Claude Pujade-Renaud, La Nuit la neige, Arles, Actes Sud, 1996.
Un roman qui s’inscrit dans la
lignée du Désert de la grâce. L’auteur
porte son intérêt sur la même période historique (l’Europe de la fin du règne
de Louis XIV à la Régence) et fait encore une fois les paroles de femmes
s’entrecroiser au fil des années.
Au début du roman, la princesse des Ursins, camerara mayor de la cour d’Espagne, femme politique et aventurière
tout à la fois, est en exil à Gênes. Elle revient sur son éviction, une nuit
d’hiver en Castille, chassée du pays par la nouvelle reine…
C’est que nous sommes en une
période complexe. Philippe V est sur le trône d’Espagne, un roi français,
petit-fils de Louis XIV. Il reçoit en 1701 comme 1e épouse
Marie-Louise-Gabrielle de Savoie, amenée à Madrid à 13 ans par la princesse des
Ursins qui a reçu comme consigne de veiller à la paix entre la France et
l’Espagne et qui aura la haute main sur toutes les affaires espagnoles.
Philippe V est un roi mélancolique, à la raison vacillante, rongé par la
culpabilité catholique. Pendant des années, la princesse espionne et gouverne,
s’occupe des naissances et du couple royal, essaie en vain de s’attaquer à l’Inquisition. Puis la reine
meurt ; après la période de deuil obligatoire, il faut à nouveau fournir une
épouse au roi. C’est une époque où les filles sont amenées, transportées, échangées,
comme du bétail, au gré des alliances et des politiques, faisant leur devoir de
reine. Arrive alors la seconde épouse, Élisabeth
Farnèse, qui destitue la princesse des Ursins. Et le roman commence…
Madrid, monastère de Las Descalzas
Reales, image M&M.
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Les voix s’entrecroisent, celle
de la princesse des Ursins et de sa camériste, de la seconde reine d’Espagne,
venue d’Italie, de sa fille, échangée contre une princesse française, des
nourrices… Un seul homme, un roturier devenu cardinal, dans cet univers de
femmes. Monologues et souvenirs, elles sont lucides sur leur sort et leur époque.
Le décor : les souvenirs
d’Italie parsèment le roman mais c’est le sombre palais de l'Escorial avec son Pourrissoir qui est omniprésent. Et la neige.
Le carrosse qui emporte la princesse des Ursins hors d’Espagne roule dans la
neige et semble ne jamais devoir s’arrêter. Il entraîne avec lui toutes les
voitures trimballant les futures reines qui quittent leur pays natal et traversent les Pyrénées.
J’ai beaucoup aimé ce roman, très
brillant dans sa construction, très documenté sur le plan historique.
Pujade-Renaud a comme toujours une langue sensible qui donne toute sa place à
des femmes intelligentes, actives dans un monde d’hommes, habiles en politique,
taisant leurs sentiments, résistant à la solitude.
Certes, je m’en souviens de ce
pas de Roncevaux. De ce passage. La date m’est restée : 9 décembre 1714.
Dans ma chaise à porteurs, je serre les dents. Nous nous sommes mis en branle
un peu tard et bientôt la nuit tombe. Juste la lueur vague de la neige, je
devine que nous pénétrons dans une vallée très étroite. Elle se referme sur moi
tel un étau. Le froid également. À intervalles réguliers sont plantées des
torches résineuses. Superbes ces flambeaux sur ce blanc scintillant. Mais ils
ne me réchauffent guère. À leur pied la neige fond et m’évoque la cire des
cierges lorsqu’elle devient liquide autour de la mèche.
Merci Sylvie pour ce prêt. Il y a
aussi un billet sur Celles qui savaient. Lire aussi l'avis d'EmiLie et de Keisha.
J'aime beaucoup cette présentation, je n'ai plus grand chose en stock côté historique, je crois que celui là va être programmé cet été, merci!
RépondreSupprimerAlors je te conseille aussi Le Désert de la grâce (également un billet sur mon blog), qui est très bon.
RépondreSupprimerUne auteure que j'aime beaucoup.
RépondreSupprimerTrès beau livre, ce voyage sombre à travers la nuit et les souvenirs
RépondreSupprimerAlex : après avoir vu ton commentaire, je suis allée sur ton blog et j'ai vu ça, oui !
RépondreSupprimerTotalement d'accord, Eva.
Ayant beaucoup apprécié Les femmes du braconnier de cet auteur, j'ai très envie de lire ce roman :)
RépondreSupprimerJe t'encourage ! je ne peux pas te le prêter, il n'est pas à moi.
RépondreSupprimerEffectivement ce roman m'a l'air très intéressant, je le note !
RépondreSupprimerL'écriture est plus rude que chez Chandernagor, mais si on aime cet écrivain, ce roman est très bon.
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