La Vie de Lazarillo de Tormès, publication originale 1554, traduction de Bernard Sesé.
Relecture d’un petit chef-d’œuvre anonyme, un de ces textes à qui l’on doit la modernité romanesque.
Le narrateur prétend être ce petit Lazare venu de rien (on ne le croit pas). Issu d’une famille pauvre, il raconte son ascension sociale. D’abord au service d’un aveugle qui le maltraite, mais qui lui apprend à mendier et toutes les ruses de la vie. Puis au service d’un moine avare – le face à face avec le coffre plein de pains est digne d’un vaudeville. Puis un maître honnête et généreux, un écuyer qui ne possède en tout et pour tout qu’une épée et de l’honneur, digne mais ridicule. Quelques autres maîtres avant de trouver le protecteur ecclésiastique qui le mariera à sa maîtresse et lui donnera un bon métier. Le récit s’interrompt là…
Je trouve bon, pour ma part, que des choses si remarquables, et peut-être même jamais vues ni entendues, soient connues de beaucoup de gens et ne demeurent pas ensevelies dans le tombeau de l’oubli, car il se pourrait bien que quelque lecteur y trouve quelque chose à son goût, et que ceux-là même qui n’iraient point aussi profond, y prennent plaisir.
C’est le début.
On se moque des membres du clergé, radins et médiocres, vendeurs de bulles papales, les corrompus étant les plus honnêtes. C’est un maure qui nourrit le héros quand il est enfant et les voisines qui le prennent souvent en pitié. Drôle de société.
J’ai pris grand plaisir à cette relecture. Le texte est enlevé, brillant, 100 pages d’un narrateur qui se tourmente et fait des plans sur la comète et essaie de se débrouiller dans la vie. Les portraits sont rapidement et efficacement tracés, le propos est ironique mais humain. Je recommande !
Francisco de Zurbarán, Fray Jerónimo Pérez, Madrid Academia de las Bellas artes San Fernando |
Mais je dormais bien mal, et j’attribuais cela au manque de nourriture, et ça devait être vrai, car en ce temps-là ce n’étaient certes pas les tracas du roi de France qui m’ôtaient le sommeil.
À la maison, du moins, nous demeurâmes tout ce temps sans manger ; quant à lui, où il allait et comment il mangeait, je l’ignore. Mais il fallait le voir revenir à midi, redescendant la rue, droit comme un i, plus long qu’un lévrier de bonne race ! Et pour tenir ce maudit point d’honneur, comme ils disent, il prenait un brin de paille, dont la maison n’était déjà guère pourvue, et il sortait sur le pas de la porte pour s’y curer les dents où il n’y avait rien à curer.
(ah ! ce lévrier ! quel humour !)
Il y a un premier billet.
Première participation au mois espagnol de Sharon.
Incroyable : pour la première fois depuis que je te lis, j'a deviné d'après le titre de quel livre tu nous parlais aujourd'hui ! Grand, très grand livre !
RépondreSupprimer@Sandrine : j'ai encore plus apprécié à la relecture, oui c'est vraiment une réussite.
RépondreSupprimerJe crois que tu avais réussi la même performance à partir d'un billet sur Hilsenrath avec une citation de particulièrement mauvais goût (comme quoi, certaines citations sont très parlantes).
Ben moi je ne connaissais pas du tout, pourtant je n'ai rien contre le picaresque de ces temps là. Une de mes biblis le possède, chez une autre, c'est exclu du prêt, consultation sur place, etc.
RépondreSupprimerA lire les comm sur l'autre billet : tu n'as pas lu Gil blas de S???
@Keisha : bah non toujours pas lu, comme quoi les trous dans la raquette sont toujours aussi gros ! Lazarillo existe en poche GF (c'est l'édition que j'ai).
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas non plus mais je ne suis pas une référence en matière de littérature espagnole et de romans picaresques.
RépondreSupprimer@JeLis : Ah ce n'est pas très actuel; un peu lointain dans les études de lettres.
RépondreSupprimerun grand classique mais jamais lu, il y a tant à lire que parfois c'est excitant et parfois décourageant
RépondreSupprimer@Dominique : il est court avec un ton enlevé, ça se tente !
RépondreSupprimerMoi qui pensais, en lisant Don Quichotte, avoir fait ce qu'il fallait en termes de remonter aux sources de la modernité romanesque, je vois que je me suis lourdement trompée. Le catalogue des bibliothèques publiques indique qu'on trouve en Hongrie un exemplaire d'une "nouvelle" traduction en français, publiée en 1616, et une "traduction nouvelle" parue en 1886 (c'est tout et c'est déjà beaucoup!) ce qui signifie que je vais passer mon tour pour le moment.
RépondreSupprimer@Passage : et encore Don Quichotte est beaucoup plus tardif et fait référence à des tas de romans cultes aujourd'hui presque oubliés (enfin, il y a l'Arioste quand même). Je pense que certaines traductions doivent être libres de droit et accessibles en ligne depuis le temps.
RépondreSupprimerUn livre que j'avais étudié à la fac en littérature comparée sur le thème des romans picaresques. J'avais beaucoup aimé.
RépondreSupprimer@Claudia : il est très réussi, très enlevé, avec beaucoup d'humour.
RépondreSupprimerMerci pour ta participation ! Je ne connaissais pas du tout non plus.
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