La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 25 mai 2023

Il avait toujours été un étranger ici, et il avait payé le prix de son ignorance.

  

 

 

James Welch, À la grâce de Marseille, traduit de l’américain par Michel Lederer, parution originale 2000.

 

À la fin du XIXe siècle, Charging Elk se réveille dans un hôpital tenu par des blancs. Il est « indien » Oglala, un clan des Lakotas, un peuple venant d’une région qui ne s’appelle pas encore le Dakota. Les souvenirs lui reviennent : la marche de la tribu vers de possibles terres, la guerre, l’anéantissement, la domestication des siens par les blancs, l’impossibilité de vivre et l’engagement dans la troupe de Buffalo Bill, pour voir ce qui est possible ailleurs. Il est tombé malade. La troupe l’a déposé à l’hôpital et a continué sa tournée, le laissant là, à Marseille.

Et c’est ainsi que nous partons dans l’histoire de ce jeune homme, seul et malade, alors qu’il ne parle ni anglais ni français. Il est pris dans un imbroglio administratif, puisque pour les États-Unis il n’est même pas citoyen américain. Que va-t-il devenir ? Il fait sa vie.


Soudain, l’esprit clair, il revit la parade du Wild West Show entre la gare et le chapiteau. Il se sentait fier alors, fier d’être un Lakota, fier d’appartenir à la troupe, fier de son apparence.


Ce n’est sans doute pas un grand roman. La narration est trop lente et poussive et j’ai passé un bon paquet de pages dans le milieu. Mais j’ai apprécié les portraits des différents personnages, dont aucun n’est totalement blanc ou noir. Les Français, bêtes et ignorants, racistes qu’ils soient bienveillants ou malveillants, ou généreux et touchés par cette détresse. Le vice-consul des États-Unis presqu’autant en exil et sans famille que le héros.

Et puis bien sûr, Charging Elk, le héros. Le roman peint très bien les divers sentiments qui l’animent. La nostalgie de l’enfance, libre, à cheval, avec les siens. Le désespoir et la famine. Les sentiments ambigus vis-à-vis du Wild West Show, qui l’emploie, qui représente les Indiens de façon totalement fausse, mais qui lui permet d’accéder à une existence enviable, d’autant que les Français préfèrent nettement les Indiens. Le voici en train de parader avec ses vêtements de cuir, ses bijoux, ses plumes. C’est qu’il est beau ce jeune homme.


Il éprouvait alors la peur constante, effroyable, de ne pas regagner son pays, de rester à jamais parmi ces gens et de mourir ici.

Oui, sur cette affiche, Rosa Bonheur peint Buffalo Bill comme le Napoléon des temps moderne, y a quoi ? (1889 Whitney Western art museum, Cody)

Et Marseille ? Welch semble s’être renseigné sur l’ambiance des différents quartiers (le Panier, la rue d’Aubagne, le marché aux poissons sur le Port, Borely), mais guère plus. La mention du Quai des Belges et l’absence de référence au pont transbordeur sont significatives. C’est ici simplement un décor !

Je découvre James Welch, auteur appartenant au peuple Pieds-noirs. J’avoue ne pas avoir toujours apprécié certaines façons de transcrire le mode de pensée de Charging Elk, qui me semblent infantilisantes. En revanche, j’aime bien l’alternance entre ses rêves, ses souvenirs et ses réflexions sur sa nouvelle vie. Je lirai peut-être L’Hiver dans le sang du même auteur.

 

Le jeune Indien n’appréciait guère le contact des habits neufs, mais il était soulagé de voir que les autres hommes étaient vêtus comme lui. Si la veste et le pantalon avaient été un peu plus longs, il aurait presque eu l’impression d’être l’un d’entre eux. En tout cas, en se tenant parfaitement immobile, il avait le sentiment d’être plus ou moins invisible.

 

J’imagine que cela compte pour l’activité organisée par Ingannmic autour des minorités ethniques.

Il y a un billet chez Marsactu




 

 

 

 

8 commentaires:

keisha a dit…

Je comprends que tu aies lu ce titre avec un regard particulier, mais je ne te sens pas enthousiaste.

je lis je blogue a dit…

Il me semble que j'ai lu ce roman mais cela remonte à de nombreuses années

Anonyme a dit…

En ce moment, on parle beaucoup des tournées de Buffalo Bill en France et en particulier en Provence. C'était une entreprise assez colossale ! C'est dommage que le livre ne soit pas plus réussi car c'est un beau thème.

nathalie a dit…

C'est exactement cela. On me l'a prêté, c'était intéressant mais voilà. Je suis quand même décidé à tester un autre titre !

nathalie a dit…

Je crois qu'il a eu un certain succès en France, j'ai vu des exemplaires chez des gens.

nathalie a dit…

Oui c'est assez fou à s'imaginer. Je trouve bien que le livre ne soit pas d'un bloc à leur sujet et montre toute l'ambivalence du spectacle.

Ingannmic, a dit…

Tu imagines bien, cela rentre effectivement dans le cadre des "Minorités ethniques", je récupère ton lien, et merci pour la participation. Sur le Buffalo Bill's Wild Show, j'avais aimé le roman d'Eric Vuillard (c'est Eric, d'ailleurs, j'ai soudain un doute ?), Tristesse de la terre.

nathalie a dit…

C'est bien Éric. J'ai lu son roman sur la prise de la Bastille, que j'ai aimé, mais je suis un peu méfiante vis-à-vis de lui, j'avoue.