Richard Wagamese, Jeu blanc, traduit de l’anglais par Christine Raguet, parution originale 2012.
Un homme dont on comprend qu’il se trouve en centre désintoxication alcoolique se met en devoir de raconter son histoire.
Il s’appelle Saul Indian Horse, il est Ojibwé et son histoire est celle des autochtones détruits par le gouvernement canadien. Les souvenirs d’enfance avec la grand-mère, dans la forêt, avec les récits de la famille et du peuple, les déchirements de la famille, la nécessité de cacher les enfants et puis l’arrachement et l’enfance dans l’internat prison, avec les stratégies de résistance, d’enfouissement et d’oubli qui se mettent en place. Saul découvre très tôt le jeu du hockey sur glace, un sport national au Canada. Il y révèle un talent rare et c’est le début d’une carrière pour lui. Ou du moins une tentative pour un « Indien » de mettre le pied dans un jeu dont les blancs s’estiment propriétaires. Lui ne saurait avoir aucune légitimité. C’est le récit d’une descente au fond du gouffre et d’une difficile remontée.
Je n’avais jamais eu de nouvelles de mes parents. Peut-être que la boisson les avait aussi facilement mis sous sa coupe que le hockey s’était emparé de moi. Certains soirs, je me sentais dévasté par la douleur de la perte. Mais je savais que la solitude serait effacée par le lustre de la glace sous le soleil, par l’air froid sur mon visage, par le bruit d’une crosse en bois déplaçant latéralement une rondelle de caoutchouc gelé.
Le roman se lit bien, mené d’une écriture rapide et sans fioriture, tout en étant difficile à lire, au vu de ce qui est raconté. Les pages consacrées à l’internat sont lourdes, j’ai passé celles parlant de l’alcool.
Et le hockey ? Tout en n’y comprenant rien, j’ai apprécié ces pages menées par un auteur qui, lui, s’y connaît. Elles sont précises et concrètes. Je trouve que l’auteur parvient assez bien à transcrire la beauté et la violence du jeu. J’ai apprécié les récits d’entraînement, sur la glace en hiver, le matin, pour se sauver de la réalité, et la peinture des tournois amateurs, quasi-familiaux, avec les longs voyages en camion.
L'ensemble prend véritablement aux tripes. Ce qu'un pays a fait subir à des enfants dans leur corps, dans leur coeur et dans leur esprit est si insoutenable.
Vu à l'été 2022, partout dans la réserve autochtone. |
Le jour suivant mon arrivée, un garçon du nom de Curtis White Fox se fit laver la bouche au savon à la soude parce qu’il avait parlé ojibwé. Il s’était étouffé et était mort là, dans la classe. Il avait dix ans. Alors les enfants se mirent à chuchoter. Ils apprirent à parler sans bouger les lèvres, étrange ventriloquisme qui leur permettait de maintenir leur langue en vie.
Je n’ai plus qu’à lire le second titre de l’auteur qui se trouve sur l’étagère.
Lecture commune en retard avec Ingannmic.
Un peu en retard, mais vraiment un choc, cette lecture.
RépondreSupprimerC'est exactement ce qu'on ressent à l'issue de cette lecture : elle prend aux tripes !
RépondreSupprimerOui, pfiouuu, faut pas lire ce livre avant de dormir !
SupprimerCes pensionnats sont vraiment un épisode terrible pour les Indiens du Canada. J'ai lu ce livre très émouvant ainsi que celui de Michel Jean sur le sujet : c'est dur.
RépondreSupprimerAh Kukum est tellement sensible. Plus apaisé que celui-ci, mais oui, oui, c'est dur.
SupprimerUn auteur passionnant et émouvant à lire, j'ai encore en tête les héros de ses romans ce sont des récits qui me font penser par association aux récits sur la vie des arborigènes en Australie et la vie épouvantable qui fut la leur pendant des décennies
RépondreSupprimerIl y a aussi eu des pensionnats en Guyane. On peine à se rendre compte de toutes les horreurs qui se sont faites partout.
Supprimerj'ai lu deux livres de cet auteur, conseillé.
RépondreSupprimerOui, il est reconnu.
SupprimerMon commentaire s'est perdu dans le brouillard. Bref, une bonne LC
RépondreSupprimerAstuce : copier son commentaire et si on n'a pas le message "votre commentaire sera validé etc." recommencer.
SupprimerC'est terrible cette volonté "d'effacer" dans la tête des enfants leur appartenance à un peuple, une langue, à des coutumes et à leur famille et, ne plus, sans que cela résolve le racisme et le rejet !
RépondreSupprimerLes petits provençaux l'ont vécu aussi peut-être en moins violent parce qu'ils n'étaient pas séparés de leur famille mais il avaient aussi des punitions et des coups de règles s'ils ne parlaient pas le français d'oil !
Les enfants provençaux ont souffert, mais ce n'est pas comparable à cette destruction systématique d'un peuple. Ce qu'il s'est passé dans ces pensionnats est inimaginable.
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