Série iconographie sur Jésus – la Passion II – le retour !
Plus sérieusement, en 2020, à l’époque de l’ennui et des musées fermées, j’avais lancé ici le grand récit de la Passion. Cette année, ce sera le petit récit, histoire de vous montrer les œuvres que j’ai vues et photographiées en quatre ans. Ce sera beaucoup moins fourni, mais quand même bien beau.
J'ai une seule nouvelle œuvre pour illustrer les Rameaux et l’entrée de Jésus à Jérusalem. En 2020, je vous avais montré des figures utilisées pendant les processions, Jésus sur son âne à roulettes, les peintures de Vicq et les dessins de James Ensor.
Cette année, un nouvel âne à roulette, celui du musée de Cluny.
Fabriqué en Allemagne au XVe siècle, en bois peint. La figure était tirée en tête de la procession du dimanche des Rameaux pour commémorer l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem. Pourpre impériale et simplicité.
Nous passons donc directement à la Cène. Le dernier repas rassemble Jésus et ses amis, moment où il instaure l’eucharistie et annonce sa prochaine trahison. Ainsi que nous l’avons vu récemment, c’est aussi le moment du Lavement des pieds.
En 2020, je vous avais montré les peintures de Vicq – c’est un incontournable – et une peinture conservée à Avignon, mais j’avais aussi trouvé moyen de parler longuement de Tintoret. Cette année, ce sera beaucoup plus riche.
Commençons par cette grande Cène de Véronèse (1580, Brera, 2,2 x 5,2 mètres). Beaucoup de monde dans cette composition très déséquilibrée, où l'essentiel se passe à gauche de la grosse colonne centrale. Jésus est bien reconnaissable à l'extrémité. Il semble en train de bénir une hostie avant de la donner à l'apôtre agenouillé devant lui, plutôt comme un prêtre. Rappelons que ces grandes toiles étaient souvent destinées à orner le réfectoire d'un couvent. En tout cas, nous nous éloignons un peu de la représentation habituelle de l'Eucharistie où Jésus s'adresse au collectif de ses amis (et au spectateur) et non à un seul.
Jean se tient à côté de Jésus, mais un autre apôtre est descendu de son tabouret pour mieux observer ses gestes, dans une attitude assez spectaculaire. Les autres semblent discuter avec passion, sans doute au sujet de l'annonce de la future trahison, qui les bouleverse. L'un d'eux donne un morceau de pain au chien. L'aubergiste se tient près de la seconde colonne à l'arrière. À droite, une servante enfant fait l'aumône à un homme agenouillé. À l'arrière-plan droit, un couple dîne, un homme portant turban et une dame en belle toilette.
C'est un tableau assez sombre. Point ici de verts, de bleus ou de roses propres au peintre. Le déséquilibre vise à mettre en valeur la figure de Jésus assis à un coin de table.
En plus du chien, il y a un petit chat très mignon.
La Cène de Gérard Douffet (1620 Nantes BA). En voilà une étrangeté. Un rideau de théâtre encadre ce qu'il faut bien appeler la scène. La table est carrée, mais la lumière projette une ombre parfaitement ronde. Et nos hommes sont allongés à la romaine, mais accoudés à cette table. Cela discute ferme dans ce qui ressemble à une boîte sur laquelle le spectateur a une vue plongeante.
Jésus est assis au coin, dans l'axe centrale de la toile, la tête de Jean reposant sur ses genoux. Il donne la communion à l'apôtre assis près de lui, comme dans le tableau de Véronèse. Les autres regardent et commentent ce qu'ils voient, avec force gestes.
J'aime bien cette composition très originale. Il faut avouer que les représentations de Cène où tout le monde fait face au spectateur (sauf Judas) sont souvent un peu figées. Les voici tous réunis à égalité autour de la table - même s'il n'y a rien à manger. Je trouve également que les attitudes sont très bien rendues, avec cette lumière qui éclaire inégalement les visages et qui les sculpte.
Dernière Cène de Pieter Pourbus (1548 Bruges Groeninge). Judas quitte la salle, tenant l'argent et renversant la chaise, alors même qu'un de ses amis essaie de le retenir. Jésus est très calme. Les autres l'écoutent, sont affligés, prennent des notes, discourent. Enfin, tout est sans dessus dessous. À l'extrême droite... entre un serviteur bien effrayant : visage de tête de mort, bois de cerf, pieds et mains griffus... c'est certainement un émissaire du mal qui tend les bras à Judas.
