perdre la raison, à d’autres, il pousse des ailes. Aucun mot ne pleuvait du nuage qui se desséchait peu à peu au sommet de la feuille, le soleil entrait par la fenêtre, l’encre pâlissait, ce qu’est la vie d’un homme.
Stefánsson sur le blog :
Entre ciel et terre
D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds
Ásta
Bon, si je veux démarrer avec l'auteur, mieux vaut un autre titre, là je sens les bémols
RépondreSupprimerMais Claudia Lucia est bien plus positive que moi ! Ceci dit, oui, je suis plus mesurée.
SupprimerJ aime beaucoup cet auteur
RépondreSupprimerMoi aussi, mais je ne le connais pas assez !
SupprimerTu es plus mesurée parce que tu as déjà lu Asta et qu'il est encore meilleur que celui-ci ! Moi, c'est le premier que je lis de lui et oui, je le trouve bon ! Et, bien sûr, j'ai l'intention de lire les autres !
RépondreSupprimerJe qu'Asta est plus complexe dans sa construction et plus subtil, j'avais été très émue à sa lecture.
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