Joe Sacco, Payer la terre, traduit de l’américain par Sidonie Van Den Dries, édité en France par Futuropolis et XXI, parution originale 2020.
Un reportage au long cours auprès des Premières Nations des Territoires du Nord-Ouest du Canada, une région immense.
Sacco, accompagné d’une amie qui l’a aidé et guidé, s’est rendu dans cette région, y compris dans des endroits bien paumés, et s’est entretenu longuement avec plusieurs autochtones. Responsables politiques, administratifs, associatifs, commerçants, amis, famille d’amis… différentes générations et différentes classes sociales, pour recueillir autant de témoignages sur ce qu’il s’est passé « avec la terre » dans cette région.
Le point de départ est celui des traités signés au XIXe siècle avec le gouvernement canadien. Le cœur du récit est constitué par les négociations pour l’exploitation (et l’accaparement) du sous-sol (gaz, pétrole). Compagnies pétrolières, représentants des autochtones, état fédéral, région… Le sujet est assez complexe (entrecroisement des différents niveaux de responsabilité dans un pays fédéral, rapports de force entre les différentes Nations, enjeux locaux) et je suis loin d’avoir tout saisi au cours de cette première lecture. Le point fort est la diversité des points de vue. Bien sûr, on déplore la destruction de la forêt et la pollution de l’eau, mais on loue l’arrivée d’une activité économique, la possibilité offerte aux autochtones d’être moins dépendants de l’État et d’avoir prise sur les activités des entreprises et d’être acteurs de leur développement. Le tout sans angélisme : certains regrettent la vie dans la forêt, mais rappellent la faim ou les maladies ou les accouchements. Et d’autres avouent qu’ils n’aimaient pas piéger les animaux. D’ailleurs, les représentants des Nations sont loin d’être tous emprunts de sagesse. Le sexisme et la mainmise de quelques-uns sur les décisions ne sont pas passés sous silence.
L’accent est mis sur les conséquences sociales de ce siècle de transformation. La vie sédentaire, l’alcool dont les ravages sont abondamment décrits, la violence au sein des familles (il y a des pages éprouvantes), l’ignominie des enfants enlevés à leur famille et placés dans les instituts pour être totalement coupés de leur monde (des passages totalement démoralisants). Il est question du vol de la terre, de la destruction d’une culture et de ses valeurs et d’une perte d’identité.
Le livre dresse le portrait de très nombreux militants de la cause autochtone, avec leur parcours familial, personnel et politique et leurs aspirations pour les leurs. C’est un très vaste panorama, nourri d’une importante documentation historique, ouvert sur l’avenir. Il se clôt sur des jeux très étonnants et un moment de partage.
Des dessins que je trouve un peu froids, mais servis par une mise en page expressive. L’accent est toujours mis sur les visages et les mains – sur les êtres humains, avec leur grandeur et leur bassesse.
À lire plusieurs fois !
Merci Magali pour la lecture !
OKOK, je veux le lire!!!!
RépondreSupprimerTu sais que ma chambre d'amis est actuellement située à 1 mètre de ma bibliothèque ? Mais oui, je pense que cela t'intéressera !
Supprimerchaque pays a ses pages noires et c'est bien qu'elles soient mises au jour
RépondreSupprimerSacco ? l'auteur porte un nom prédestiné en matière protestation sociale !
Il fait des grands albums documentaires. Il y en a sur la Première guerre mondiale qui est somptueux, un sur Israël et la Palestine.
SupprimerElle me plaît bien, cette BD, le thème, les dessins, merci pour la découverte !
RépondreSupprimerOn me l'a offert, je ne me serai pas tournée vers elle spontanément, donc... de rien !
Supprimer(je rigole, en général quand je suis quelque part je regarde les livres)
RépondreSupprimerOups, trop tard, il est à la bibli! ^_^