Cette représentation est saisissante. À nos yeux, elle est puissamment surréaliste (difficile de ne pas penser à certains collages des années 1920). Je pense qu'elle a dû inspirer le peintre James Ensor qui habitait à quelques kilomètres de Bruges.
Ceci est un peigne liturgique. Avant d'en arriver à l'iconographie, je vous invite à
lire l'article Wikipedia pour savoir à quoi peut bien servir cet étrange objet. Il est question d'un "
usage sacré visant à purifier le prêtre avant l'office. En peignant les cheveux, le clerc assistant le prêtre le purifie des souillures physiques et morales." Soit. Ce peigne est en ivoire de morse et a été sculpté en Angleterre au XIIe siècle (il témoigne de l'importance du commerce de l'ivoire de morse, mené avec les scandinaves, à une époque où certains de ces derniers sont installés au Groenland) et il est conservé au musée de la Princerie de Verdun.
Et l'icono ? On voit au centre à gauche la Cène : Jésus est au centre, c'est le seul avec une auréole. Judas serait-il assis en face de lui tout seul sur la chaise ? En tout cas, du poisson est servi. Au centre, mais plus à droite, baiser de Judas et arrestation. Tout à droite, flagellation : on voit bien Jésus attaché à la colonne en train d'être battu. Et il y a de très jolis anges et une scène d'enseignement dans les coins.
Ce petit peigne est magnifique. Le détail des plis des vêtements, des doigts, des yeux. Les attitudes sont longues et élégantes.
Si vous avez visité l'exposition du musée du quai Branly sur les Black Indians, vous n'avez pas pu manquer cet extraordinaire costume de Carnaval. Sinon je vous laisse jeter un oeil à la présentation. Costume conçu et fabriqué par Alfred Doucette, illustrant La Cène et la Crucifixion (an 2000, collection privée, textiles, plumes et perles). La Cène se trouve sur le tablier, table ronde égalitaire, mais Jésus est en haut. Ils sont tous là auprès de lui. Ce costume est une merveille.
Au-dessus de la Crucifixion, il est écrit Prince of peace.
Je suis contente d'avoir réussi à trouver des représentations aussi variées. La semaine prochaine, nous assisterons au début du martyre de Jésus.
Varié, vraiment d'un peu partout, je suis épatée!
RépondreSupprimerJ'ai remarqué que les apôtres sont en général assis sur des chaises, sauf quand ils sont semi allongés à la romaine.
L tableau de Nantes st intéressant, pour le quai Branly, bravo, tu as l'oeil.
Pour le petit chat, aussi. A quand un billet spécial le chat dans les oeuvres?
La Cène de Véronèse est impressionnante mais je ne peux pas dire que je suis en extase, pour moi rien de vaut Leonard !!
RépondreSupprimer@Keisha : c'est un des thèmes les plus fréquemment représentés !
RépondreSupprimerIl existe sur les réseaux sociaux des comptes consacrés aux chats/chiens/autres dans l'art mais cela nécessite de bien repérer les oeuvres... je préfère rester sur mon créneau.
@Dominique : eh je sais, tu es une inconditionnelle de Léo !
La cène de Véronèse est étonnante dans sa composition. Elle donne une impression de mouvement et de désordre. J'en ai rarement vu de semblable ! Souvent le Christ et Jean sont au centre (comme celle de Pourbus, mais lui aussi n'est pas classique avec Judas qui quitte la salle et la mort qui entre en scène). D'habitude tous ont une auréole sauf Judas, ce qui est bien pratique pour le reconnaître !!
RépondreSupprimer@Claudia : en réalité il faut considérer ensemble toutes les représentations de repas religieux de Véronèse (Cène, repas chez Simon), ces grands tableaux destinés souvent aux réfectoires des couvents. Il casse la composition, pour la rendre dynamique, le personnage principal est souvent sur le côté, voire dans un coin. Et oui, il nous en met plein les yeux !
RépondreSupprimerJ'adore le peigne! bizarre le baldaquin! Les autres sont plus classiques!
RépondreSupprimer@miriam : oui il y a des vraies raretés.
RépondreSupprimer