La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 10 septembre 2012

La fêlure était son signe de reconnaissance.


Antoine Sénanque, L’Homme mouillé, Paris, Grasset, 2010.

J’avais acheté ce roman il y a un certain temps et plusieurs avis positif sur son dernier roman (Salut Marie, les avis de Stephie et d'Assouline) m’ont incité à le sortir enfin. Je ne regrette pas. C’est un roman court mais très maîtrisé.
L’action est à Budapest, en 1938. Pal Vadas est un employé des postes ordonné, qui a la vie la plus indifférente possible : pas de microbe, pas de désordre, pas d’imprévu. Mais un jour, il se réveille humide : son corps sécrète de l’eau, de l’eau de mer plus exactement. Face à cet événement mystérieux et incompréhensible, Vadas perd lentement ses certitudes. Enrôlé sans rien maîtriser dans les réunions des phalanges d’extrême-droite, les services sanitaires l’extraient de chez lui car son corps menace d’inonder l’immeuble.
Il passe de médecin en médecin, objet d’examen et de méfiance, placé sous observation médicale et politique. Pendant ce temps, la Hongrie se rapproche de la guerre, vote des lois raciales, est de plus en plus méfiante envers Vadas. Le pays est marqué par le découpage européen de l’après 1e Guerre mondiale.
Pal Vadas se laisse envahir par l’eau comme la Hongrie est envahie par le fascisme, de manière honteuse et inexorable. Il a l’impression de contenir la rumeur, les cris, les cauchemars du pays. Si le personnage n’est qu’indifférence, il semble que son eau puisse prendre des décisions étranges comme si elle était l’expression de son intériorité.

Le début :
Pal Vadas se réveilla recouvert d’eau salée.
Il trouva ses draps imbibés d’une eau sombre qui avait pénétré son matelas. Une ligne humide et froide marquait les contours de son corps. Le tissu de sa veste pesait sur sa peau. Ses mains étaient moites.
La chaleur de la nuit avait été inhabituelle, en ce mois de mars 1938. Il fut surpris par l’abondance de cette sueur et s’étonna de ne pas ressentir le besoin de boire.

Guillaumin, Tempête de vent d'est à Agay, Rouen,
musée des Beaux-Arts, image M&M.
 Ce n’est pas une fable symbolique ou allégorique. Le roman raconte le basculement de la Hongrie alors que Pal Vadas déborde de toutes parts, sans pathos, sans analyse psychologique. Il ne s’agit pas non plus d’un livre d’histoire politique, les événements n’étant présents que sous forme allusive. Tout est présenté avec précision factuelle et délicatesse. Le livre est court (200 pages), la langue est très tenue, lente, jouant d’une corde basse. Vadas est apparemment sans intériorité ou affectivité mais vit de plus en plus en fonction de son eau, incarnant des sentiments venus du plus profond de l’humain – sans un mot de trop.

Les avis de Pierre Assouline, de Christophe Bys


2 commentaires:

Syl. a dit…

Bonjour !
Pas tentée par ce livre.
Il faut dire que... j'ai une PAL à abattre !!!

nathalie a dit…

Tant pis, il est très bien pourtant.